“Le Niger ne peut pas résister à ces sanctions”
Sur la chaine française France 24, hier, le Premier ministre nigérien, qui était hors du territoire au moment du coup d’État, s’est dit satisfait de la réaction de la CEDEAO et de la communauté internationale et met en garde contre les conséquences désastreuses de telles sanctions.
Un tableau très sombre. C’est ce qu’a décrit le Premier ministre du Niger, hier soir sur France 24, au cas où les sanctions proclamées contre son pays venaient à être mises à exécution. Interpellé sur la batterie de mesures prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Ouhoudou Mahamadou déclare : ‘’Nous sommes satisfaits de cette réaction. D’abord, c’est une réaction logique, parce que c’est un coup d’État gratuit qui n’est basé sur rien du tout. D’habitude, les coups d’État ont des soubassements soit politiques, soit sociaux, soit économiques. Mais le Niger n’est dans aucune de ces situations. Comme vous le savez, sur le plan sécuritaire, nous sommes le pays qui fait le mieux ; sur le plan économique, on a le meilleur taux de croissance avec 11,9 % l’année dernière, avec une perspective de 12 % pour l’année en cours. On était donc sur une bonne lancée. Sur le plan politique, nous entretenons le dialogue avec l’opposition, tout comme sur le plan social avec toutes les forces sociales. Cette situation ne s’explique donc pas. C’est pourquoi nous comprenons parfaitement les décisions prises par la CEDEAO.’’
Outre les sanctions économiques et financières proclamées, l’organisation sous-régionale n’écarte pas non plus des moyens militaires pour rétablir l’ordre constitutionnel.
À ce propos, le n°2 du pays de Bazoum salue et justifie : ‘’C’est une initiative qui est conforme aux décisions du dernier sommet tenu à Bissau. Les chefs d’État avaient déjà dit qu’il y en a assez des coups d’État et des changements anticonstitutionnels et que désormais, la communauté doit prendre ses responsabilités. Il était même prévu de créer une force de la CEDEAO pour faire face à ce genre de situation. Mais en ce qui concerne le Niger, moi je reste optimiste.’’
La CEDEAO envisageait déjà de créer une force pour faire face à ces genres de situations
À l’en croire, le Niger pourrait revenir à la raison, avant la mise en œuvre d’une telle menace. De l’avis de M. Mahamadou, les mesures économiques devraient suffire à convaincre les uns et les autres à revenir à la raison. ‘’La batterie de sanctions qui a été prise par la CEDEAO et l’UEMOA, je connais la fragilité du Niger, le contexte économique et financier du Niger pour avoir été ministre des Finances par le passé, mais aussi de par mes fonctions de Premier ministre. C’est un pays qui ne peut pas résister à ce genre de sanctions.
Sur le plan économique, ça pourrait être une catastrophe, sur le plan social, ça va être une catastrophe, parce que le Niger compte beaucoup sur son partenariat international, avec les pays amis, les institutions internationales qui lui apportent beaucoup de soutiens. Particulièrement pour ce qui est du dernier semestre de l’année. C’est un semestre où généralement, nous avons besoin des aides budgétaires qui nous viennent de l’Union européenne, de la Banque mondiale et du FMI en particulier, mais surtout de l’AFD’’. Renoncer à ces appuis, alerte le Premier ministre de Bazoum, ‘’c’est se faire harakiri. Et pour le pays, nous pensons que ça va être une véritable catastrophe. Nous lançons un appel aux uns et aux autres de mettre en avant l’intérêt du pays et non les intérêts particuliers’’.
Selon le Premier ministre, il s’est entretenu avec le président Bazoum qui se porte bien. ‘’Je viens de lui parler et lui ai fait part de mon intention de venir ici dans le cadre de cette interview. Le président Bazoum a le moral, c’est un grand combattant, un syndicaliste chevronné, qui a toujours son franc-parler. S’il appréhende cette situation avec optimisme, on peut le croire. Il espère vraiment que les choses vont évoluer dans le bon sens’’, soutient M. Mahamadou.
Il décèle un paradoxe dans les attaques contre la France tout en demandant de l’aide à la Russie. ‘’Je sais que le peuple nigérien dans son ensemble n’a aucun sentiment anti-français. Par contre, il y a un certain nombre d’activistes financés par des organisations et qui se sont mis dans la tête… C’est comme si le Niger ne peut pas se passer d’autres pays. Vous demandez le départ de la France et vous demandez à ce qu’un autre pays vienne à votre secours, ça ne s’explique pas. Du point de vue diplomatique, une ambassade, c’est sacré. Attaquer une ambassade, c’est s’attaquer à un pays. Et c’est dramatique’’, souligne le PM qui espère que les médiations porteront leurs fruits, notamment celle menée par l’ancien président Issoufou qui connait le pays. ‘’C’est quelqu’un qui connait bien les acteurs, quelqu’un qui connait aussi la situation du pays et qui sait comment les sanctions peuvent être très dommageables. Il est donc très engagé pour trouver une solution à ce problème. Il faut que les uns et les autres comprennent que l’intérêt du Niger doit primer sur les intérêts personnels’’.
MOR AMAR (AVEC FRANCE 24)