Un cap partagé à Dakar

L’ancien palais de Justice de Dakar a été le théâtre d’échanges riches et décisifs, dans le cadre des rencontres Inspire & Connect Afrique de l’Ouest, organisées par Bpifrance. Cet événement a rassemblé, hier, plusieurs acteurs majeurs, décideurs publics, représentants du secteur privé, institutions financières et partenaires internationaux. Ils sont réunis autour d’un même enjeu : comment accompagner efficacement la transformation économique et agricole du Sénégal et de la région, dans un contexte mondial marqué par des défis majeurs d’alimentation et de souveraineté industrielle.
Dès les premières heures de la rencontre, un panel a réuni ministres et experts autour des défis à relever en matière d’agriculture et d’industrialisation. Le ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Souveraineté alimentaire, Mabouba Diagne, a livré un diagnostic lucide et engagé sur les enjeux à la fois globaux et locaux. ‘’Aujourd’hui, dans le monde, plus de 735 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire’’, a-t-il rappelé d’emblée. Cette réalité touche aussi le Sénégal, qui importe pour près de 1,6 milliard d’euros de produits agricoles chaque année.
Pour répondre à cette dépendance, le gouvernement a adopté un référentiel stratégique à l’horizon 2050, qui place au cœur de ses priorités la transformation agroécologique du pays. ‘’Nous voulons remettre l’agriculture au centre, mais différemment, en valorisant les petits producteurs, en accompagnant l’émergence d’agro-industries modernes et en développant l’entrepreneuriat agricole’’, a expliqué Mabouba Diagne.
L’objectif est clair : il faut renforcer l’indépendance en semences certifiées, améliorer la gestion des sols et instaurer une véritable chaîne de valeur agricole, à la fois performante et respectueuse de l’environnement, selon lui.
‘’Le pari est immense. Il s’agit d’investir plus de 1 000 milliards F CFA chaque année dans cette dynamique. Mais c’est un pari que nous devons relever ensemble’’, dit-il. Il a insisté sur la nécessité d’un partenariat fort entre le secteur public, les banques locales, les institutions de financement et le secteur privé. ‘’La question clé est : qu’attendons-nous des acteurs privés ?’’, s’est-il interrogé. Son message est sans équivoque.
À l’en croire, il faut que les entrepreneurs sénégalais se fédèrent, définissent des priorités claires, et collaborent étroitement avec les partenaires internationaux. Le défi de l’accès aux terres agricoles, souvent sensible, doit également trouver des solutions concertées, en associant les communautés locales et l’État pour mettre en place des baux agricoles sécurisés.
Peu après, lors du point de presse, Serigne Guèye Diop, ministre de l’Industrie et du Commerce, a pris la parole pour réaffirmer l’engagement de l’État sénégalais à bâtir une économie plus industrielle, plus résiliente et plus compétitive : ‘’La stratégie nationale, portée par le référentiel 2050, est une feuille de route ambitieuse.’’
Serigne Guèye Diop a notamment insisté sur l’importance de la co-industrialisation, un concept central à ces rencontres qui consiste à créer des partenariats durables entre acteurs publics et privés, nationaux et internationaux, pour accélérer la transformation économique. ‘’Cela passe par le transfert de compétences, le financement adéquat des projets, et une meilleure structuration des filières industrielles’’, a-t-il ajouté.
À ce propos, le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, a souligné que l’heure n’est plus aux discours, mais à l’action concrète. ‘’La coopération entre la France et l’Afrique de l’Ouest doit se traduire par des projets tangibles, qui mobilisent ensemble les secteurs publics et privés’’, a-t-il insisté. Monsieur Dufourcq a appelé à un engagement collectif et urgent, rappelant que ‘’les opportunités sont là, mais il faut les saisir maintenant, avec pragmatisme et détermination’’.
Pour lui, la co-industrialisation est bien plus qu’un concept économique : c’est une véritable ambition politique et sociale, qui nécessite une mobilisation large et une vision partagée.
L’intervention de l’ambassadrice de France au Sénégal a apporté une dimension humaine et politique essentielle à ces échanges. Elle a rappelé que le partenariat franco-sénégalais, riche de son histoire, repose avant tout sur une relation de confiance et d’amitié. ‘’Notre engagement est clair : c’est d’accompagner le Sénégal dans ses efforts de transformation, en soutenant l’innovation, la formation et le développement des compétences’’, a-t-elle déclaré. Christine Fages a insisté sur la nécessité d’une coopération inclusive, qui associe les jeunes talents, les entrepreneurs locaux et les institutions publiques. ‘’C’est ensemble, avec une vision commune et une volonté partagée, que nous relèverons les défis économiques et agricoles’’, a-t-elle conclu.
Au-delà des déclarations d’intention, la rencontre a mis en évidence une dynamique concrète. Le contexte mondial impose des réponses urgentes en matière de sécurité alimentaire et d’industrialisation. Les acteurs publics, privés et institutionnels réunis à Dakar semblent conscients des enjeux. Les investissements nécessaires sont importants, les défis nombreux, mais la volonté de collaborer apparaît clairement. Cette mobilisation pourrait ouvrir la voie à des avancées durables.
MAGUETTE NDAO