Publié le 5 Sep 2013 - 16:15
LIBRE PAROLE

Analyse de l’architecture du 3ème Gouvernement du mandat du Président Macky Sall

 

 

Le 2 Septembre 2013, après 18 mois d’exercice du pouvoir, le Président Macky Sall  a désigné un 2ème Premier Ministre, Madame Mimi Touré,  pour diriger le  troisième  Gouvernement de son Mandat.

Dans sa composition sociale, ce nouveau Gouvernement a vu le départ de  trois (3) de ses membres issus de la Société civile du secteur privé (Abdoul Mbaye, Amadou Kane, et Youssou Ndour), et l’arrivée de cinq (5) membres de la société civile issus de la haute Administration (Amadou Ba, Mouhamadou Makhtar Cissé, Pape Abdoulaye Seck et Maïmouna Ndoye Seck), et d’organisation humanitariste (Sidiki Kaba).

Dans sa composition politique, sur six (6) départs,  trois (3) sont de l’APR, un (1)  des autres composantes de BBY ( Youssou Ndour), tandis que sur les neuf (8) arrivées dans le nouveau Gouvernement,  il y a  trois (4) de l’APR, mais au niveau de la Présidence,  il y a  deux (2) arrivées de BBY (Youssou Ndour de FMCB, et Aziz Tall de Yamalé), alors qu’il n’a enregistré qu’un départ du Gouvernement.

Ainsi, les prétentions des autres membres de la coalition Macky  2012 n’ont pas été prises en compte, de même que ceux qui rêvaient de la « mort de BBY » à l’occasion de  ce nouveau remaniement ministériel ne devraient s’en prendre qu’à leurs  turpitudes.

Tous les théoriciens qui rivalisaient d’ardeur pour tenter de démontrer que le Président Macky était pris en otage par ses partenaires de BBY qui « chercheraient son échec  pour lui ravir le pouvoir », et qu’il devrait se défaire d’eux pour réunir les conditions d’un second mandat, devraient  «  être tout petit », face à la lucidité de celui-ci qui  a encore, une nouvelle, fois administré  qu’il voit dans ces partenaires de BBY, des compagnons loyaux , honnêtes et compétents, au service exclusif du peuple et de l’Etat qui est son sacerdoce exprimé dans la célèbre formule : «  la Patrie avant le Parti » !

Du point de vue genre, il y a trois (3) départs issus de l’APR et une  (1) arrivée, issue de la société civile de la haute Administration.

Du point de vue institutionnel, l’APR renforce sa position en dirigeant la Primature, mais perd son monopôle exclusif de l’espace présidentiel avec un Directeur de Cabinet du Président de la République issu des autres composantes de BBY.

Donc, du point de vue social, politique et institutionnel, le Chef de l’Etat a réussi un parfait équilibre entre les différentes composantes de la base politique et sociale de son régime, même si la parité en a pris un coup.

En outre, à l’occasion de l’avènement de ce nouveau Gouvernement, il s’est produit un fait inédit dans les annales de notre République démocratique, c’est l’explication publique du sens et de la portée des changements que le Chef de l’Etat a introduits dans la conduite des affaires de la Nation. C’est une forme de « reddition des comptes » avec laquelle, le Chef de l’Etat a  rompu avec la tradition de son « pouvoir discrétionnaire », qui l’autorise à effectuer ces changements durant son mandat sans en référer à quiconque ce soit.

Mais, comme il revendique des valeurs républicaines et démocratiques et la transparence dans ses décisions, le Président Macky Sall n’a pas voulu, dans ces changements, apparaître comme un Monarque qui pourrait se suffire à dire au peuple « telle est ma volonté » ! Il a donc choisi à s’expliquer au près de son peuple pour l’amener à adhérer à ces changements, et non pas seulement à  en prendre acte.

Du coup, il écarte toute pertinence à ceux qui voudraient y voir un « règlement de compte » avec son ex Premier Ministre,  ou une démarche politicienne en direction des élections locales de Mars 2014.

Il est devenu clair aux yeux de l’opinion publique, que ces changements n’ont obéi qu’à son souci de créer de meilleures conditions pour une plus grande efficacité de l’action gouvernementale dans la satisfaction des besoins des populations qui sont déclinés en termes de « Bonne gouvernance », d’amélioration du pouvoir d’achat des ménages », de « défense de l’emploi » et de « lutte contre le chômage ».

La nouvelle équipe gouvernementale, de par sa composition sociale, politique et professionnelle, dégage ainsi un profil qui suscite un préjugé favorable à son égard.

Néanmoins, cette nouvelle équipe comporte certaines faiblesses aux quelles il faudrait veiller pour en minimiser les effets néfastes éventuels.

C’est d’abord le retour à une « Primature politique », et ensuite, celui d’un « Politique » au Ministère de l’Intérieur.

En effet, notre pays, depuis la création de la Primature sous Senghor, a connu de nombreux régimes politiques dans lesquels la «Primature politique» et la «Primature technocratique» ont alterné plusieurs fois, en mettant en évidence, leurs tares respectives.

