Au Kenya, le bilan d’un jeûne extrême dans une secte évangélique dépasse les 400 morts
Le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie prônait de jeûner jusqu’à la mort pour « rencontrer Jésus ». En détention depuis le 14 avril, il va être poursuivi notamment pour « terrorisme ».
Des recherches de fosses communes sont toujours en cours près de la ville côtière de Malindi, trois mois après la découverte des premières victimes de ce qui a été baptisé le « massacre de la forêt de Shakahola ». YASUYOSHI CHIBA / AFP
Douze corps ont été retrouvés, lundi 17 juillet, dans la forêt de Shakahola, au Kenya, où se réunissait une secte évangélique pratiquant un jeûne extrême, portant à 403 morts le bilan de ce scandale macabre, a annoncé la préfète de la région, Rhoda Onyancha.
Les autorités s’attendent à voir le nombre de victimes augmenter encore. Des recherches de fosses communes sont toujours en cours dans une vaste zone de forêts et de broussailles de la côte kényane, près de trois mois après la découverte des premières victimes de ce qui a été baptisé le « massacre de la forêt de Shakahola ».
La police estime que la plupart des corps exhumés sont ceux d’adeptes de l’Eglise internationale de la Bonne Nouvelle (Good News International Church), créée et dirigée par le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie. Ce dernier prônait de jeûner jusqu’à la mort pour « rencontrer Jésus ». Cet ancien chauffeur de taxi est en détention depuis le 14 avril et va être poursuivi notamment pour « terrorisme ».
Les autopsies pratiquées jusqu’à présent ont révélé que la plupart des victimes sont mortes de faim, vraisemblablement après avoir suivi ses prêches. Certaines victimes, dont des enfants, ont toutefois été étranglées, battues ou étouffées, selon ces autopsies.
Déjà arrêté pour ses prêches extrêmes
Seize autres personnes sont accusées de faire partie d’un groupe d’« hommes de main » chargé de veiller à ce qu’aucun adepte ne rompe le jeûne ou ne s’échappe de la forêt, située près de la ville côtière de Malindi.
La justice a aussi engagé des poursuites pour « tentative de suicide » contre 65 adeptes qui refusaient de s’alimenter après avoir été sortis de la forêt. Ces poursuites ont été condamnées par des groupes de défense des droits humains. L’ONG Commission nationale des droits humains du Kenya a dénoncé une décision « inappropriée [qui] traumatisera les survivants à un moment où ils ont désespérément besoin d’empathie ».
Ce massacre a placé les autorités du pays sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements du « pasteur » Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes. En mars, il avait été libéré sous caution malgré des accusations contre lui après le décès de deux enfants morts de faim sous la garde de leurs parents liés à la secte.
Il a également ravivé le débat sur l’encadrement des cultes, dans ce pays en majorité chrétien qui compte 4 000 « Eglises », selon des chiffres officiels. A la suite de ce drame, le président William Ruto, lui-même un fervent protestant soutenu par les milieux évangéliques lors de son élection en août 2022, a créé un groupe de travail chargé de « l’examen du cadre légal et réglementaire régissant les organisations religieuses ».
Le gouvernement a annoncé son intention de faire de la forêt de Shakahola un « lieu de mémoire afin que les Kényans et le monde n’oublient pas ce qui s’est passé ».
Le Monde avec AFP