Publié le 19 May 2021 - 22:22
MACKY SALL, AU SOMMET DE PARIS

“Sans un plan Marshall pour l’Afrique (…) tous les efforts d’émergence resteront vains’

 

Le président de la République a participé hier au sommet de Paris sur le financement des économies africaines face aux conséquences de la pandémie de Coronavirus. Occasion saisie pour appuyer son plaidoyer pour un soutien accru des institutions internationales pour faire face à la crise.

 

Alors que les besoins de financement de l’Afrique pour faire face aux conséquences économiques de la Covid-19 ont été estimés à 400 milliards de dollars par le Fonds Monétaire International (FMI), le président de la République Macky Sall s’est exprimé en faveur d’une injection de liquidités dans l’économie africaine. Participant, hier, au Sommet de Paris sur le financement des économies africaines, le chef de l’Etat a déclaré : « Ce sommet sera une réussite, s’il parvient à établir et porter une dynamique novatrice à trois niveaux : un, la réforme ; deux, un nouvel état d’esprit de partenariat ; et trois, de nouveaux paradigmes pour un New Deal, à défaut d’un Plan Marshall pour l’Afrique. C’est une nécessité vitale pour nos économies. Autrement, tous les efforts d’émergence resteront vains ».

Un aveu d’échec des politiques africaines de développement ou du plan Sénégal émergent en  particulier ? La pandémie de Coronavirus continue de mettre en exergue les affres d’une économie africaine extravertie. Les ambitieux programmes de développement du continent n’y feront rien. Ce que les dirigeants africains ont besoin de comprendre ou de reconnaître, le président sénégalais l’a dit devant ses pairs : « au-delà des solutions conjoncturelles, l’Afrique a surtout besoin d’une réforme de la gouvernance économique et financière mondiale, avec des mécanismes innovants, nous permettant d’accéder aux marchés de capitaux à des coûts soutenables et selon des maturités adaptées aux actifs à financer. C’est une nécessité vitale pour nos économies. Autrement, tous les efforts d’émergence resteront vains ».

Le « New Deal » dont parle le président de la République est une mesure portée par le président français et organisateur du Sommet, Emmanuel Macron, rappelant la politique du président américain Franklin D. Roosevelt pour contrer les effets de la crise de 1929 et qui s'est traduit notamment par l'injection de crédits supplémentaires. Le plan Marshall était un programme américain de prêts accordés aux différents États de l'Europe pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées, lors de la Seconde Guerre mondiale. Ces prêts étaient assortis de la condition d'importer pour un montant équivalent d'équipements et de produits américains. En quatre ans, les États-Unis ont prêté à l'Europe 16,5 milliards de dollars (l'équivalent de 173 milliards de dollars en 2020).

 

Une New Deal à la « plan Marshall » de 1929

Cette piste n’est pas la seule explorée par les chefs d’Etat africains présents sur place. En effet, l’annulation de la dette est également agitée. Mi-avril 2020, les pays du G20 avaient pris la décision inédite de suspendre jusqu'à la fin de l'année les remboursements de la dette des pays les plus pauvres, confrontés à une fuite de capitaux et des chutes de recettes fiscales en raison de la pandémie. Présent quelques mois plus tard à l'université d'été du Medef, un puissant syndicat patronal français, Macky Sall avait déclaré que « l'Union Africaine souhaite travailler avec ses partenaires pour une extension du moratoire du G20 sur l'année 2021. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !»

Les 1 400 milliards de dollars de la dette cumulée de tous les pays africains ne représentent pourtant que le double de la dette du seul Mexique. Comparaison suffisante pour comprendre que le niveau de la dette n’est pas le principal problème pour le continent. Mais, il s’agit d’un système de finance internationale qui est établi pour compliquer la tâche aux pays africains. Comme l’a expliqué à France 24 Marin Ferry, économiste et spécialiste de la dette africaine à l’université Gustave Eiffel : « Lorsque l’Allemagne ou la France empruntent sur les marchés, cela ne leur coûte rien, car les taux d’intérêt sont très faibles, alors que la prime de risque pour les États africains est beaucoup plus élevée. Il y a une stigmatisation des nations africaines qui les handicape sur les marchés financiers et qui, en plus, n’est pas forcément légitime, compte tenu de leurs performances macroéconomiques ».

Ce constat, Macky Sall l’a également fait. Raison pour laquelle le président sénégalais a exprimé ses attentes aux puissants ce monde : « Nous voulons un assouplissement des règles de plafonnement de l’endettement et du déficit budgétaire, et une correction de la perception du risque d’investissement en Afrique, pour une notation plus juste, et donc des coûts de primes d’assurance moins élevés. C’est ce paquet de réformes qui facilitera l’accès de nos pays aux ressources nécessaires au financement de leurs efforts de relance et d’émergence ».

 

« Nous voulons un assouplissement des règles de plafonnement de l’endettement »

Désormais, plusieurs pays africains réclament un « moratoire immédiat sur le service de toutes les dettes extérieures […] jusqu’à la fin de la pandémie » et une sanctuarisation de l’aide au développement. Ils ont également exhorté le FMI à attribuer des droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays africains, pour leur fournir « les liquidités indispensables à l’achat de produits de base et de matériel médical essentiel. » Ces DTS peuvent être convertis en devises par les pays qui en ont besoin, sans créer de dette supplémentaire. Le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars est semble-t-il déjà acquis, après l’annonce par les Etats-Unis qui s’y étaient déclarés favorables, fin mars. Reste à savoir ce qui sera alloué aux pays africains et comment cela sera attribué. Aux dernières nouvelles, seuls 33 milliards étaient destinés à l’Afrique.

Cela a même poussé le président Macky Sall à lancer un appel aux pays du G20, qui recevront plus de 2/3 des nouvelles allocations de DTS, afin qu’ils réallouent leurs quotas en appui aux efforts de relance des pays africains, sous forme de dons, de prêts concessionnels et semi-concessionnels à longue maturité.

Il faut dire que ce sommet de Paris avait été déjà été annoncé le 15 avril 2020, dans le cadre d’une tribune publiée sur Jeune Afrique et le Financial Times, dans laquelle « dix-huit chefs d’État, de gouvernement et d’institutions internationales d’Afrique et d’Europe préconisent des mesures d’exception pour aider le continent à faire face à la pandémie. » Il a vu la participation des représentants des cinq zones de l’Afrique par leurs chefs d'Etat : le Nord avec la Tunisie et l’Egypte, l’Ouest avec le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana, le Mali, le Nigeria, la Mauritanie et le Sénégal, l’Est avec le Soudan et l’Ethiopie, l’Afrique centrale avec la République démocratique du Congo et le Rwanda, et l’Afrique australe avec l’Angola et le Mozambique.

Les partenaires économiques ont concerné la Chine, pourtant premier créancier bilatéral de l'Afrique, selon le Trésor Public, les premiers ministres espagnols, italiens et portugais avec le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen et le Haut représentant pour la politique étrangère, Josep Borrell. Les directeurs d’institutions financières internationales, très présentes en Afrique, comme le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement étaient aussi autour de la table des négociations.

Lamine Diouf

 

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