LA FRANCE INSOUMISE
Jean-Luc Mélenchon, l’autre discours de Ouagadougou
En visite au Burkina Faso, le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale s’est dit prêt, s’il est élu, à annuler tous les accords de défense signés avec des Etats africains.
Pour exposer sa conception des relations franco-africaines, forcément renouvelées selon la promesse de tous les candidats en campagne, Jean-Luc Mélenchon avait projeté une tournée de dix jours au Sahel avec des visites au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Les restrictions dues au Covid-19 et le débat parlementaire en France sur le passe sanitaire l’ont finalement amené à concentrer son déplacement sur quatre jours, du 18 au 21 juillet, et un pays.
Inévitablement, le choix s’est porté sur le Burkina Faso pour une visite dans une nation qui s’enorgueillit de ses contestations. Un voyage en pays ami – accompagné de Mathilde Panot, la vice-présidente du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée, et du député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud – avec ses étapes officielles et ses hommages aux figures révolutionnaires passées et présentes. M. Mélenchon a ainsi eu droit à un entretien avec le président Kaboré qui l’a reçu « avec une forme de courtoisie et de fraternité » en dépit de son statut d’opposant.
Il est également allé chercher l’inspiration auprès du Balai citoyen, mouvement-phare de « la révolution citoyenne » de 2014 qui mena à la chute du président Blaise Compaoré. M. Mélenchon a, enfin, salué comme il se doit pour toute personnalité de gauche de passage la mémoire de Thomas Sankara, « haute figure de l’insoumission ». Le groupe LFI avait demandé, en 2017, l’ouverture des archives françaises sur l’assassinat de ce capitaine trente ans plus tôt.
Opposition à l’opération « Barkhane »
Le Burkina Faso est le lieu idéal pour tenir un discours de rupture à destination d’une jeunesse d’Afrique francophone qui manifeste ouvertement sa défiance à l’égard de l’ancien colonisateur. Emmanuel Macron avait ainsi choisi à dessein en novembre 2017 l’université de Ouagadougou pour assurer devant un auditoire dubitatif « qu’il n’y a plus de politique africaine de la France » et amorcer un récit où « l’Afrique n’est ni un encombrant passé ni un voisin parmi d’autres ».
A moins d’un an de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est donc venu marcher sur les pas du chef de l’Etat, mais avec l’ambition affichée d’effacer sa trace. Mercredi 21 juillet, dans cette même université Joseph-Ki-Zerbo connue pour son esprit frondeur, il a tenté de faire entendre « une autre voix de la France », forcément débarrassée des maux de « l’impérialisme », du « néocolonialisme » et du « paternalisme ».
Le député LFI a ainsi réitéré son opposition à l’opération « Barkhane », en voie de disparaître, et déploré l’absence de consultation sur l’intervention au Sahel dont le président Macron a annoncé une diminution des effectifs. « Il n’existe aucune solution militaire à un problème politique.
Les premiers qui l’ont dit ce sont les militaires de mon pays. Je ne supporte pas que nous soyons depuis huit ans en guerre et que nous n’en ayons discuté qu’une fois à l’Assemblée nationale », a-t-il dénoncé une nouvelle fois, avant de se dire, s’il est élu, « prêt à annuler tous les accords de défense » qui lient Paris avec plusieurs capitales africaines en cas d’attaque extérieure. « Le départ de l’armée française, c’est quand vous voulez ! », a-t-il lancé à son jeune public.
Alors que l’une des premières préoccupations des Burkinabés est la perte de contrôle de leur Etat face aux groupes djihadistes, Jean-Luc Mélenchon a délivré sa vision du combat qui doit être mené. « Je crois à la guerre idéologique, à la guerre sociale (…), à la guerre du financement » contre des groupes sur lesquels il dit avoir « de petits doutes sur les motivations religieuses ».
« Il n’est pas là pour nous, il parle aux Français »
Pour lui, à l’origine de tous les maux se trouvent « des puissants », animés par des logiques d’accaparement auxquels devrait être opposée la réalisation d’ « un horizon commun ». Son outil pour rétablir les ponts entre une France où se renforce « un sentiment xénophobe insupportable » et une Afrique où le sentiment antifrançais « est un crève-cœur » ? Une langue française et un monde créolisés. « Je sais quels soupçons pèsent sur la francophonie. Un instrument de l’impérialisme français », a t-il concédé. Mais, selon lui, « la langue est un usage commun », « un bien commun » pour 300 millions de locuteurs présumés. « J’en appelle à une langue francophone qui soit une langue d’opinions et de projets », a-t-il plaidé, dessinant les batailles à venir : contre « le Big Pharma » dans la crise sanitaire actuelle, contre le changement climatique avec la création d’une force « pour intervenir à chaque fois qu’il y a une catastrophe » et pour « la souveraineté alimentaire, où cela a été compris au Burkina Faso plus vite qu’ailleurs ».
A l’issue de deux heures de discours et d’échanges, dans l’auditoire les avis se partageaient entre ceux conquis par l’ardeur de la dénonciation et ceux revenus de toutes les promesses venues d’ailleurs. Aucun n’était dupe des intentions. « Il n’est pas là pour nous, il parle aux Français », jugeait Kelgwendé Sawadogo, un étudiant en philosophie de 28 ans. Notamment à un électorat issu de l’immigration africaine, dont une partie garde un œil attentif sur les déclarations relatives au continent. Jean-Luc Mélenchon a répété durant son voyage qu’il était venu « apprendre et pas pour donner des leçons ». Une démonstration d’humilité aux allures de numéro de séduction.
rfi
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