Opportunités et défis face à la fermeture du détroit d’Ormuz

Alors que le monde est secoué par des crises géopolitiques et énergétiques sans précédent, le spectre d’une fermeture du détroit d’Ormuz par l’Iran menace de plonger l’économie mondiale dans une nouvelle ère d’incertitude. Dans ce contexte, le Sénégal émerge comme une alternative stratégique, grâce à son potentiel en hydrocarbures et à sa stabilité socio-économique. Cette contribution explore comment le pays peut capitaliser sur ses atouts pour devenir un pôle d’investissement sécurisé, tout en relevant les défis structurels qui persistent.
1. Contexte mondial : La bombe énergétique du détroit d’Ormuz
Un point de passage vital menacé
Le détroit d’Ormuz, situé entre l’Iran et Oman, est un passage maritime critique pour le commerce mondial du pétrole et du gaz. Environ 20 % du pétrole mondial (soit près de 17 millions de barils par jour) et 30 % du gaz naturel liquéfié (GNL) transitent par ce corridor. Une fermeture de ce détroit, envisagée par l’Iran en réponse aux tensions avec Israël et les États-Unis, aurait des répercussions catastrophiques :
- Flambée des prix du pétrole : Les analystes anticipent un baril à 150-200 dollars, voire plus, en cas de blocage prolongé.
- Crise économique en Asie : La Chine et l’Inde, dépendantes à 70 % des importations pétrolières transitant par Ormuz, subiraient un choc inflationniste et une contraction de leur PIB de 2 à 3 points.
- Instabilité mondiale : Comme lors de la crise énergétique européenne post-Ukraine, les industries et les ménages feraient face à des pénuries et à une hausse généralisée des coûts.
Les limites des alternatives existantes
Aucun pipeline ou voie maritime ne peut remplacer le détroit d’Ormuz à court terme. Les oléoducs existants (comme celui d’Aramco vers la mer Rouge) ne couvrent qu’une fraction des besoins. Les marchés pétroliers sont déjà sous tension, avec une prime de risque intégrée dans les prix depuis les récentes frappes israéliennes en Iran.
2. Le Sénégal, une alternative énergétique crédible ?
Un potentiel hydrocarbure sous-exploité
Le Sénégal dispose de réserves prouvées de 1,5 milliard de barils de pétrole et de 40 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel, notamment avec les champs offshore de Sangomar (pétrole) et Grand Tortue Ahmeyim (GTA) (gaz). Ces ressources pourraient :
- Réduire la dépendance africaine aux importations : Le Sénégal pourrait produire 100 000 barils/jour dès 2026, avec un pic à 200 000 barils/jour en 2030.
- Devenir un exportateur régional : Le gaz sénégalais pourrait alimenter l’Afrique de l’Ouest via des infrastructures comme le Pipeline Maroc-Nigéria ou des terminaux GNL.
Une stabilité politique et économique attractive
Contrairement à d’autres pays producteurs en crise (Nigéria, Libye), le Sénégal se distingue par :
- Une démocratie solide : Alternance politique pacifique en 2024 et réformes économiques ambitieuses (Vision Sénégal 2050).
- Un cadre réglementaire performant : Classé 1er en Afrique pour la régulation électrique (indice ERI 2024).
- Un climat des affaires favorable : Réduction des lourdeurs administratives et partenariats public-privé (PPP) encouragés.
3. Opportunités pour les investisseurs
Secteurs clés à fort rendement
1. Exploitation gazière et pétrolière
- Investissements nécessaires : 10 à 15 milliards de dollars d’ici 2030 pour développer les infrastructures (plateformes offshore, pipelines, usines GNL).
- Rentabilité : Le gaz sénégalais, moins cher que les importations, pourrait alimenter des centrales électriques locales ("Gas-to-Power") et réduire les coûts énergétiques de 30 %.
2. Énergies renouvelables
- Le Sénégal vise 40 % d’énergies vertes d’ici 2030 (solaire, éolien), combinées au gaz pour une transition énergétique équilibrée.
3. Logistique et transport
- Modernisation des ports de Dakar et Saint-Louis pour exporter hydrocarbures et minerais.
Avantages fiscaux et sécurisation des investissements
- Exonérations douanières pour les équipements énergétiques.
- Fonds souverain (FONSIS) pour garantir la transparence des revenus pétroliers.
- Protection des investisseurs via des accords bilatéraux (ex : France, UE).
4. Défis à relever
Risques économiques et gouvernance
- "Pré-malédiction des ressources" : Optimisme excessif sur les revenus pétroliers pouvant conduire à une mauvaise gestion.
- Dépendance aux cours mondiaux : Une baisse des prix du pétrole impacterait les recettes budgétaires.
- Conflits d’intérêts : Nécessité d’audits indépendants pour éviter les détournements.
Enjeux environnementaux
- Risque de "lock-in gazier" : Le développement massif du gaz pourrait retarder la transition vers les renouvelables.
- Impact écologique : Protection des zones côtières et compensation des communautés affectées.
Dépendance aux partenariats étrangers
- La France et l’UE restent des acteurs majeurs (financements AFD, expertise technique).
- Nécessité de renégocier les contrats pétroliers pour plus d’équité (ex : révision des clauses fiscales avec Woodside Energy).
5. Conclusion : Le Sénégal, futur hub énergétique ouest-africain ?
Face à l’instabilité croissante des routes énergétiques traditionnelles, le Sénégal offre une alternative crédible grâce à :
- Ses réserves d’hydrocarbures sous-exploitées.
- Sa stabilité politique et réglementaire.
- Sa position géostratégique (proximité avec l’Europe et l’Amérique).
Cependant, pour devenir un véritable havre de sécurité énergétique, le pays doit :
✔ Diversifier son mix énergétique (gaz + renouvelables).
✔ Renforcer la transparence dans la gestion des revenus pétroliers.
✔ Attirer des investissements durables via des PPP équilibrés.
Dans un monde où l’énergie est au cœur de la puissance économique, le Sénégal a une carte majeure à jouer. Reste à savoir s’il saura la manier avec sagesse.
Dr. Seydina Oumar Seye
Sources :
- NRGI (2024), Opportunités et défis pour le Sénégal dans la production pétrolière et gazière.
- RTBF (2025), Le détroit d’Ormuz, un enjeu stratégique.
- CNBC (2025), Iran-Israel conflict: Energy CEOs cautious on forecasting oil prices.
- Banque Africaine de Développement (2024), Indice de régulation électrique en Afrique.
NB : Données actualisées au 23 juin 2025.