Publié le 27 Oct 2023 - 22:23
Les Comptes de Almamy Bocar LA CHRONIQUE DU VÉTÉRAN

 “Souf”, notre mère la terre

 

La pléthore de candidats à la candidature présidentielle cache et dévoile à la fois les enjeux du présent et du futur immédiat du pays. Car si les Sénégalais ne connaissent pas bien leur pays ou ignorent les potentialités de celui-ci, ailleurs dans le reste du monde, ce petit pays du Sahel suscite beaucoup d’envies et de convoitises.

La précampagne qui a démarré avec le retrait des fiches de parrainage annonce une belle saison fructueuse pour les professionnels de l’animation, ceux de la politique et de la communication. L’argent va couler à flots, car beaucoup de candidatures ont des sponsors fortement intéressés par les mines, le gaz et le pétrole du pays.

Ainsi, par le canal d’hommes d’affaires, d’avocats, de notaires sénégalais ou ouest-africains, des circuits bien rodés préfinancent des budgets de campagne électorale à hauteur de plusieurs millions de dollars qui sont des broutilles pour des multinationales comme Rio Tonto, Total, Shell ou De-Beers, entre autres, mais des milliards sous nos cieux. Multinationales du pétrole et du gaz, traders de produits pétroliers, firmes industrielles comme des armateurs de pêche utilisent comme relais des pays comme la Guinée-Bissau, le Nigeria, la Côte d’Ivoire et même la France  pour armer financièrement leurs poulains locaux.

Certains diplomates et spécialistes de l’intelligence économique et de l’espionnage industriel éprouvent, ainsi, beaucoup d’inquiétude et craignent des difficultés pour le futur immédiat à l’endroit de notre pays. Ils redoutent une instabilité voulue et orchestrée par les vautours et rapaces tournoyant autour du Sénégal afin de le fragiliser et de faire main basse sur ses richesses. Contentieux électoraux et troubles politiques conduisant à des affrontements entre factions politiques pourraient sortir des urnes, selon eux, déstabiliser le pays pour l’affaiblir avant de le plonger dans la même situation que des pays comme la Centrafrique, le Congo démocratique, le Sud-Soudan ou plus près de nous le Mali.

Le Sénégal serait, donc, à la croisée des chemins telle que l’a diagnostiqué, déjà, un homme aussi averti que l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye qui redoute une instabilité et une descente aux enfers du pays si nous ne comprenons pas les enjeux de la situation. Que ce soit les capitalistes français, turcs, malaisiens, chinois ou russes sans oublier les Anglo-Saxons comme les Britanniques ou les Américains, les jeux subtils se déroulant à l’ombre ne visent qu’un objectif : faire main basse sur les ressources naturelles au prix d’installer chaos, affrontements communautaires et même guerre civile. Il reste, maintenant, aux enfants de ce beau pays à faire le tri entre la bonne graine et l’ivraie en refusant de céder aux manipulations des croisés de la France-Afrique ou aux manœuvres des laquais de nouvelles puissances venues d’Arabie ou d’Asie.

Aujourd’hui plus qu’hier, il nous faut nous approprier des idées nationalistes de Cheikh Anta Diop, s’ancrer dans nos valeurs de culture comme le défend Senghor tout en ayant l’audace et les ambitions de Me Wade et non plus réciter ou restituer bêtement des théories libérales ou communistes. Car, contrairement à certaines idées reçues ou clichés avancés, les découvertes de gaz et de pétrole ont plus apporté d’adversités, de jalousie au Sénégal que de perspectives de ‘’Natangué’’ qui devraient en faire dans un futur proche un pays riche et florissant comme les émirats du Golfe.

Notez pour bien prendre en compte la mesure des choses et comprendre les enjeux de la situation que dès l’entame de la précampagne, les candidats à la Présidentielle parleront beaucoup plus de contrats à négocier, à renégocier, à invalider ou à rompre que des attentes des populations et de réels problèmes du pays comme la sécurité et la défense, la sécurité alimentaire, l’avancée du désert, la destruction de nos forêts, le pillage de nos ressources halieutiques ou l’éducation de sa jeunesse.

