Lettre ouverte à Monsieur Oumar Sarr, Ministre des Mines et de la Géologie
Monsieur Le Ministre,
Au nom du Comité de Veille et d’Alerte de la Faleme Mali/Sénégal (CVAF/MS), je viens, très respectueusement, mais avec une très grande colère, vous dire notre déception, car, nous avons le sentiment, et je pèse bien mes mots, que vous nous avez trahis. Que vous avez trahis nos populations et nos terroirs riverains du fleuve Falémé.
Ce qui fonde ce sentiment de trahison, Monsieur le Ministre Oumar SARR, est l’autorisation signée de vos mains, malgré toutes les assurances que vous nous aviez données. Nous avons pris connaissance de cette autorisation, lors de la rencontre organisée le 29 octobre 2023, par le Président du collectif des 13 villages riverains de la Falémé de la commune de Sadatou, Monsieur Boulaye Macalou, le Chef de village de Moussala Sénégal. Cette rencontre à laquelle Le Comité de Veille et d’Alerte de la Falémé /Mali- Sénégal (CVAF- MS) a été invité, a regroupé les membres du collectif des 13 villages sus mentionnés, Monsieur le Sous-préfet de l’arrondissent de Kéniéba, le Commandant de la brigade de gendarmerie de Kéniéba, les chefs des services du dit arrondissement, Monsieur le Maire de la commune de Sadatou, le Collectif Sauvons la Falémé (SF) , Monsieur Mao représentant la société Chinoise attributaire de votre autorisation.
Alors que vous n’ignorez pas que depuis 2018, nous luttons pour que tous les orpailleurs nationaux et ceux provenant de la sous-région soient déguerpis de l’emprise de la Falémé, voilà que, loin de mettre en œuvre ce déguerpissement, vous avez décidé, d’aggraver notre situation. En effet, vous avez carrément octroyé une autorisation d’exploitation semi mécanisée sur deux sites se trouvant sur la rive gauche du fleuve, le premier à moins d’un kilomètre des berges, près du Village de MOUSSALA Sénégal, le second, à moins de trois cents mètres des berges du fleuve, au niveau du village de DIOUBEBA, dans la commune de SADATAOU.
Notre ressenti est d’autant plus justifié que nous vous avions rencontré le 26 février 2021, de 13h à 14h dans vos bureaux à Diamniadio. A cette occasion, nous vous avions exposé la situation catastrophique du fleuve dont les eaux sont complètement polluées, la faune et la flore en agonie, l’écosystème en voie de destruction, les fléaux relatifs à la santé avec la prolifération et l’apparition sur l’emprise du fleuve de maladies jusqu’alors inconnues dans nos terroirs, qui ravagent les populations et leurs bétails, les méfaits sur l’éducation avec les déperditions scolaires, la détérioration des mœurs, le développement exponentiel de l’insécurité que génèrent les trafics de tous genres et toutes sortes de drogues qui sont en train de gangrener insidieusement, comme un cancer, notre jeunesse.
Après cet exposé, vous nous aviez montré d’horribles images de l’état du fleuve pour nous confirmer la véracité du récit que nous venions de vous faire ; pour nous expliquer également que vous étiez non seulement bien informé de la situation, mais que vous êtes aussi conscient des dangers que vivent ou qui guettent les populations riveraines du fleuve et son écosystème. Vous nous aviez assuré que vous prendriez très rapidement les décisions et les dispositions adéquates pour arrêter l’orpaillage sur l’emprise de la Falémé, que vous utiliseriez tous les moyens dont dispose l’Etat pour y parvenir. Je rappelle, en outre, que vous aviez promis de vous rendre sur les rives de la Falémé pour constater de visu l’état du fleuve. A ce jour, nous attendons cette visite.
Au terme de la rencontre du 29 octobre dernier au village de Moussala Sénégal, les populations ont fait savoir à Monsieur le Sous-préfet, leur totale opposition à cette exploitation semi mécanisée et l’ont chargé de vous demander de bien vouloir abroger votre autorisation. Les populations ont souligné avec force, à Monsieur le Sous-préfet, que la Falémé leur étant vitale, elles s’opposeront par tous les moyens à cette exploitation qui va empirer la situation déjà désastreuse de l’emprise du fleuve et impacter négativement leurs activités, mettre en danger leurs vies, hypothéquer l’avenir de leurs enfants et que, pour cela, elles n’ont d’autres choix que de résister et s’il le faut jusqu’au sacrifice suprême.
Notre Comité se joint aux populations riveraines pour vous demander de bien vouloir abroger l’autorisation accordée à la société chinoise. A défaut, nous n’excluons pas de saisir qui de droit pour que cette autorisation ne mette pas en péril la vie de nos populations et de leurs bétails, la faune, la flore et l’écosystème de l’emprise de la Falémé ; en un mot, tout notre environnement. A notre humble avis, maintenir cette autorisation, pourrait être assimilé à un acte criminel, au vu des conséquences néfastes à tous points de vue qu’elle entraine pour les citoyens vivant sur l’emprise de la Falémé. En effet, un éventuel refus d’abroger cette autorisation meurtrière de tout un écosystème dont des vies humaines dépendent ne pourrait s’interpréter autrement que pour vous, la vie des populations et celle de leurs bétails, la faune, la flore, l’écosystème et tout l’environnement valent moins qu’une pépite d’or.
Comptant sur votre prompte réaction et dans l’attente d’une suite favorable à notre demande d’abrogation de votre autorisation d’exploitation minière semi-mécanisée accordée à la société chinoise, je vous prie de croire, Monsieur Le Ministre, en ma très haute considération.
Kidira, le 15 novembre 2023
Pour Le Président du Comité de Veille et d’alerte de la Falémé Mali-Sénégal (CVAF/MS)
Opa GUIRO