Ousmane Sonko et ses militants sous mandat de dépôt des criminels ?
“Le juge le plus honnête aura des comptes à rendre à Dieu”. Propos prêtés à Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul.
J’ai intitulé une de mes toutes dernières contributions ainsi : « Ousmane Sonko a vraiment bon dos. » Oui, il a bon dos, il a vraiment bon dos, tout comme ses militants, de plus en plus nombreux, aujourd’hui en détention préventive ou définitivement condamnés. Pour une curieuse accusation de « viols répétés avec armes à feux et menaces de mort » qui n’a été jusqu’ici étayée d’aucune preuve, d’aucun témoin, le Doyen des juges décide du renvoi de l’affaire en chambre criminelle. Pourtant, tout indiquait que l’affaire pourrait ne même pas dépasser la Brigade de recherches de la Gendarmerie.
Le seul le certificat médical qui excluait toutes relations sexuelles dans les 72 heures précédentes[1] pouvait y suffire. S’y ajoutait l’intérêt particulier que Mamour Diallo et un certain avocat Sow attachaient à son contenu. Le second a même appelé le gynécologue pour s’assurer qu’il serait au travail le lendemain (de la nuit du prétendu viol). Ils ont même essayé, lui et Mamour Diallo, de convaincre le médecin de modifier le contenu, allant jusqu’à essayer de le corrompre. Naturellement, ces informations ne sont pas de moi, modeste Mody Niang de Keur Kumba amul ndey, mais bien du gynécologue lui-même, que de nombreux compatriotes ont entendu aussi bien devant des micros de radio que sur des plateaux de télévision.
Ce n’est pas tout. Ce qu’il y a de plus compromettant encore pour les comploteurs, c’est cette vidéo qui mettait sur la place publique une longue conversation entre l’accusatrice et son « protecteur » Mamour Diallo. Cette seule vidéo suffirait à les confondre si l’affaire se déroulait dans un pays sérieux. Il n’y aurait même pas eu d’affaire d’ailleurs. Nous avons entendu, par le biais d’une autre vidéo plus compromettante encore, un long échange entre l’accusatrice et son marabout. Ici, on l’a entendue dire qu’en réalité, elle n’a eu aucune relation avec Sonko, et qu’on lui a demandé malgré tout d’essayer d’avoir un peu de son sperme. Á cette demande, elle a répondu, donnant l’impression d’une certaine indignation : « Xanaa da ngéen maa teg caga ? Buma doon séen doom da ngéen ma laac lii ? » Ce qui, en français, peut se traduire ainsi : « Me prenez-vous pour une pute, une dévergondée ? Me feriez-vous la même demande si j’étais votre fille ? »
Elle ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, allant bien plus loin en affirmant avoir eu des relations sexuelles avec les hommes, une dizaine au moins, qui devaient normalement assurer sa protection et qu’elle a tous nommés. Ce qui peut paraître étonnant, c’est qu’aucun d’eux ne s’est fait entendre pour contester cette grave accusation qui devrait les mettre mal à l’aise au milieu de leurs familles. Il y a eu bien d’autres audios et des témoignages comme celui d’une certaine Mme Tall qui faisaient douter sérieusement de ces « viols répétés ». Qu’on n’oublie pas, non plus, qu’elle (l’accusatrice) a révélé publiquement qu’elle était en état de grossesse du fait de son « violeur » ! Plus de deux ans après, l’accouchement est toujours attendu.
Le Doyen des juges avait surtout la possibilité, peut-être l’obligation (morale) de chercher à savoir avec qui l’accusatrice a échangé au téléphone ou par message écrit au moins une semaine avant et une après le « viol », le supposé dernier. Il lui suffisait simplement de charger notre très compétente police de cette tâche. Les résultats, qui pourraient mettre aussi en cause un certain avocat et une certaine avocate[2] lui permettraient de voir bien plus clair dans cette affaire, si toutefois c’était là sa préoccupation.
Finalement, on pouvait avoir la forte impression que le Doyen des juges mettait de côté tout ce qui pouvait concourir à innocenter l’accusé, ennemi du président-politicien et de sa prétendue majorité à abattre coûte que coûte. Pourtant, pour sa défense, il a mis entre les mains du juge toutes preuves qui réfutent catégoriquement ces « viols répétés avec armes à feux et menaces de mort ». Parmi ces preuves, figurerait en bonne place le rapport dit interne de la Gendarmerie nationale qui, sur bien des points, contribuerait à confirmer le complot.
Et puis, la simple question que devraient se poser la Brigade de recherches de la Gendarmerie, le procureur de la République et le Doyen des juges est celle-ci : comment cette fille s’est-elle fait violer quatre ou cinq fois, chaque fois par le même violeur, qui la menaçait de mort avec deux armes à feu, alors que dès qu’elle sortait du salon de massage, elle était nez à nez avec la propriétaire du salon, son époux et ses enfants, qui étaient dans la cour. Le bon sens voudrait quand même, qu’après le départ de son « multi-violeur », elle se plaignît auprès de son employeur ou s’en ouvrît à un de ses parents. Elle n’en fit rien. Elle continue d’accepter le supplice sans s’en ouvrir à personne, jusqu’à la quatrième ou cinquième fois, pour se faire conduire enfin en 4x4 avec son « ami » (un certain M. Mbaye) jusque chez quelqu’un qui connaît le gynécologue à qui ils allaient s’adresser.
