Publié le 18 Aug 2014 - 11:49
MORT DE L’ETUDIANT BASSIROU FAYE

Chronique d’une répression aveugle

 

Dès son arrivée à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur, le professeur Mary Teuw Niane s’est distingué par des réformes qu’il s’est mis en tête d’imposer aux universités. Devant les réserves et les observations de la communauté universitaire et les réticences des étudiants, l’usage de la force a été la seule réponse. Le comble a été atteint jeudi dernier avec la mort de Bassirou Faye. Chronique d’une répression.

 

La mort de l’étudiant Bassirou Faye a mis en émoi le monde universitaire. Chacun affiche aujourd’hui sa tristesse. Pour autant, personne ne peut se dire surpris par ce qui est arrivé. En effet, depuis que le Pr Mary Teuw Niane a été nommé à la tête du département de l’Enseignement supérieur, la violence, déjà permanente à l’Ucad, a monté d’un cran. L’homme est venu avec des réformes et n’entend pas reculer d’un iota.

Tout a commencé avec la réforme de l’enseignement supérieur. Une concertation a été organisée suivie d’un conseil présidentiel. Ensuite, le ministre a sorti des mesures l’une après l’autre. Des mesures dans lesquelles ne se retrouvent pas certains qui avaient participé à la concertation, les étudiants en premier. En guise d’exemple, il était retenu l’augmentation des frais d’inscription. Mais le montant était à déterminer. Devant l’absence d’un consensus, il a tranché et est passé à l’offensive. Quand les étudiants de l’UGB ont refusé de signer le protocole, il leur a adressé une note dans laquelle la menace était plus qu’explicite : « Si vous ne signez pas le protocole d’accord, avant ce mercredi 15 janvier 2014 à 18 heures, l’université Gaston Berger va être fermée », disait la note. Avant même cette signature, des affrontements avaient, à plusieurs reprises, opposé étudiants et policiers. Et pour montrer leur détermination à réprimer, les autorités avaient mis l’UCAD en état de siège.

Violation flagrante de la loi 94-79 relative aux franchises universitaires’’

Ainsi, depuis le 21 novembre 2013, les forces de l’ordre partagent l’espace universitaire avec les vrais résidents, ‘’en violation flagrante de la loi 94-79 relative aux franchises universitaires’’ comme l’a toujours dénoncé le Saes. Dès lors, la voie a été ouverte à une longue série de répressions. Le 16 décembre 2013, l’étudiant Ibrahima Diouf a été rendu borgne par la répression aveugle. Il a perdu l’usage de son œil gauche au cours d’affrontements entre étudiants et policiers. Face à la détermination des étudiants à ne pas lâcher du lest, Ibrahima Diouf a finalement été évacué à l’étranger.

Une fois cette question réglée, le ministre avait sorti de nouveaux critères d’attribution et de conservation de la bourse. Les acteurs universitaires dénoncèrent l’absence de concertations autour de cette question. Qu’importe, encore une fois, le ministre les imposa aux étudiants. Il avançait l’argument selon lequel 2 800 non-ayants droit percevaient une bourse, tout en bloquant l’argent des bénéficiaires légitimes. Las d’attendre, les étudiants se livrèrent à une journée de manifestations le 21 mai dernier. En début de soirée, les forces de l’ordre investirent le campus social.

‘’Un étudiant-un policier’’

Ce témoignage d’un étudiant dans l’As du 22 mai résume bien la situation. « À cause des grenades lacrymogènes, une camarade s’est étouffée. Avec l’aide des amis, je l’ai transportée dans ma chambre où on l’a couchée pour lui permettre de reprendre une respiration normale. C’est sur ces entrefaites que les GMI ont débarqué et commencé à nous bastonner mes amis et moi. Les traces de leurs sévices sont encore visibles sur mes joues. (…) On n’en revient pas encore. En partant, ils ont emmené quelques étudiants ». Une attitude qui a fini de convaincre les étudiants que le slogan un étudiant-un ordinateur cache l’autre réalité : ‘’un étudiant-un policier’’.

A la suite de ces scènes de violences, les étudiants furent traduits devant la justice. Le juge préféra rendre un verdict d’apaisement. Quant aux policiers, ils se sentirent adoubés. Non seulement rien n’avait été retenu contre eux, mais les discours des autorités les confortèrent. Le lendemain des manifestations, le ministre Mary Teuw Niane avait organisé une conférence de presse pour menacer les étudiants et accuser l’opposition de les manipuler, afin d’aboutir à une année blanche. Le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo avait apporté ‘’sa pierre à l’édifice,’’ en promettant que ‘’l’Etat n’accepterait pas le désordre’’.

Dans le journal de 20h sur la RTS, le Pr Mary Teuw Niane promit l’exclusion de ceux qui avaient commis des actes de violence. D’un  ton ferme, il avait martelé : ‘’Ceux qui ne veulent pas étudier ont intérêt à ne pas rester dans l’espace universitaire.’’ A son tour, le président de la République avait corsé la note, en demandant à ses ministres ‘’l’application des lois et règlements contre ceux qui s’adonnent aux actes de violence dans les campus universitaires’’, passant sous silence le temps que les étudiants sont restés sans percevoir  leurs bourses.

Cette fermeté des autorités fut traduite en actes par les policiers au sein du campus. Car dans leurs interventions, ils visaient directement l’intérieur des chambres, installant la panique chez les apprenants. Le mercredi 06 août dernier, les affrontements qui se limitaient au campus social se sont déplacés au niveau de l’espace  pédagogique. Les policiers avaient chargé les étudiants massés autour de la Faculté des Lettres et sciences humaines. C’est ainsi que jour après jour, il a été constaté une escalade de la violence favorisée par l’attitude des autorités. Et le résultat macabre a été la mort de Bassirou Faye.

Reste à savoir si Mary Teuw Niane et compagnie tireront les leçons de cet acte barbare et ignoble.

BABACAR WILLANE

 

Section: 
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