Une journée aux mille dangers et périls
Ce vendredi 17 juin est une journée de tous les dangers, en raison de la ferme volonté des membres de l'intercoalition Wallu-Yeewi d’organiser leur manifestation à la place de la Nation, malgré l’interdiction préfectorale. Pour apaiser la situation, la société civile milite pour une autorisation du rassemblement, en contrepartie d’une promesse des opposants d’en faire une manifestation pacifique.
C’est la veillée d’armes qui tient en haleine tout un pays. Du côté de l’opposition regroupée autour de Yaw et du pouvoir, on se met en ordre de bataille. La Conférence des leaders de Yaw, avant-hier, a donné le ton de l’affrontement qui se prépare à la place de la Nation (ex-Obélisque), ce vendredi 17 juin dans l'après-midi. Les amis d’Ousmane Sonko entendent faire valoir leur droit constitutionnel à la marche, malgré l’interdiction du préfet de Dakar Mor Talla Tine qui, à travers un arrêté publié mercredi dernier, a invoqué deux motifs : ‘’Menaces de troubles à l'ordre public’’, et ‘’violation de l'article L61 du Code électoral’’.
Un article qui ‘’interdit toute propagande déguisée’’ durant les trente jours précédant l’ouverture officielle de la campagne. Ousmane Sonko et Cie ont déjà prévenu qu'ils passeront outre l’interdiction de l’autorité publique. ‘’Nous disons à tous les Sénégalais que nous maintenons notre manifestation et nous n’y changerons aucune virgule. D’ailleurs même, je me dis : est-ce qu’on ne doit pas aller la faire à la place de l’Indépendance (…). J’appelle les militants, les sympathisants, ainsi que les Sénégalais à la résistance, comme je l’avais fait en mars 2021″, a déclaré le premier magistrat de la ville de Ziguinchor, avant d’ajouter : ‘’Ça se jouera dans la rue et j’appelle tous les Sénégalais dans la rue. Dans tout le pays, il y aura des manifestations sous diverses formes.’’
Volonté des pouvoirs publics d'éviter la constitution d’une nouvelle ‘’place Tahrir”
Surtout, les responsables de Yaw réclament aussi la réhabilitation de leur liste nationale en vue des prochaines législatives, invalidée par le Conseil constitutionnel. Déjà, la dernière manifestation du 8 juin dernier avait permis d’opérer un rappel des troupes. Des milliers de partisans et sympathisants de l’opposition avaient répondu à l’appel des leaders de Yaw, place de la Nation. La manifestation pacifique a été l'occasion, pour l’intercoalition Yeewi-Wallu, de dénoncer ce qu’elle considère comme une forfaiture : l’invalidation de la liste nationale de Yewwi Askan Wi pour les Législatives du 31 juillet 2022.
Ce qui signifie l’élimination de la course aux sièges à l’Assemblée nationale des principaux leaders de l’opposition, dont le plus en vue, Ousmane Sonko. Surtout, l’idée de transformer la place de la Nation en “place Tahrir” a suscité les craintes du côté du pouvoir de voir naître un lieu de ralliement de tous les ‘’déçus’’ et les ‘’mécontents’’ du régime de Macky Sall. Un mouvement de contestation qui serait susceptible de prendre de l'ampleur dans un contexte de précampagne électorale et de crise socioéconomique due à l’augmentation des denrées de première nécessité et du coût de la vie.
Surenchère belliciste et dérapages dans le camp présidentiel
De leur côté, les partisans du pouvoir invoquent le respect strict des dispositions prises par l’autorité publique afin de garantir la sécurité des personnes et des biens, ainsi que l’ordre sur la voie publique. D’ailleurs, lors d'un point de presse qui s'est tenu avant-hier, la coalition Benno Bokk Yaakaar a dénoncé les agissements de la coalition d’en face, Yewwi Askan Wi qui, d’après Moussa Sow, Coordonnateur national de la Cojer, mérite d’être combattue frontalement. Pour lui, ‘’les jeunes (de Benno) doivent se mobiliser pour stopper cette opposition en perte de vitesse”.
Une surenchère dans le camp présidentiel a conduit à certains dérapages. Ainsi, le chef des enseignants ‘’apériste’’, Ahmed Suzanne Camara, a invité à mettre fin aux jours d’Ousmane Sonko. ‘’Tant qu’Ousmane Sonko vivra, il n’y aura pas de paix au Sénégal. Il doit être exécuté, parce que c’est un adepte de la violence. Il doit être tué !’’, avait-il déclaré dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
Mais les enseignants du Pastef ne comptent pas en rester là. Ils ont déposé une plainte sur le bureau du procureur de la République contre le sieur Camara.
Face à cette déferlante de joutes verbales, de menaces et d’invectives, les membres de la société civile ont décidé de jouer la carte de l’apaisement.
Moundiaye Cissé, patron de l’ONG 3 D : “Nous avons entamé un processus de médiation’’
Alioune Tine, Président-Fondateur du think-tank Afrikajom Center, indique qu’Il faut plutôt s'asseoir autour d’une table et dialoguer, pour sauver ce qui peut encore l’être. ‘’Excellence Président Macky Sall, il faut prendre la parole en tant que garant de la paix, de la sécurité et de la stabilité du Sénégal, pour appeler tous les acteurs politiques au dialogue pour sortir de l’impasse politique sans violence. Yaw, créez un climat propice au dialogue”, a-t-il tweeté ce mercredi.
Et l’ancien patron de la Raddho d’ajouter : ‘’Quand l’application du droit peut aboutir à des tensions, à des conflits et à l’effondrement des institutions, il faut dialoguer pour changer les choses. Les logiques et enjeux dépassent les élections législatives.”
Embouchant la même trompette, Moundiaye Cissé, patron de l’ONG 3 D, s’empresser d’appeler au calme et à la sérénité, dans un contexte de forte crise politique. ‘’Nous explorons tous les voies et moyens pouvant conduire au maintien de l’État de droit, afin d’avoir des élections inclusives. Sur ce, nous avons entamé un processus de médiation pour que le ministre puisse autoriser la marche et, en contrepartie, Yaw s’engage à ce que le rassemblement soit pacifique’’, affirme-t-il.
Makhfouz NGOM