Quel accompagnement psychosocial pour les victimes mineures

Les enfants victimes de traite sont âgés de 7 à 17 ans et proviennent principalement de milieux ruraux et de pays limitrophes tels que le Mali, la Guinée et la Guinée-Bissau. Des enfants sénégalais traversent également les frontières entre ces différents pays. Un atelier de quatre jours vise le renforcement des compétences des acteurs impliqués dans la protection des enfants victimes de violations de leurs droits.
Aujourd’hui, l’efficacité de la prévention contre des pratiques telles que la traite nécessite, au regard de sa complexité, d’une part, la maîtrise des dimensions juridiques, judiciaires, économiques et psychosociales par des acteurs comme les magistrats, les éducateurs spécialisés et les officiers de police judiciaire, et, d’autre part, une meilleure collaboration dans une dynamique complémentaire et pluridisciplinaire. C’est la raison pour laquelle se tient un atelier de quatre jours qui s’inscrit dans le cadre du Papev (Projet d’appui à la protection des enfants victimes de violations de leurs droits), qui est une initiative du Bureau régional Afrique de l’Ouest du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme.
Ledit projet vise à renforcer les systèmes nationaux de protection des enfants dans cinq pays de la région, dont le Sénégal. Financé par l’Agence italienne pour la coopération au développement, il en est dans sa deuxième phase et a soutenu la CNLTP dans le développement de son plan stratégique et le renforcement des compétences de ses partenaires.
En effet, les victimes de la traite des êtres humains sont souvent des personnes vulnérables : femmes, enfants, migrants ou personnes en situation de pauvreté. C’est un phénomène alarmant qui touche des milliers de victimes à travers le monde. Les estimations varient entre 700 000 et 900 000 personnes chaque année. Avec des profits estimés parmi les plus élevés du crime organisé, après le trafic d’armes et de drogues, cette activité criminelle est l’une des plus rentables au monde, se plaçant au troisième rang des trafics illégaux.
Les trafiquants profitent de leur fragilité pour les exploiter, que ce soit à des fins économiques, sexuelles ou criminelles. Selon Aminata Kébé, coordonnatrice régionale du Projet d’appui à la protection des enfants victimes de violations de leurs droits (PAPEV) au Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'homme, l'audition et l'accompagnement psychosocial des victimes mineures nécessitent que l'accompagnant dispose d'outils appropriés.
‘’Protéger un enfant ne se limite pas à de bonnes intentions. Très souvent, dans le souci de le protéger, l’adulte peut, sans le vouloir, le blesser davantage. Non pas par méchanceté, mais simplement par manque d’outils appropriés. La protection de l’enfant exige des compétences spécifiques : savoir écouter avec bienveillance, comprendre son vécu, respecter son rythme et l’accompagner sans jugement. Lorsque les techniques d’écoute, d’audition ou d’accompagnement psychosocial ne sont pas maîtrisées, on risque de fragiliser encore plus l’enfant. Vouloir protéger, c’est bien. Savoir comment le faire, c’est mieux. C’est pourquoi former les acteurs de la protection de l’enfance est une nécessité, pas un luxe’’, explique-t-elle.
Pour sa part, Benjamin Ntoung, représentant régional du bureau du Comité des Nations Unies, fait savoir que les gouvernements de la sous-région ont multiplié les initiatives au cours des deux dernières décennies.
Selon lui, ils ont commencé par ratifier les conventions internationales, notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, et son protocole relatif à la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Ensuite, poursuit M. Ntoung, ces pays ont adopté des législations nationales et mis en place des mécanismes de coordination pour la prévention et la lutte contre la traite. ‘’Ces mécanismes nationaux de coordination interagissent dans le cadre du dispositif régional mis en place par la Commission de la CEDEAO en 2007, visant à renforcer la lutte contre la traite des personnes et à assurer un meilleur référencement des victimes dans la sous-région. Cette dynamique contribue à renforcer les liens entre acteurs dans la mise en œuvre des politiques, programmes et projets de lutte contre la traite’’, souligne le représentant de l’institution onusienne.
De la nécessité de donner des outils adéquats à l’accompagnant
Ainsi, cette formation, destinée aux professionnels travaillant avec les enfants, participe à la mise en œuvre de la recommandation ‘’Renforcer la capacité des professionnels travaillant auprès des familles et des enfants, en particulier les juges aux affaires familiales, les membres des forces de l’ordre, les travailleurs sociaux et les prestataires de services, pour proposer des solutions de protection de remplacement de type familial et leur faire mieux connaître les droits et les besoins des enfants privés de milieu familial’’ formulée par le Comité des experts sur les droits de l’enfant après l’examen du rapport du Sénégal en janvier 2024.
‘’Cet atelier a pour objectif de renforcer les capacités des acteurs qui interviennent dans la protection des enfants mineurs victimes de traite des personnes sur les techniques d'audition et les besoins psychosociaux. La traite des personnes est une forme de criminalité très violente qui touche particulièrement l'Afrique subsaharienne et la sous-région. C'est tout l'enjeu d'avoir ces trois voisins, car cette forme de criminalité se joue des frontières. Des personnes établies dans nos pays envoient des enfants dans un autre pays où ils sont exploités à des fins commerciales, sexuelles... Il est important que les acteurs se retrouvent pour avoir une même manière d'intervenir, une même compréhension des problèmes et un échange de bonnes pratiques’’, souligne Mody Ndiaye, secrétaire permanent de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes.
La traite des êtres humains est un crime grave qui porte atteinte à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes. Pour y faire face, une mobilisation collective est indispensable. Les États doivent renforcer leur coopération et les actions de prévention doivent être amplifiées afin de protéger les victimes et sanctionner sévèrement les auteurs de ces actes inhumains.
PAPE MBAR FAYE (MBOUR)