La fin de l’ultimatum
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La bataille risque d’être électrique, aujourd’hui, si le Collectif nio lànk tient sa promesse de manifester à la Place de l’indépendance. Le préfet a, en effet, interdit ladite manifestation, tout en prenant acte de la déclaration de marche sur l’axe Place de la nation- Rond-point Rts pour le même motif.
Aucune surprise ! Hier, vers les coups de 20 heures, le préfet de Dakar est monté au front pour annoncer la nouvelle qu’acteurs politiques et de la société civile ont attendu, durant toute la journée. Et c’est pour couper la poire en deux. Joint par téléphone, Alioune Badara Sambe, en poste depuis 2017, informe : ‘’Face à la concomitance (des marches prévues le même jour, la même heure, sur deux itinéraires différents) et aux menaces réelles de troubles à l’ordre public, j’ai pris la décision d’interdire la manifestation projetée sur la Place de l’indépendance vers le Palais de la République’’. Quid de celle prévue sur l’axe Place de la nation-Rond-point RTS ? Il précise : ‘’Je n’ai même pas besoin de dire qu’elle est autorisée, dans la mesure où, nous sommes sur le régime de la déclaration. L’essentiel est que cela puisse se passer dans le respect de certaines conditions. Nous n’avons aucun problème à ce niveau’’.
En fait, explique Monsieur Sambe, après instruction des dossiers, il a été constaté que les deux marches ont été déposées par les mêmes personnes, lundi dernier. L’une part de la Place de la nation au Rond-point RTS ; l’autre de la Place de l’indépendance au Palais de la République. Est-ce à cause de cette concomitance que la manifestation sur la Place de l’indépendance a été interdite ou du fait de l’arrêté Ousmane Ngom, le chef de l’exécutif départemental réplique : ‘’L’arrêté d’interdiction invoque plusieurs éléments, y compris les deux demandes. On ne peut quand même pas être, le même jour, la même heure, sur deux sites différents. Cela dénote quelque part d’une volonté manifeste de troubler l’ordre public ; et face à cette volonté, nous avons pris nos responsabilités…’’.
Qu’en est-il alors de l’arrêté communément appelé Ousmane Ngom, il indique que l’arrêté 75-80 est toujours dans le corpus juridique. Or, pour beaucoup de spécialistes du droit, cet arrêté ne devrait plus constituer une base légale des actes administratifs, en matière d’exercice de la liberté publique de marche. En effet, récemment, un arrêté préfectoral pris sur la base du même texte a été annulé par la chambre administrative de la Cour suprême. Il revient donc à l’Exécutif, soutiennent les organisations des droits de l’homme, d’en tirer toutes les conséquences. Pour ce haut fonctionnaire de la Police, il est temps de revenir sur cet arrêté qui ne saurait durer ad vitam aeternam. Notre interlocuteur souligne que cet arrêté a été édicté dans un contexte particulier, ‘’jusqu’à nouvel ordre’’. ‘’On ne peut pas transformer jusqu’à nouvel ordre en une éternité. Il est temps de revenir sur cette mesure, d’autant plus que la Justice s’est prononcée indirectement sur le sujet’’, insiste-t-il.
Dakar, sous tension
Comme s’ils se sont passé le mot, les leaders du Collectif nio lànk, eux, ont été peu loquaces, hier. Dès que la mesure est tombée, ils se sont réunis, dans la soirée pour définir la conduite à tenir. Désigné finalement comme porte-parole, le coordonnateur de Y en a marre, Alioune Sané, a répondu à nos questions. Egalement Co-coordonnateur du Collectif nio lànk nio bagn, il déclare : ‘’Nous avons bien reçu l’arrêté. Maintenant, demain (aujourd’hui), nous allons tenir une conférence à 9 heures pour parler et de l’arrêté et du rassemblement pacifique’’. Sur les deux manifestations prévues, il coupe net et renchérit : ‘’Demain, nous allons parler de tout’’.
