Publié le 13 Dec 2023 - 17:33
MATAM - EXPLOITATION DES PHOSPHATES

La Somiva ‘’tue’’ les impactés

 

La situation est plus que tendue à Hamady Ounaré, dans le département de Kanel où les populations impactées par l’exploitation des phosphates de Ndendory continuent de réclamer leurs indemnités à la Somiva, société exploitante. Et pour éviter un ‘’bain de sang’’, elles n’ont pas bravé l’interdiction de la gendarmerie de tenir le point de presse.

 

‘’Tout le monde sait qu’on n’a pas besoin d’une autorisation pour tenir un point de presse, mais je n’ai pas forcé, pour éviter un affrontement entre la population et les forces de l’ordre. Sinon, il y aurait un bain de sang’’. Ces propos pleins de tensions sont de Djibril Diawara, le président de la commission mise sur pied par les populations de Hamady Ounaré impactées par l’exploitation des phosphates de Ndendory. Il s’exprimait à chaud, après avoir reçu la notification lui interdisant de tenir une rencontre avec la presse.

En effet, les habitants de la commune de Hamady Ounaré, qui ont perdu leurs terres au profit de la mine, las d’attendre le versement de leurs indemnités depuis 2020, avaient convoqué la presse, dimanche dernier, pour exprimer leur colère et réclamer leur compensation financière à la Somiva, l’entreprise exploitante.

Les populations de la commune de Hamady Ounaré impactées, avec à leur tête le président de la commission, ont tenu à alerter sur les ‘’pratiques mesquines de la Somiva pour ne pas payer le montant réclamé en guise de dédommagement’’.

Selon Djibril Diawara, l’entreprise minière est plus que jamais déterminée à ne pas verser l’argent qui devrait revenir aux impactés. Ainsi, elle profiterait du taux élevé du chômage pour manipuler la jeunesse en les dressant contre ceux qui réclament leurs indemnités.

‘’La Somiva offre aux jeunes sans emploi des sommes pour qu’ils la défendent contre les populations. Et nous avons voulu tenir ce point de presse pour alerter sur la situation dangereuse qui prévaut dans la commune de Hamady Ounaré. C’est une véritable bombe à retardement qui nous avons sous les pieds. La Somiva a fini de diviser les populations. Ils ont monté des jeunes contre leurs parents. Ils ont monté les Ounarois contre des Ounarois. Ce que nous avons vu peut exploser à tout moment. Les autorités locales qui devaient nous soutenir se sont retournées contre les populations impactées. Une guerre entre Ounarois est plus que probable, si les autorités n’agissent pour désamorcer cette bombe’’, prévint le président de la commission.

Aujourd’hui, dans la commune de Hamady Ounaré dirigée par l’ancien directeur de la Lonase, Amadou Samba Kane, deux camps se font face. D’un côté, ceux qui exigent le dédommagement de leurs terres et de l’autre ceux qui défendent les actions sociales de la Somiva. Cette opposition aurait pris des proportions inquiétantes, ces derniers temps, si l’on fie à celui porte le combat des impactés.

‘’La Somiva est une entreprise puissante avec des moyens illimités. Vous ne pouvez même pas imaginer ce dont sont capables ses dirigeants. Ils ont tenté de me corrompre, je n’ai pas cédé. Maintenant, ils sont en train de tenter la méthode forte. Aujourd’hui, je sais que suis en danger de mort. Quand je dors seul dans ma chambre, j’ai peur. Je ne sais pas si ce sera demain ou après-demain, mais je vous préviens que je suis en danger’’, dit-il dans un ‘’body language’’ qui laisse transparaître son état peu serein.

‘’Le montant proposé par la Somiva est une insulte’’

La mine de la Somiva se trouve sur le sol de trois communes : Ndendory, Orkadieré et Hamady Ounaré. Les populations des deux premières ont accepté de prendre le montant dégagé par l’entreprise minière qui s’élève à 99 millions F CFA. Une somme dérisoire pour Djibril Diawara. ‘’Dans les trois communes impactées par la mine de la Somiva, les deux, par le biais de leur commission de recensement des impactés, ont accepté de prendre la somme décaissée.

En acceptant cette somme minable qui ne va rien servir aux populations, ils ont clairement montré que les terres ne leur appartiennent pas, mais aux populations de Hamady Ounaré. Il y a anguille sous roche. Comment peuvent-ils accepter de prendre 54 000 F par personne impactée ? Parce que la Somiva a débloqué 99 millions F CFA pour les trois communes, à raison de 33 millions par commune. Si on fait le calcul, la société propose 54 000 F CFA par personne impactée. C’est une injure !’’, s’emporte Djibril.

Les populations impactées de Ounaré ne veulent pas entendre parler de cette proposition de la Somiva.

Selon les explications qui avaient été fournies par le maire Amadou Samba Kane, les terres en question s’étendent sur une superficie de 193 ha, mais la société minière ne voudrait dédommager que 66 ha, à raison de 1,5 million/ha.  Pourtant, cette somme, déjà acceptée par les populations de la commune de Ndendory et de Orkadieré, n’est toujours pas versée aux destinataires.

La Somiva a, quant à elle, laissé entendre qu’elle a déjà débloqué 99 millions, ce qui a poussé ces impactés à se tourner vers le chef de l’exécutif départemental à qui ils reprochent de bloquer la distribution.

Préfet de Kanel : ‘’La Somiva n’a pas respecté la procédure normale.’’

Les populations de Ndendory et de Orkadieré qui ont cédé leurs terres, sont remontées contre le préfet de Kanel. Mais ce dernier a réfuté toutes les accusations à son encontre. Celles-ci relèveraient d’une incompréhension. ‘’Je n’ai reçu aucun franc, parce que ce n’est pas au préfet qu’on verse l’argent. Ensuite, la Somiva n’a pas respecté la procédure normale.

L’espace exploité par la société minière est de 193 ha au total, appartenant à 1 804 personnes. La Somiva veut indemniser uniquement 66 ha pour 210 personnes. En dehors des 210 personnes qui manifestent, il reste 1 594 autres personnes qui doivent être indemnisées. Ce n’est pas juste de donner à une partie et de laisser l’autre’’, explique le préfet de Kanel.

Pour rappel, la Société minière de la vallée du fleuve (Somiva) qui exploite la grande mine dotée d’une réserve de plus de 135 millions de tonnes de phosphates est entrée en production en 2015, avec une capacité annuelle de production de 700 000 t.

Djibril Ba 

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