Publié le 11 Aug 2016 - 03:53
NDEYE NAME DIOUF (DIRECTRICE DE L’ALPHABETISATION ET DES LANGUES NATIONALES)

‘’Notre budget a été revu en baisse’’ 

 

Le Sénégal est le lauréat 2016 du prix Confucius Unesco. Une distinction qu’il recevra à l’occasion de la conférence mondiale sur l’alphabétisation prévue le 8 septembre 2016 à Paris. Dans cet entretien qu’elle a accordé à EnQuête, la directrice de l’Alphabétisation et des Langues nationales, Ndèye Name Diouf, fait l’état des réalisations tout en déplorant le manque de moyens de la structure qu’elle dirige.

 

Quel est le projet qui a valu au Sénégal le prix Confucius ?

Effectivement, le prix Confucius alphabétisation 2016 est dédié au Sénégal pour récompenser les réalisations faites dans le cadre du Programme national d’éducation de base des jeunes et adultes analphabètes articulé aux Tic (PNEBJA /TIC). C’est un projet que nous avons initié en 2013. En fait, depuis le départ de Mamadou Ndoye de la tête de la direction dans les années 1990, il n’y avait plus de programme d’Etat. Ce sont les partenaires et les organisations non gouvernementales qui ouvraient des classes. Lorsque nous sommes venus en 2012, nous nous sommes dit : ‘’Il faut que l’Etat ait encore des salles.’’ C’est comme ça qu’est né le PNEBJA/TIC.

Au-delà de l’alphabétisation, le prix vise aussi à récompenser les projets qui permettent aux femmes et aux adultes analphabètes de générer des activités de revenus et d’améliorer la santé des femmes. Quelles sont les réalisations faites dans ces domaines ?

 De 2012 à 2015, nous avons formé 183 039 apprenants soit une moyenne de 45 760 apprenants par an. Aujourd’hui, ces femmes et jeunes filles sont autonomes. Elles apprennent en même temps à produire. Raison pour laquelle dans les classes, nous avons un facilitateur qui enseigne et un encadreur technique qui se charge de la formation dans plusieurs secteurs pouvant générer des sources de revenus, par exemple la teinture. La direction a élaboré et mis en œuvre un programme d'amélioration de la santé nutritionnelle (NESA) de 2012 à 2014. Notre objectif est d’améliorer la santé nutritionnelle de la mère et de l’enfant. Dans les régions de Matam et Saint-Louis, depuis 2015, nous participons à la lutte contre la malnutrition.

Comment l’alphabétisation qui est décrite comme le parent pauvre de l’éducation sénégalaise peut-elle gagner un prix international ?

(Elle affiche un large sourire) C’est vrai, nous sommes le parent pauvre de l’éducation avec 1,7% du Budget  alloué à l’alphabétisation. Nous avons un problème de ressources financières et c’est très sérieux mais nous disposons aussi des ressources humaines. La direction fait tout pour que les autorités relèvent ces ressources financières tout en sachant que l’argent ne se lève pas pour élaborer des programmes. Ce sont les ressources humaines qui font ce travail donc, nous misons sur elles pour pouvoir résoudre les problèmes en attendant que le budget soit relevé.

Pourtant votre ministre de tutelle, Serigne Mbaye Thiam avait promis en 2014 d’augmenter progressivement le budget de l’alphabétisation ?

Oui, mais cette promesse n’est toujours pas tenue. Au contraire, notre budget a été revu en baisse. Au lieu de 628 millions, nous avons reçu 500 et quelques millions. Peut-être qu’avec les résultats escomptés et surtout le prix, nous pensons que le budget sera augmenté. D’ailleurs, il (le ministre) projette de relever légèrement nos ressources financières en 2017. C’est aussi l’occasion de remercier l’Unesco et les partenaires qui ne cessent de nous soutenir.

L’alphabétisation peut-elle être un tremplin vers l’égalité des genres ?

Oui, elle peut bien être un tremplin vers l’égalité des genres mais c’est trop tôt. Il y a beaucoup de défis à relever avant d’arriver à ce niveau. D’abord, le taux d’analphabétisme qui est de 56,4% est très élevé et est composé de 67% de femmes. Donc il faut former les femmes surtout par l’alphabétisation fonctionnelle. D’ailleurs, nous avons ouvert 62 classes spécifiques à travers lesquelles nous touchons tous les domaines en passant par certains ministères  comme ceux de l’Elevage, de la Pêche, des Sports, de la Femme, etc. Même avec le ministère de la justice qui nous a permis d’avoir des classes dans les maisons d’arrêt et de correction (MAC).

Donc, l’alphabétisation peut servir de tremplin mais avec la compétence. Ce qui se passe à l’Assemblé Nationale ou nous avons des femmes  qui ne savent même pas ce que c’est que d’être député est grave. Et c’est pour cela que nous disposons d’une classe de 30 députés au sein de l’Assemblée nationale. Actuellement, nous avons 22 langues codifiées, la dernière ajoutée l’année dernière est le Womé, vers Koumpentoum et même une partie de la Guinée. Il faut noter que notre direction ne fait pas le choix des langues à apprendre. Ce sont les populations qui choisissent et qui notifient cela. 

DIENE NGOM (Stagiaire)

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