‘’La loi antitabac a des tares congénitales ‘’
Votée le 14 mars 2014, la loi antitabac tarde à être appliquée. Un blocage dû selon Me Bassirou Sakho à l’ambiguïté de la dite loi mais aussi au silence des autorités.
Depuis son vote le 14 mars 2014 et sa promulgation le 28 du même mois par le président de la République, la loi antitabac tarde à être appliquée au Sénégal. Rien n’a bougé après un an. Ce qui a fait dire hier, à l’avocat Me Bassirou Sakho au cours d’un atelier de partage avec les journalistes que « lorsqu’une loi n’est pas claire, son application pose problème » et le juge dans son office a du mal à avoir une position tranchée. ‘’La loi antitabac a des tares congénitales qui constituent sa faiblesse. Le Sénégala ratifié en 2004 la convention cadre de l’OMS et s’était engagé à transposer les dispositions internationales dans son dispositif interne. C’est déjà à ce niveau que cette loi pèche parce qu’on sent un écart important par rapport aux dispositions de la convention. Tant qu’il y a cette valse du juge par rapport à l’application des textes de loi ça pose problème’’, a soutenu Me Sakho.
D’après les explications de l’avocat à la Cour, il ressort que si l’on fait une étude comparative entre les dispositions de la convention cadre qui doivent être reproduites dans la loi en intégralité , l’on note l’absence d’un seul décret d’application depuis la promulgation de la loi. ‘’Il y a un an jour pour jour qu’on attend encore les textes réglementaires.
Cela dépend de la pensée et de l’esprit du législateur et tant qu’on a pas ces éléments on ne peut pas de façon précise et concrète appliquer une loi’’, dit-il, avant de citer en guise d’exemple, le point portant l’étiquetage déterminé par l’article 6 alors que l’application est assujettie à un décret d’application. Mais, ‘’on n’a pas encore ce décret et cela freine un peu l’application de cette disposition sur le conditionnement et l’étiquetage Il faudrait que le législateur prenne des dispositions pour compléter la loi’’.
Silence des autorités C’est le cas de la publicité et de la promotion car les conditions d’utilisation des panneaux et insignes publicitaires des produits relatifs au tabac déterminées par l’article 9 restent encore floues .‘’Il y a un vide qui devrait donc être complété par le législateur et qui ne l’est pas. Il n’empêche que les industries du tabac font l’effort de se conformer à cette loi .Même si on sait qu’elles sont en train de mener un lobbying. Et de l’autre coté on ne sent pas la volonté du gouvernement d’appliquer cette loi’’, a dénoncé Me Sakho.
Pour ce dernier le dysfonctionnement se situe donc du coté de l’Etat du Sénégal mais aussi du coté des organismes qui luttent contre le tabac. ‘’Une loi, quand elle n’est pas appliquée, reste juste une intention, je précise. Mais cela ne veut pas dire que la loi n’est pas applicable. Depuis qu’elle est entrée en vigueur elle l’est. Il faut des gardes fous pour le respect des dispositifs pris par la loi et du respect des règles qui sont édictées’’, conseille-t-il.
APPLICATION DE LA LOI ANTITABAC 9 décrets et arrêtés à mettre en place Le tabac constitue toujours un danger public. Il appauvrit les familles et fait perdre 23 milliards par an à l’Etat. Face à cette situation, l’application de la loi antitabac demeure une nécessité. Car selon le Professeur Abdoul Aziz Kassé président de la Ligue Sénégalaise contre le Tabac (LISTAB), la loi antitabac est d’une importance capitale. Il y a dit-il, 9 décrets et arrêtés à mettre en place pour appliquer les cinq dispositions capitales de la loi. ‘’Il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en application par des décrets les dispositions réglementaires qui ont été votées. La société civile ne peut pas se substituer à l’autorité, elle est juste une unité de veille. Nous avons écouté le gouvernement pendant un an et il n’y a pas encore un seul décret d’application ‘’, a déploré le Professeur Kassé. Selon ce dernier, il n’y a pas encore de budget pour l’exécution de la loi. ‘’On n’est pas dans les dispositions affichées d’implémenter cette loi. La société civile se propose d’offrir son assistance pour aller vers cette exécution’’, a-t-il souligné. En effet, dans ses cinq dispositions capitales, la loi interdit toute ingérence, elle interdit la publicité la promotion et les parrainages, demande l’augmentation des taxes, interdit également de fumer en public, et conditionne les avertissements simples sur les paquets de tabac. |
VIVIANE DIATTA