Bombes à retardement

Aminata Touré dite ‘’Mimi, on accélère la cadence’’ vient de toucher du doigt un véritable problème qui menace la stabilité du pays et la cohésion sociale : le cas de la spéculation foncière effrénée et des mutations domaniales qui sévissent sur l’ensemble du territoire national.

Il faut reconnaître que le problème de l’affectation, de la cession, de l’utilisation et de l’exploitation des terres du domaine national a atteint depuis belle lurette la côte d’alerte du fait des interventions spéculatives de certains fonctionnaires des domaines, des cessions lucratives d’élus locaux et de responsables du commandement territorial qui en ont fait une source de revenus.

Voilà ce qui explique, régulièrement, que la presse et l’opinion sont ébahies par les conflits germant ici et là entre populations, promoteurs immobiliers et spéculateurs fonciers.

L’État central, dans le cadre de sa politique de décentralisation, a fait de l’affectation des terres une des compétences transférées au pouvoir local. Ainsi, certains élus locaux, à la recherche de recette budgétaire, ont cédé à la facilité déconcertante de céder des terres de leur périmètre foncier à tel point que quelquefois leurs communes sous la poussée démographique n’ont plus la possibilité d’user d’une réserve foncière pour procéder à une extension pour cause d’habitation. D’où les éternels et interminables conflits fonciers avec quelquefois des affrontements violents entre populations et ces nouveaux ‘’latifundistes’’. Et  l’histoire enseigne que les conflits autour de la terre ont toujours mené à des jacqueries, prémices à des révolutions.

Je pense, donc, que la sonnette d’alarme de l’ancien Premier ministre vient à son heure et que ce problème devrait être pris très au sérieux. Qui plus est, il s’y ajoute une nouvelle forme d’annexion et de colonisation de notre pays avec tous les baux que l’on a accordés à des entreprises étrangères d’origine européenne, asiatique et arabe qui ont essaimé dans toutes les terres arables du pays des complexes agricoles qui profitent au maximum de notre politique agricole avec la conséquence néfaste d’appauvrir nos terres et de tarir nos ressources hydriques.

Et cela est proprement scandaleux à mes yeux. Car il n’y a qu’au Sénégal et en Afrique où on voit des pays céder des périmètres entiers de leurs terres arables à des pays étrangers qui, eux, y développent une agriculture intensive pour nourrir leurs populations tandis que nous nous continuons d’importer céréales et denrées alimentaires de partout pour le plus grand drame de notre balance commerciale.  Au Sénégal, on aime jouer avec le feu, car trop adepte de la politique de l’autruche. Senghor a opté pour le domaine national comme politique de gestion de la terre afin de garantir le droit et la jouissance de celle-ci à ses ayants droit : les enfants du pays. Je trouve inadmissible que par une opération juridique consistant à signer des partenariats ou à délivrer des baux que l’on ne fasse que privatiser  la terre au profit des privés étrangers.

Tenez, par exemple, en Côte d’Ivoire, pays voisin et frère, le président Alassane Ouattara a fait voter une loi au début de son magistère consistant à interdire la cession ou la location d’une partie du territoire éburnéen à tout étranger. Seuls les Ivoiriens ont droit à la jouissance de la terre de leurs ancêtres. Je souscris totalement à cette démarche, car nul ne peut imaginer qu’un Africain, quelle que soit sa fortune, puisse acquérir des terres de cultures en Europe, en Amérique ou en Asie.

Le problème de la terre ainsi que celui de l’emploi des jeunes en plus de l’inflation et le coût de la vie sont les trois bombes à retardement qui pourraient faire exploser le pays.

Abdoulaye Bamba DIALLO

 

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