Enfin, il y a des choses que le bon sens ne peut quand même pas accepter. Quelle mouche a-t-elle dû piquer Ousmane Sonko, lui qui se sait l’ennemi n° 1 à éliminer coûte que coûte, pour qu’il prenne le gros risque de se rendre dans un même salon, afin de violer quatre ou cinq fois la même fille, chaque fois sous la menace de deux armes ? Celle-ci n’est quand même pas la seule fille à Dakar et Ousmane Sonko n’est pas aussi vilain que ça ! Tout cela suscite quand même beaucoup de questions.
Les citoyens et les citoyennes ont-ils vraiment tort de douter de l’indépendance de la justice et d’avoir de moins en moins confiance en elle ? Peut-on vraiment le leur reprocher si on considère la manière dont cette affaire de « viols répétés » a été traitée, celle-ci comme de nombreuses autres d’ailleurs dont je retiens deux : la plainte de Mame Mbaye Niang contre Ousmane Sonko et les plus de soixante militants de Pastef entre les mains de la justice à Diourbel. L’attitude des deux procureurs qui ont traité ces affaires peut bien nous renforcer dans notre méfiance légitime vis-à-vis de l’indépendance de la justice. Pour la première, l’audience a été rapidement fixée au 2 février 2023. Elle ne le serait sûrement pas aussi rapidement si c’était « l’ennemi public n°1 » qui avait porté plainte contre l’autre. La presse, notamment Libération, je crois, révèle que le procureur de la République a corsé le dossier en ajoutant au délit supposé de diffamation « injures publiques, faux et usage de faux, etc. ».
Ce procureur n’a sûrement pas entendu Mame Mbaye Niang devant Maïmouna Ndour Faye de la 7 TV. Ce jour-là, la journaliste l’a laissé déverser sur Ousmane Sonko les injures les plus indécentes et pendant plusieurs minutes. Elle aurait sûrement arrêté net le second s’il déversait les mêmes injures sur le premier. Ce procureur n’a sûrement pas écouté, non plus, la vidéo qui nous présentait Yankhoba Diatara couvrant d’injures l’homme à abattre coûte que coûte, des injures dont la décence ne me permet pas d’en donner un seul exemple ici. C’était pendant le bruyant séjour de son mentor du moment à Thiès. Après lui, dans la même vidéo, une femme dont je n’ai pas retenu le nom a traité le même Ousmane Sonko d’homosexuel et a poussé l’insolence et le mensonge jusqu’à donner le nom de son « compagnon » qu’il . . . . . . . La décence ne me permet pas d’aller plus loin. Le procureur aurait donc bouché les oreilles sur tout cela et n’aurait eu d’ouïe que pour les prétendues injures de Sonko sur Mame Mbaye Niang de Keur kumba am ndey, injures que je n’ai pas entendues et que je n’ai lues dans aucun journal. Ce procureur peut-il vraiment être neutre dans le traitement de la fameuse plainte ?
Celui de Diourbel a, quant à lui, dit-on, criminalisé les présumés délits qui ont valu à 69 militants de Pastef un mandat de dépôt. Auparavant, le tribunal de grande instance de la même ville a condamné neuf militants de Pastef à six mois d’emprisonnement avec sursis, pour « avoir participé à une manifestation non autorisée ». Chacun des pauvres prévenus doit payer, en plus, une amende de 100.000 francs CFA. En vérité, disent des témoins, ils ne distribuaient que des documents aux élèves et aux passants, les préparant à une campagne de sensibilisation en vue d’une inscription massive des militants de leur parti sur les listes électorales le moment venu.
Pour revenir à notre procureur, il aurait, comme son collègue de Dakar, corsé le dossier des pauvres 69 militants de Pastef (toujours Pastef), en criminalisant les présumés délits pour lesquels ils ont été arrêtés. Si cette information est avérée, ils ont vraiment bon dos, comme leur président et tous leurs autres camarades qui sont en prison depuis de longs mois. Oui, ils ont vraiment bon dos. Que d’autres actes criminels ou qu’on peut considérer comme tels depuis le 2 avril 2012, commis par des dizaines et dizaines d’hommes et de femmes qui entourent le président-politicien ! Y a-t-il pires criminels que les auteurs du carnage financier révélé par le dernier rapport de la Cour des Comptes ? Des criminels qui peuvent s’en sortir sans grands dommages, peut-être sans même aucun dommage si on considère l’impunité consubstantielle à l’infecte gouvernance du président-politicien.
