Monsieur le Président Macky SALL, prenez votre temps
Après les élections locales du 23 janvier 2022, les Sénégalais retiennent leur souffle. Tout le monde attend, avec beaucoup d’impatience, le changement du gouvernement installé le 1er octobre 2020 par Son Excellence, Monsieur Macky SALL, Président de la République.
Il est vrai que l’Assemblée nationale a adopté le 10 décembre 2021 le projet de loi n°38/2021 portant révision de la Constitution qui restaure le poste de Premier ministre supprimé le 14 mai 2019 à une large majorité des membres de cette législature.
Il est vrai aussi qu’après chaque élection, nous avions été habitués à ce que le Président de la République qui nomme aux emplois civils et militaires, tire les enseignements de ces joutes en sanctionnant positivement ou négativement les parties prenantes.
Cependant, notre vaillante et belle victoire de la Coupe d’Afrique suivie de cette euphorie contagieuse, d’union des cœurs et des esprits a indéniablement relégué au second plan ce remaniement que tout le monde perçoit à l’horizon mais qui tarde à venir.
Aussi, dans un contexte de pré-campagne pour les élections législatives dont la date est désormais fixée au 31 juillet 2022 viennent brouiller les calculs des uns et des autres en complexifiant davantage et en déroutant les plus téméraires de nos analystes politiques.
Un professeur de droit constitutionnel affirme que le gouvernement actuel n’est ni valable ni légitime depuis que la loi pour le rétablissement du poste de Premier ministre a été promulguée. Cette position n’est pas unanimement partagée car, comme il le reconnait, la Constitution du Sénégal modifiée ne fixe aucun délai au Président de la République pour nommer son Premier ministre.
Rappelons-nous et c’est encore récent, que le Président Abdoulaye WADE avait introduit, avec sa réforme constitutionnelle de 2009, un poste de Vice-Président nommé par le Chef de l’Etat qui lui délègue une partie de ses pouvoirs. Son adoption n’est intervenue en Conseil des ministres que le jeudi 16 mars 2011 avec un projet de loi constitutionnelle visant à créer un « ticket » président /vice-président, élus en même temps au suffrage universel.
Ce poste de Vice-Président introduit dans la Constitution de notre République puis promulgué n’a jamais été pourvu ni occupé bien qu’on ait annoncé à l’époque les noms de potentiels prétendants dont notre feu Secrétaire général, Monsieur Ousmane Tanor DIENG.
A cinq mois d’une élection législative déterminante voire cruciale à plusieurs égards avec de très fortes implications politiques, stratégiques, avec des risques de cohabitation, une telle décision mérite amplement que tout le temps nécessaire à la réflexion soit pris pour arrêter les meilleures options.
Monsieur le Président, vous n’avez pas droit à l’erreur. Prenez le temps de mettre en place un gouvernement de mission apte à vous aider à répondre efficacement aux nombreuses préoccupations de vos compatriotes.
A tout le moins, nommez votre Premier ministre pour vous permettre de vous consacrer à vos nouvelles responsabilités de Président en exercice de l’Union africaine mais restez maitre de votre choix régalien de remanier quand vous le déciderez car en chamboulant ici et maintenant votre gouvernement, à la veille de cette élection législative capitale, vous courez le risque certain de désorganiser et de démobiliser votre parti et votre coalition qui est indéniablement votre machine de guerre redoutable qui a conquis des victoires importantes.
Ceux qui ont connu la défaite aux élections locales et qui sont dans votre gouvernement, si vous les sanctionnez, vous les désarmez alors qu’ils voudront bien se rattraper [U1] et vous prouver que leur échec n’était qu’un accident de parcours et qu’ils feront tout pour rebondir aux prochaines joutes de juillet. Ceux qui ont gagné et qui méritent des récompenses voudront maintenir la cadence et reconfirmer leurs scores.
Vos appréciations et convictions fondées sur ces deux élections (locales et législatives) constitueront indubitablement un excellent soubassement, gage de succès et de réussite pour la mise en place de votre prochain gouvernement.
Par ailleurs, certains pressent le pas en direction de 2024 et souhaiteraient que vous vous déterminiez ici et maintenant pour une élection qui aura lieu dans deux bonnes années.
Rien ne vous oblige, Monsieur le Président, et dans une démocratie majeure comme le Sénégal, à céder aux pressions. Le respect du calendrier électoral républicain dans ses séquences propres doit correspondre à un discours inscrit dans le même temps. Autrement dit, chaque échéance électorale doit correspondre à son propre argumentaire. Ni la Constitution ni la jurisprudence en la matière ne vous obligent à aller au-delà de ce que vous avez déjà dit.
En homme politique aguerri et averti, vous avez compris le discours entretenu par certains leaders.
Vous avez raison de ne pas vous prononcer aussi tôt. Si vous dites que vous n’êtes pas candidat, vous courez le risque de disloquer votre parti et votre coalition dont la longévité est sans égale dans l’histoire politique de notre cher pays.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel est la seule juridiction de notre pays chargée de trancher légalement et légitimement la question du supposé 3ème mandat du Président de la République tant agitée par l’opposition. L’avis éclairé et définitif, le seul qui compte d’ailleurs, de ses sages et éminents membres, est plus que prématuré.
Appliquez les doctrines très simples et efficaces du Parti socialiste et de feu, son Secrétaire général, Ousmane Tanor DIENG, qui aimait rappeler à qui voulait bien l’entendre que « Sokhla dou am rak ». Autrement dit, finissons-en d’abord avec les élections législatives de juillet prochain et après, on pourra éventuellement ouvrir un nouveau chapitre. Aussi, il aimait nous dire : « restez droit dans vos bottes » comme vous savez si bien le faire.
2024, c’est dans 24 mois et dans cette séquence temporelle, vous avez encore de l’ambition pour votre pays et des projets à mener à bout.
Monsieur le Président Macky SALL, prenez votre temps. Vous n’êtes pas obligé.
Mamoudou WANE
Membre du Secrétariat Exécutif National du Parti Socialiste
Secrétaire général de la 11ème Coord. B des Parcelles Assainies