Examen des activités du Giaba à Dakar

Le Sénégal accueille, du 11 au 17 mai, les réunions statutaires du Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba). La 43e Réunion plénière de la Commission technique s’est tenue hier.
Les membres du Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba) se retrouvent à Dakar, dans le cadre de leurs réunions statutaires. Hier s’est tenue la 43e Réunion plénière de la Commission technique de cette organisation. Cette activité marque la toute première dans le cadre du troisième cycle des évaluations mutuelles du Giaba.
Le correspondant national du Giaba, Cheikh Mouhamadou Bamba Sidy, a souligné que cette 43e Assemblée plénière se réunit dans un contexte régional et mondial marqué par des mutations profondes de la criminalité financière, notamment la complexification croissante des mécanismes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. ‘’Une menace d’une telle ampleur appelle une réponse forte, structurée et, surtout, fondée sur la coopération régionale et l’entraide entre nos États’’, a-t-il déclaré, lui qui est également le président de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif).
L’un des points importants de cette rencontre est de s’inspirer des enseignements tirés des précédents cycles pour façonner le 3e, dont l’objectif est d’améliorer les dispositifs de LBC/FT, d’une manière qui donne le ton en matière de prévention, de détection et de dissuasion dans les pays respectifs.
Pour Edwin Harris, le temps est venu d’entamer sincèrement les discussions en tirant profit du cadre institutionnel du Giaba. ‘’Après tout ce que nous avons fait et tout ce que nous continuons de faire, pouvons-nous soutenir de manière réaliste que l’incidence du blanchiment de capitaux et de ses infractions sous-jacentes telles que la corruption, le trafic de drogues, le trafic de migrants, la fraude et la prostitution des enfants a régressé, régresse ou est-elle toujours en hausse et profitable à leurs auteurs ?’’, demande le DG.
Appel à la mobilisation
Si les réponses sincères à ces interrogations sont négatives, il s’agit d’un appel à la mobilisation afin que toutes les parties prenantes redoublent d’efforts pour s’assurer que cette question reçoit une réponse progressive et positive, selon le DG du Giaba. Et la réponse est oui, dit-il ; c’est l’assurance que les États membres connaîtront une amélioration de la composante efficacité pendant ce 3e cycle des évaluations mutuelles. ‘’Si la réponse est affirmative, il s’agit d’un signal qu’un message est en train d’être lancé d’Afrique de l’Ouest : il n’y aura pas d’endroit pour rendre les crimes profitables, mais plutôt un endroit où le profit du crime sera soustrait par des saisies, des confiscations et des peines d’emprisonnement, afin de servir de dissuasion à ceux qui sont passés à travers les mailles du filet et jouissent du produit de leurs crimes, infiltrant notre système financier et perturbant les stabilités macroéconomiques de nos États membres’’, a-t-il indiqué.
Edwin Harris note que le précédent cycle d’évaluation n’a pas été totalement négatif. ‘’Dans l’ensemble, les États membres ont en moyenne amélioré leur conformité technique, ce qui est louable, et j’exhorte les États membres à continuer à travailler vers l’atteinte d’une conformité technique totale’’, a-t-il ajouté.
D’ailleurs, c’est à la lumière de ce développement que tous les membres des comités parlementaires ont été intégrés à leur plaidoyer.
Collaboration avec les institutions de lutte contre la corruption
Pour la première fois se tient l’organisation de deux réunions distinctes avec tous les représentants permanents du président de la Commission de la CEDEAO et les membres des commissions pertinentes du Parlement de la CEDEAO sur les activités du Giaba et la sollicitation d’un soutien politique en vue du 3e cycle des évaluations dans les États membres.
En outre, dans le but d’inclure les organisations de la société civile dans notre mission, le Giaba a accordé, au cours du premier trimestre de 2025, une petite subvention à 13 organisations de la société civile des 12 pays membres de la CEDEAO, d'après Edwin Harris.
L’objectif de cet accompagnement est de promouvoir les questions de recouvrement des biens dans le but ultime de rendre les crimes non profitables.
Dans le même ordre d’idées, ‘’le Giaba continuera à collaborer avec les institutions de lutte contre la corruption dans tous les États membres et à fournir un appui technique à leurs initiatives de recouvrement des biens’’, a soutenu Edwin Harris. Il rappelle que l’année dernière, leur direction des politiques et recherches a organisé un forum consultatif avec des experts en marchés publics de tous les États membres sur la vulnérabilité de la commande publique et le risque de blanchiment de capitaux. À la suite de cette rencontre, dit-il, la direction est sur le point de finaliser un manuel sur les marchés publics.
Ce document devra servir de boussole aux experts dans l’identification des liens avec le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et l’intégrité des marchés publics dans notre région, avec l’objectif d’éradiquer la fraude dans la commande publique. Celle-ci est une composante majeure de la corruption publique et constitue une infraction sous-jacente au blanchiment de capitaux, selon le DG du Giaba.
Un rapport met en lumière la ‘’hausse alarmante’’ de la criminalité numérique
Deux rapports de typologies ont été récemment publiés par le Giaba. Il s’agit de ‘’Typologies du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme relatifs à la cybercriminalité en Afrique de l’Ouest’’ et de ‘’Typologies du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme relatifs aux crimes maritimes en Afrique de l’Ouest’’. Ces rapports, premiers du genre dans la région, marquent une étape importante des efforts collectifs pour comprendre et juguler les menaces de criminalité financière en constante évolution.
Le rapport sur la cybercriminalité met en lumière la ‘’hausse alarmante’’ de la criminalité numérique, notamment la compromission des courriers électroniques professionnels, les stratagèmes à la Ponzi et la fraude à l’argent mobile, qui sont tous de plus en plus utilisés pour blanchir les produits du crime et financer le terrorisme, selon Edwin Harris. Le rapport révèle des vulnérabilités systémiques en matière de lois, de capacités et de coordination auxquelles il faudra ‘’remédier de toute urgence’’.
De même, le rapport sur la criminalité maritime révèle comment nos eaux sont exploitées en vue du trafic, de la contrebande et de la piraterie, ce qui compromet la stabilité régionale et la sécurité économique.
Les deux études ne se contentent pas de diagnostiquer les menaces ; elles formulent également des recommandations. Edwin Harris exhorte les États membres du Giaba à prendre ces conclusions au sérieux. ‘’Intégrons les recommandations dans nos évaluations nationales des risques, nos cadres stratégiques et nos stratégies de mise en œuvre de la loi. Ces rapports ne constituent pas seulement des exercices académiques, mais aussi des outils stratégiques en vue d’une réponse ciblée et d’un renforcement de la résilience’’, a-t-il soutenu.
BABACAR SY SEYE