Publié le 7 Jan 2022 - 16:15
MATAM

L’université de la division

 

Le président de la République a tenu parole, en offrant à Matam une université d'une capacité d’accueil de 30 mille étudiants. Mais après l’euphorie, place à la polémique. Le ministre de l’Enseignement supérieur, qui avait initialement annoncé une université multi-sites, a fait machine arrière, face à une pression. Un autre collectif venu s'est constitué pour défendre l’idée d’éclater les sites dans les autres localités.

 

En 2020, l’académie de Matam s’était classée première devant toutes les autres du Sénégal. Une prouesse qui a fini par créditer les doléances des populations réclamant une université dans la 11e région du Sénégal. En effet, les bacheliers doivent faire un périple de 700 km pour poursuivre leurs études supérieures à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le plus souvent, pour une bonne partie de ces étudiants, le logement relève d'un véritable parcours du combattant. D’où le nombre assez élevé du taux d’échec. Ces arguments cumulés ont justifié la pertinence de l’implantation d'une université dans le nord-est du pays.

Finalement, le président Macky Sall, lors de son dernier séjour en juin dernier, a validé cette demande sociale parmi tant d'autres. Mieux, ce temple du savoir portera le nom de l'un des plus illustres fils du terroir, Souleymane Niang, et accueillera ses premiers étudiants en octobre 2024. Les populations vivaient un rêve éveillé jusqu’au comité régional de développement présidé par le ministre de l’Enseignement supérieur, à l’issue duquel Cheikh Oumar Hanne a solennellement annoncé que l’université Souleymane Niang sera multi-sites. Et que les sites retenus sont : Kanel, Agnam/Thilogne et Ndioum, avec le rectorat implanté dans la ville de Matam.

Mais cela s’est avéré un coup de massue pour une bonne frange de la population.

Niet au multi-sites

Cet éclatement du site de l’université Souleymane Niang de Matam a suscité une vague d’indignation de la part des ressortissants de la région. De manière spontanée, ils se retrouvèrent autour d’un collectif pour le maintien de l’université à Matam. Ils ne veulent pas entendre parler d'une université qui sera bâtie sur plusieurs sites.

‘’Lors d'un CRD tenu à Matam sous la présidence du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, il nous a été donné de constater l’idée d'implanter l’université sur quatre sites. Ce qui ne cadre ni avec la promesse du chef de l’État ni avec la proposition de la commission des experts dirigée par M. le Recteur Amadou Aly Mbaye, encore moins avec les attentes des populations. Ainsi, nous disons non à une université multi-sites. Autrement dit, nous souhaitons que l’université soit implantée dans un seul site, dans la région de Matam. Notre souci est qu’elle soit implantée dans la région, peu importe le lieu ; l'essentiel est qu'elle soit dans la région’’, martelait celui qui portait leur parole.

Pour étayer ses propos, Aicha Camara avait ajouté que le collectif est certain que l’idée d’implanter l’université sur plusieurs sites est soumise à des calculs politiques. Des pontes du régime de la localité se crêpent le chignon, chacun prêchant pour sa chapelle. ‘’Nous savons que les autorités politiques étaient présentes lors du CRD. Elles sont d'accord à l’idée d’éclater le site de l’université Souleymane Niang. Cela les arrange d'avoir une partie de l’université dans leur localité, car elles ne sont mues que par des intérêts crypto-politiques. Mais nous, nous savons que cet éclatement n'est pas bien pour nos enfants. C’est pourquoi nous combattons cette idée d'une université multi-sites à Matam’’, avait ajouté la seule dame du collectif.

Il faut dire que le tapage médiatique orchestré par ces derniers a porté ses fruits, puisque le ministre de l’Enseignement supérieur était finalement revenu sur sa décision. ‘’L’université Souleymane Niang de Matam ne sera plus multi-sites’’, a concédé Cheikh Oumar Hanne.

‘’La ville de Matam ne peut pas accueillir 30 000 étudiants’’

Cette sortie du ministre de tutelle n'a pas, pour autant, mis fin à la polémique entourant le lieu de la future université.

En effet, un autre collectif, piloté, entre autres, par l'ancien proviseur des lycées de Nabadji et de Thilogne, Mamadou Sam, la première adjointe au maire de Thilogne, Sokhna Diallo, Bocar Koundoul, le chef du Service régional du Conseil exécutif pour la sécurité alimentaire, s'est constitué pour défendre la pertinence de l’implantation de l’université sur plusieurs localités. Le porte-parole Bocar Koundoul est désarçonné par les arguments des pourfendeurs du multi-sites.

‘’La ville de Matam ne peut pas contenir 30 mille étudiants. Si l’université reste à Matam, il y aura un problème de foncier qui va se poser. Ce boom démographique va créer des problèmes sur le plan de l’assainissement, mais aussi sur le plan sociologique, car ramener 30 mille personnes dans une ville qui en fait moins peut créer des complications. De plus, il faut savoir que Matam est dans une zone inondable ; l'eau pourrait revenir à nouveau. L'autre aspect important à tenir en compte, est qu'une université est souvent source de conflits. En cas de grève, si le pont est barré, la ville n'est plus accessible’’, relève l'ancien émigré.

Revenant sur le bien-fondé du caractère multisites de l’université de Matam, Koundoul précise que cet éclatement donnera un tonique coup de boost à l'essor des autres localités ciblées. ‘’Un panel d'intellectuels désignés par des universitaires a établi les critères pour choisir les sites les mieux indiqués pour recevoir les facultés. Pourquoi cela nous agrée ? Parce que nous considérons que l’érection d'une faculté dans une commune, participe à son développement économique. Et puisque nous sommes des acteurs de la société, nous sommes pour la solidarité territoriale, parce qu'aucune commune ne peut se développer sans que la commune voisine ne se développe. Et mettre l’université sur un seul site, c’est priver les autres d'un levier de développement’’, argumente-t-il.

La date de rentrée déjà compromise

Officiellement, l’université Souleymane Niang va accueillir ses premiers étudiants en octobre 2024. Des étudiants dont l'effectif est estimé à 30 000. A moins de 20 mois, le site mono ou multi devant abriter l’établissement n'est toujours pas connu. L'entreprise qui sera chargée des travaux n'est pas encore connue. Ce qui laisse clairement voir que la date avancée par les autorités risque d’être celle du début des travaux. Une pléthore de spécificités de la région attend d’être tenue en considération pour que l’université tant réclamée unanimement par les populations du nord-est du pays, soit à l'image des potentialités de la zone.

DJIBRIL BA (MATAM)

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