Combien de crimes restent-ils cachés dans les dizaines de rapports de l’Inspection générale d’État sur lesquels le président-politicien déclare sans état d’âme avoir mis le coude, comme dans la cinquantaine de lourds dossiers de l’OFNAC, qui dorment sur la table du procureur de la République, sans qu’aucun d’eux n’ait jamais été traité ? Combien d’autres seraient-ils mis en évidence si les mille (1000) milliards et peut-être plus investis dans la lutte contre les inondations ou gérés dans de nombreuses autres structures depuis le 2 avril 2012 étaient audités ? On en trouverait un nombre impressionnant, dont les auteurs jouissent tranquillement et impunément des fruits de leurs forfaits. Ils n’attirent pas l’attention de nos procureurs qui donnent l’impression d’avoir plutôt les yeux rivés prioritairement sur le président de Pastef et ses militants.
Dans ces conditions et dans bien d’autres, il nous sera de plus en plus difficile d’avoir confiance en notre justice. L’audience qui devra juger l’homme à abattre accusé de « diffamation, d’injures publiques » et de je ne sais quoi encore sur la base d’une plainte de Mame Mbaye Niang, est renvoyée au 16 mars prochain. Je crois que, entre-temps, le procureur et le juge auront écouté le plaignant à travers plusieurs audios qui nous le présentent sous son vrai visage. En particulier, il est souhaitable qu’ils l’écoutent à travers celle où il se laissait aller à des propos qui pourraient faire tomber à la renverse le président-politicien, s’il les avait entendus. C’était au lendemain du 8 mars 2021.
Ils gagneraient aussi à écouter Yankhoba Diatara, toujours lui, traiter Mame Mbaye Niang de tous les noms d’oiseaux, notamment de traitre et de corrompu. Un autre l’a sévèrement chargé, couvert d’injures, lui et Abdoulaye Sow ? Cet autre n’est que Papa Malick Ndour. Ce sont tous les trois, aujourd’hui ministres du président-politicien, que l’on voit côte à côte dans un communiqué qui annonce une conférence de presse qu’ils allaient organiser au siège de l’APR. Pendant ce temps, Ousmane Sonko, qui se rendait à son siège pour le même objectif, était arrêté net par les forces du président-politicien. C’était ce fameux jeudi 16 février 2023, qui a rendu notre démocratie plus tropicale encore.
Ces gens-là, avec de nombreux autres comme eux, valent-ils qu’un Ousmane Sonko soit sacrifié ? Ce citoyen qui a travaillé du mieux qu’il a pu pendant quinze longue années pour son pays, période pendant laquelle il a fait rentrer des milliards de francs CFA dans le trésor public, sans en garder un seul pour lui ou pour sa famille ? Ce candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024 qui incarne l’espoir de centaines et de centaines de milliers de Sénégalaises et de Sénégalais, voire plus ?
Nos magistrats doivent réfléchir mille fois avant de donner aussi facilement satisfaction à de tels individus avec, à leur tête, ce président-politicien qui prend devant vous cet engagement : « L’État défendra avec fermeté la justice et les magistrats qui l’incarnent ». De nombreux compatriotes se demandent comment les magistrats ont accueilli cet engagement qui n’honore vraiment pas notre pays. En tous les cas, dans les pays sérieux, qui ne sont pas de merde, aucun président de la République, aucun Premier ministre chef de gouvernement n’ose prendre un tel engagement à l’occasion d’une cérémonie comme celle qu’il présidait le 23 janvier 2023. Une telle cérémonie existe-t-elle d’ailleurs dans de tels pays ?
De mon humble point de vue, il n’appartient pas au Président de la République, ni à personne d’autre de « défendre la justice et les magistrats qui l’incarnent ». Qu’ont-ils fait, les magistrats, pour avoir besoin d’être défendus par qui que ce soit ? Leur défense, si défense il y a, ne relève que d’eux-mêmes, et d’eux seuls. S’ils ne rendent la justice que conformément à la loi et à leur propre conscience, ils n’ont pas besoin d’être défendus. Ils n’ont surtout pas besoin d’être défendus par ce président qui n’incarne, de mon humble point de vue, aucune des qualités que nous sommes en droit d’attendre de lui. Ce président mburu, qui joue à cache-cache avec soow, qui n’utiliserait son Premier ministre que pour arriver à ses fins politiciennes, c’est-à-dire à éliminer l’homme qu’il hait le plus de la course vers l’élection présidentielle de 2024 ; ce président-là qui n’hésiterait pas, pour atteindre ce dernier objectif, à mettre le pays à feu et à sang, aucun magistrat, aucun gendarme, aucun policier, aucun militaire et à quelque niveau qu’il se trouve, ne devrait envisager un seul instant de l’accompagner dans cette aventure qui pourrait plonger notre pauvre pays dans un gouffre dont on ne sait comment et quand il pourrait en sortir. Á bon entendeur salut !
Dakar, le 20 février 2023
Mody Niang