Publié le 25 Jan 2018 - 02:12
OSCARS DU CINEMA

Clap de fin pour ‘’Félicité’

 

L’aventure des Oscars du Cinéma  s’est arrêtée hier pour Alain Gomis. Nominé jusque-là dans la catégorie ‘’Film en langue étrangère’’, ‘’Félicité’’ ne fait, malheureusement pas partie des cinq derniers retenus. La cérémonie des Oscars est prévue le 4 mars prochain et aucun film africain n’y prendra part. Des critiques de cinéma sénégalais expliquent ici pourquoi Alain Gomis n’est pas passé au dernier tour.

 

‘’Fin de la course aux Oscars. Merci pour tous les soutiens. Ça fait aussi du bien quand ça s’arrête. La route a été longue et intense. On va pouvoir se remettre au travail. L’important était de trouver un peu de liberté’’, écrit sur son mur facebook le réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis. C’était après la publication des cinq derniers films retenus dans la catégorie ‘’Langue étrangère’’ à la 90e session de la cérémonie des Oscars. L’actrice principale de son film nominé ‘’Félicité’’, Vero Bea, est, elle, convaincue que ‘’malgré tout, Alain Gomis reste un champion’’. Retrouver le travail, bonne résolution, semble lui dire le réalisateur sénégalais vivant aux Usa Samba Gadjigo. ‘’Ç’aurait été fantastique, mais il faut aller au-delà et continuer la seule chose qui compte : le travail’’, écrit-il à son tour.

C’est déjà fantastique, a-t-on envie de dire. Jamais un film d’un cinéaste sénégalais n’a été nominé aux Oscars. C’était plus qu’une aubaine que ‘’Félicité’’ soit dans la course. Figurer dans la short-list, c’est-à-dire parmi les neuf derniers films retenus avant les cinq finalistes, était un exploit. A ce stade de la compétition, rien ne peut être regretté. Pour une première, le Sénégal a bien joué et est allé assez loin. D’autant plus que tout ne dépendait pas que de la qualité du film. Car si ce n’était que cela, il aurait pu décrocher l’Oscar.

Car, lors de la remise des Etalons de Yennenga, au dernier Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), le président du jury long-métrage, le critique de cinéma marocain Nour-Eddine Sail, disait, en annonçant le gagnant du grand prix : ‘’Le film choisi l’a été, entre autres, pour sa qualité sonore. Le son de ce film est d’une qualité telle qu’il peut rivaliser avec les plus grands films de ce monde.’’ Une qualité technique que lui ont reconnue bien d’autres amoureux avisés du cinéma. Donc, on ne peut dire qu’il a failli de ce côté.

Et comme l’a dit le journaliste sénégalais et critique de cinéma Aboubacar Demba Cissokho, qui capitalise une certaine expérience dans ce milieu, ‘’Félicité’’ avait les mêmes chances que les autres films. Il faut aussi dire qu’il y a 4 films qui n’ont pas été choisis, et peut-être qu’ils avaient les mêmes chances et les mêmes forces que ceux choisis. C’était une compétition et ce sont les jurys qui ont choisi selon leurs critères et leurs appréciations. Ce n’est pas parce que ‘’Félicité’’ n’est pas bon’’.

Il est conforté dans son analyse par la présidente de l’Association sénégalaise des critiques de cinéma, Fatou Kiné Sène. ‘’Les choix étaient basés sur des votes individuels. Ce sont des académiciens qui ont fait les choix et chacun a sa sensibilité par rapport à tel ou tel autre film. Mais on sait que ‘’Félicité’’ a beaucoup d’atouts. On est un peu surpris de voir que les deux films africains qui étaient en lice n’ont pas été choisis, notamment ‘’Félicité’’ qui avait de bons atouts pour être dans les nominés. C’est une surprise pour nous. Le film sud-africain aussi n’a pas été choisi’’, regrette-t-elle.

Si ce n’était que cela. Aucun film africain n’est dans la dernière liste, dans la catégorie susnommée. ‘’Les cinq films choisis sont des films du continent européen et asiatique, notamment de la Chine, du Liban, de l’Espagne. On sent que l’Afrique est exclue de ces Oscars. Et c’est dommage pour le cinéma africain qui fait de grands pas. L’Afrique avait vraiment sa place dans les cinq nominés. C’est vraiment dommage’’, se désole-t-elle.

Son constat va tout de même au-delà. Elle a une explication face à cette situation. ‘’Il faut noter que les films nominés sont ceux qui ont été produits avec beaucoup de coproductions. Le film ‘’Une femme fantastique’’, qui fait partie des nominés, a été produit par 5 pays. Les autres également, ce sont au moins 3 ou 4 pays qui se sont mis ensemble pour le faire. Là, je dirais que l’avenir du cinéma africain est dans la coproduction. Si on veut vraiment avoir des films qui rivalisent avec tous les autres du monde, il faut que les pays africains se mettent ensemble pour réaliser des films qui peuvent être au sommet’’, estime-t-elle.

Quoi qu’il en soit, Aboubacar Demba Cissokho est lui d’avis que cette fois n’était pas la bonne. Ce qui n’exclue pas qu’il puisse en avoir d’autres, en d’autres occasions. ‘’Peut-être un autre jury aurait choisi ‘’Félicité’’. Ce n’est pas parce qu’un film n’a pas été choisi aux Oscars qu’il est bon où qu’il ne l’est pas. Ce qui se dit aux Oscars, ce n’est pas la Bible du cinéma, ce n’est pas l’Evangile, encore moins le Coran. Chaque film a son identité, ses arguments, sa force et ses faiblesses, et çà c’est le jury qui le juge par rapport à beaucoup d’autres choses qu’on ne peut pas, de l’extérieur, définir’’, juge-t-il. Aussi, considère-t-il, ‘’Félicité’’ a été primé dans beaucoup de festivals. Il a été vu par différents jurys qui lui ont décerné des récompenses. Différents publics l’ont apprécié. Il a beaucoup d’arguments. Peut-être qu’ils n’ont pas pu convaincre le jury des Oscars’’.  

Son collègue de Radio Sénégal international (Rsi), Alioune Diop, est du même avis. Il pense que ‘’Félicité’’ a suffisamment de valeur artistique et cinématographique. Pour les Oscars, c’était une compétition et qui dit compétition sait qu’il y aura toujours un vaincu et un vainqueur.  Si ‘’Félicité’’ n’a pas été retenu, ce n’est pas parce qu’il n’a pas assez d’arguments artistiques. Au contraire, le film, à tout point de vue, que cela soit celui des angles cinématographiques par exemple, on peut dire qu’il a relevé la barre du cinéma africain à un niveau assez élevé’’. Cela est une prouesse et démontre qu’il n’a pas démérité. Seulement, tel qu’il le souligne, ‘’il faut une campagne promotionnelle assez lourde pour accompagner un argument artistique.

Je ne dirais pas que le film n’a pas suffisamment de moyens, mais il faut nécessairement une campagne de communication. Il ne faut pas se limiter au vote électronique. Il faut des partenaires assez puissants, au plan financier, pour pouvoir assurer la promotion. C’est une malchance certes, mais c’est une gloire pour le cinéma sénégalais, car c’est la première fois qu’on arrive à ce stade’’. Disons donc ‘’Bravo Alain !’’. 

HABIBATOU WAGNE

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