Publié le 12 Oct 2017 - 19:34
MANQUE DE MOYENS DE TALIBOU DABO

Elèves vivant avec un handicap, ces oubliés de l’école 

 

En ce lendemain de rentrée des classes, c’est l’effervescence dans plusieurs écoles. Les parents affluent de toutes parts pour inscrire leurs enfants valides. Leurs frères et sœurs vivant avec un handicap sont moins enthousiastes. Les ressources manquent au Centre d’éducation et de réadaptation Talibou Dabo. L’Etat, non plus, ne fait pas grand-chose pour aider ces couches vulnérables. Reportage.

 

Le budget du Sénégal croît d’année en année. Pendant que l’Etat s’en réjouit, une bonne partie de la population se demande où passe l’argent ? Cette demande est d’autant plus légitime que, dans plusieurs secteurs, les gens souffrent le martyre. Au Centre Talibou Dabo également, c’est la grogne. Depuis l’année dernière, l’administration court derrière un renouvellement de son parc automobile vétuste. Mais jusqu’à hier, rien n’a bougé. Elèves et enseignants avaient à cœur, selon la directrice, de faire du concept ‘’Ubi tey jang tey’’ une réalité. Mais ils n’ont pu le faire faute de moyens.

Trouvée dans son bureau, Dr Issa Tall revient sur les difficultés qui assaillent cette structure. ‘’Nous avons, dit-elle, beaucoup de problèmes. Mais le plus urgent est celui des bus. Le Centre accueille des handicapés moteurs. Et qui dit handicapés moteurs, parle de difficultés de déplacement. Les bus sont donc indispensables pour permettre aux élèves de suivre les cours normalement. Ce qui n’est pas encore possible, car plusieurs véhicules sont tombés en panne’’. Mais la faute n’incombe pas seulement à l’Etat. Les parents aussi ont leur part de responsabilités, déclare Abdoulaye Mbow, enseignant. ‘’J’ai l’impression que certains parents préfèrent d’abord s’occuper de leurs enfants valides. Si vous allez dans les autres écoles, les parents viennent en masse pour inscrire leurs enfants. Mais, ici c’est au compte-gouttes’’, regrette-t-il.

La Directrice, quant à elle, est surtout hantée par le scénario ‘’cauchemardesque’’ de l’année scolaire écoulée. Elle avait frappé à beaucoup de portes, demandé de l’aide partout, dans l’espoir de trouver des moyens de locomotion pour sauver ces couches défavorisées et faire de l’éducation inclusive une réalité. Hélas ! Ses nombreuses tentatives sont restées vaines. Jusqu’à présent, elle tarde à voir le bout du tunnel. Elle explique son calvaire : ‘’L’année dernière, beaucoup d’élèves n’ont pu terminer les cours à cause de ce problème. Cela me faisait mal. Cette année également, les cours ont timidement démarré, parce que les élèves ont des difficultés pour venir tous les jours à l’école. Nous demandons à l’Etat et à toutes les bonnes volontés de nous venir en aide’’, insiste-t-elle, le ton triste, le regard figé comme pour marquer sa grande impuissance devant cette situation qui menace les études d’une bonne partie de ses protégés. Ainsi, Talibou Dabo se meurt. Au même moment, les mécènes se font désirer. L’Etat est aux abonnés absents. Mais il faut relativiser, semble dire la directrice, ‘’Il y a en effet beaucoup de bonnes volontés qui viennent en aide à l’école. D’ailleurs, si on arrive à assurer le minimum, c’est grâce à ces donateurs. Nous ne les remercierons jamais assez.’’

Les difficultés de Talibou Dabo ne se limitent pas au transport. En effet, le Centre est aussi confronté à un déficit de locaux. Initialement prévus pour un délai de 16 mois, les chantiers, démarrés en 2013, tardent à être livrés. Dr Tall explique : ‘’Je ne sais même plus quand est ce qu’ils vont terminer. En ce moment, nous faisons les cours dans des locaux inadéquats. En plus, nous avons un problème de ressources humaines et de financement. Nous recevons une subvention très en deçà de nos besoins.’’

‘’J’en avais assez des vacances. J’avais envie d’être là’’

Malgré ces nombreuses difficultés, le Centre d’éducation et de réadaptation reste une seconde maison pour ces enfants souffrant de handicap. Les quelques élèves trouvés sur place racontent leur bonheur d’être à l’école, après trois mois de vacances. Célestine Antoinette Seck : ‘’J’avais dit à maman que j’en avais assez des vacances. J’avais envie d’être là, de revoir mes amies comme Jessica. Ils m’ont manqué, les enseignants aussi. Sauf M. Mbow (son encadreur)’’, dit-elle en éclatant de rire. Célestine souffre d’hydrocéphalie depuis toute petite. Actuellement en classe de CM2, elle rêve de deux choses. ‘’Quand je serai grande, je veux être médecin et chanteuse’’, confie-t-elle avec beaucoup d’assurance. A la question de savoir si elle chante bien. Son amie Jessica, assise sur sa chaise roulante, la mine joyeuse, coupe la discussion et répond à sa place : ‘’Très bien’’. L’amie de Célestine avait, elle aussi, hâte d’en finir avec les vacances et de rejoindre son école, sa ‘’seconde famille’’. Malheureusement, regrette-t-elle, ‘’ce n’est pas encore le grand rush. Les bus n’ont pas encore démarré et tout le monde n’a pas les moyens de venir, tous les jours’’.

Ilot de lumière dans un océan de misère, le Centre Talibou Dabo a été créé en 1981 par le professeur Idrissa Pouye. Comme une sorte d’école de la deuxième chance, il a pu accueillir, éduquer et soigner plusieurs générations de handicapés exclus du système. Un centre qui mérite plus de considération de la part des autorités. Mme Tall prévient : ‘’Il faut que la société pense aussi à cette couche de la population. Ils vivent avec des difficultés, mais, ils sont des élèves comme tous les autres. Un pays ne peut pas se développer en excluant une partie de ses enfants. Nos pensionnaires sont généralement incompris. Au Sénégal, quand quelqu’un a des troubles du langage, on le prend pour un fou, alors que cela n’a rien à voir. Ils sont très intelligents et ils sont déterminés à aller de l’avant.’’

Pour les pensionnaires, les difficultés ne se limitent pas au centre. Elles les pourchassent jusqu’au baccalauréat. En effet, renchérit leur avocate, ‘’le système ne prend pas en compte certains élèves en situation de handicap. Il y en a qui sont brillants et intelligents. Mais ils ne peuvent écrire par eux-mêmes. Pour les évaluations, ils se font assister par un élève de moindre niveau à qui ils dictent leurs réponses. Ce qui n’est pas prévu par les textes au BFEM et au Baccalauréat. Il est temps d’y remédier’’.

Abdoulaye Diouf Sarr, le nouvel espoir

Pour la résolution de tous ces maux, l’administration compte sur le nouveau ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr qui leur a rendu visite avant-hier. Ainsi dépourvu de ressources, Talibou Dabo se bat pour ne pas sombrer dans les abîmes. Les résultats, jusque-là obtenus au niveau de l’élémentaire, témoignent de l’engagement et de la détermination du corps enseignant. M. Mbow est le responsable de la classe de CM2. Il revient sur les performances de l’école. ‘’L’année dernière, nous n’avons eu qu’un seul échec au CFEE. Et c’est un élève qui n’avait pas pu passer l’examen. Tout le reste a réussi et ils poursuivent leurs cursus au collège.’’ L’espoir est donc permis.

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