Pour la « Primature politique », c’est le risque de l’avènement d’une « dualité » au sommet de l’Etat entre deux fortes personnalités, et pour la « Primature technocratique », le risque d’enlisement dans la « Bureaucratie ».

Avec le retour à la « Primature politique » qui vient de s’effectuer, les Républicains et Démocrates ont donc le devoir de tout faire pour aider le Premier Ministre, Mimi Touré, à éviter à notre pays de revivre une ère d’un nouveau  syndrome de « dualité du pouvoir »  qui lui serait, cette fois fatale, dans le contexte de graves difficultés que nous vivons au pays, en Afrique et dans le monde.

Dans cette perspective, les laudateurs et autres flagorneurs dans son entourage, et les intrigants au niveau de la Présidence, devraient être surveillés pour les démasquer à temps, afin d’éviter de créer artificiellement une atmosphère de crise ou de crispation qui va immanquablement paralyser l’action gouvernementale, et empêcher son efficacité pour laquelle le Chef de l’Etat vient d’opérer des changements  dans sa conduite des affaires de la Nation.

Quant au retour d’un « Politique » à la tête du Ministère de l’Intérieur, c’est un véritable recul par rapport aux acquis de « neutralité politique » de cette institution en charge des Partis politiques et de l’organisation matérielle des élections. Ce retour en arrière risque d’entraver, dans le court terme, la volonté de la nouvelle équipe gouvernementale «d’accélérer les réformes et l’exécution des programmes» mis en chantier par le Chef de l’Etat, pour satisfaire à la fois, la Demande démocratique et la Demande sociale de ses concitoyens.

La Demande démocratique est en rapport avec les réformes de la Constitution, du Foncier et l’Acte III de la Décentralisation, chacune pilotée par une Commission nationale et dirigée par un Président désigné par le Chef de l’Etat, tandis que la Demande sociale est en rapport avec la paix civile et la stabilité qui dépendent largement de la satisfaction de la première.

L’échec patent du pilotage des Concertations dans le cadre de l’adoption du projet  de l’Acte III de la Décentration, qui est  dû à l’amateurisme et à l’inexpérience de son Président,  a mis le Chef de l’Etat dans l’obligation de décider, au vu des contraintes du calendrier électoral pour les élections locales de Mars 2014, d’en différer les aspects les plus fondamentaux et de sanctionner politiquement  sa Ministre chargée du dossier, en se séparant d’elle à l’occasion de ce remaniement ministériel.

Le Président de la Commission qui a conçu, planifié  et exécuté le programme de ces concertations a été curieusement épargné,  alors que cet échec résulte de son choix d’une approche « technocratique » qui lui faisait croire que les propositions issues de « savantes réflexions » passeraient, dans les concertations régionales, comme « lettre à la poste ».

Par contre, une stratégie de pilotage de ces concertations, en coopération étroite, et non en compétition, avec les deux autres Commissions de réforme, aurait permis de les planifier de manière à ce que les conclusions consensuelles de réforme des Institutions et du Foncier, puissent baliser la voie  des concertations pour l’Acte III de la Décentralisation.

L’importance de la mise en œuvre des Conclusions consensuelles de ces réformes dans le cadre de la satisfaction de la Demande démocratique, aurait convaincu les plus sceptiques de la nécessité de procéder au report des élections locales à cet effet.

Mais, malheureusement, le report de parties essentielles des propositions de l’Acte III de la Décentralisation, au nom du respect du calendrier électoral, va empêcher la réalisation des réformes prévues pour satisfaire la Demande démocratique, du fait que les collectivités locales qui vont être dirigées par des élus locaux avec un mandat de cinq (5) ans, ne pourront pas être démocratiquement réformées durant ce qui reste du mandat du Chef de l’Etat qui s’achève en 2017, alors que celui des élus locaux le sera en 2019 !

Une telle perspective  de report de ces réformes hors du mandat du Président Macky Sall, risque de créer un climat politique incompatible avec la satisfaction de la Demande sociale, et  de jeter le pays dans des troubles que la nouvelle équipe gouvernementale aurait pu éviter.

La nouvelle équipe gouvernementale ne pourra donc « accélérer les réformes »  comme elle le promet, sans remercier le Président de l’Acte III de la Décentralisation, recadrer le travail de cette Commission en rapport avec celui des deux autres Commissions, pour établir un calendrier crédible de réformes qui puisse motiver un report consensuel des élections locales.

Ce serait la « Patrie avant le Parti », qui, dans ce domaine, est la seule perspective pour maintenir un climat de paix civile et de stabilité nécessaire à la réussite de l’action de ce troisième gouvernement du Président Macky Sall.

Les Sénégalais n’ont pas chassé Wade pour, durant un mandat présidentiel,  reconduire son système institutionnel, son organisation des Collectivités locales et son régime foncier qui, tous les trois, sont au cœur de son régime massivement rejeté.

Dakar le 3 Septembre 2013

 

Ibrahima SENE - PIT/SENEGAL

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