Interpellé quelques instants auparavant, alors même que la décision du préfet n’avait pas encore été rendue publique, les leaders du collectif ont surtout préféré jouer aux stratèges. ‘’Nous ne pouvons dévoiler notre stratégie. Comme la dernière fois, nous demandons juste la baisse du coût de l’électricité, ainsi que la libération des détenus’’, plaidait Mignane Diouf, l’autre co-coordonnateur. Idem pour son camarade de lutte, Malal Talla, responsable à Y en a marre. Là également, rien ne filtre sur la stratégie. Du côté de la Préfecture, par contre, on assure que force restera à la loi. Alioune Badara Sambe : ‘’J’espère que les gens seront responsables. Comme je l’ai dit, aucune autorité responsable ne peut laisser faire une trouble dans cette zone stratégique que constitue la Place de l’indépendance. Même en France, des manifestations sont interdites. Il revient à l’autorité administrative, et à lui seul, d’apprécier’’.
Dès lors, la grande question qui se pose encore est de savoir si les contestataires vont tenter le même coup que leurs camarades en prison ? Ce, d’autant plus que, lors de leur première manifestation, vendredi dernier, certains responsables avaient donné un ultimatum au gouvernement. Ils menaçaient de marcher, par la force, sur le Palais au cas où leurs camarades ne sont pas libérés. Mais, la tâche risque d’être beaucoup plus ardue, si l’on sait que l’Etat est mobilisé au plus haut sommet pour que, jamais, ce qui s’était passé avec les camarades de Guy Marius Sagna ne se reproduise. Pour rappel, ces derniers avaient pu braver une interdiction de marcher sur l’axe Place de l’indépendance-palais de la République. Ils avaient pu surprendre la vigilance des forces de l’ordre et étaient parvenus à s’accrocher aux grilles de la Présidence. Ce qui leur avait valu leur arrestation. S’ensuivit alors la sanction du Commissaire central, Mamadou Ndour, qui a été limogé, environ une semaine après.
Dilatoire
A en croire cet officier, cette sanction n’était que du dilatoire. Ce qui s’est passé, estime-t-il, ne saurait être totalement imputée au Commissaire Ndour. ‘’En fait, affirme-t-il, il faut savoir que ce dernier a un chef. Quand il y a des manifestations, il lui revient de mettre en place un Plan. Mais, ce plan, il l’envoie à son chef, le directeur de la sécurité publique. Celui-ci l’envoie, à son tour, à son chef qui est le directeur général. Lui aussi va l’envoyer à son chef qui n’est personne d’autre que le ministre. Donc, si le plan n’est pas bon, pourquoi les autres ne l’ont pas remarqué ? Je pense que la meilleure posture était de voir les causes profondes, pour savoir pourquoi les choses n’ont pas marché. Pas de se débiner’’.
En outre, souligne notre interlocuteur, le Commissaire central ne commande pas le GMI. ‘’Il donne juste une mission, mais pas commander’’. S’y ajoute, déplore-t-il, la rapidité avec laquelle la sanction a été prise. ‘’Cela montre qu’on n’a pas pris le temps de faire enquête sérieuse. Comment ces gens ont pu marcher jusqu’au palais ? Cela doit quand même interpeller tout un chacun. Où étaient les services de renseignement ? Lesquels dépendent du directeur en charge de la surveillance du territoire, qui dépend du directeur général, qui dépend du ministre de l’Intérieur. Ce qui est arrivé à ce Commissaire de Police est regrettable, c’est désagréable’’.
Le test grandeur nature d’El Hadji Cheikh Dramé
Il faut noter que, depuis 2012, ce Commissariat central qui, selon des spécialistes, n’a rien d’extraordinaire, est sorti de l’ombre. Avec le Commissaire Arona Sy à sa tête, Central était à l’époque sur toutes les lèvres. Cette réputation, malgré les années qui passent, est demeurée intacte. Très stratégique, il est généralement confié à de véritables hommes du sérail. Avec le limogeage de Mamadou Ndour, le Commissaire El Hadji Cheikh Dramé, ancien patron du Commissariat spécial de l’aéroport international Blaise Diagne, a été mis sur le piédestal. Demain, il s’agira, pour lui, de passer son test grandeur nature. D’autant plus que le Commissariat central a déjà emporté plusieurs fiertés de la Police nationale, dont les plus récents sont les commissaires Ndour et Arona Sy.
Ce dernier avait fait un excellent travail en 2012, selon beaucoup de spécialistes de la sécurité publique, mais avait été emporté par les violentes manifestations de rue qui avaient occasionné des pertes en vies humaines. Depuis, il a été mis au frigo.
MOR AMAR