Publié le 20 Sep 2016 - 21:20
PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ

La face cachée d’un nouveau mode de financement

 

Les partenariats publics-privés offrent des opportunités à nos Etats pour réaliser des projets de développement. Toutefois, ces types de projets comportent souvent des risques, surtout si les Etats ont en face d’eux des investisseurs voraces qui ont souvent tendance à gonfler les prix.

 

Les partenariats public-privé (PPP) constituent aujourd’hui des modes contractuels innovants. Beaucoup d’Etats en font recours pour développer des projets structurants, notamment, des routes, des autoroutes, des hôpitaux, des écoles… Mais attention au revers de la médaille. Les PPP cachent de réels dangers, prévient le Directeur général de Expertise France. Jean Philippe Nadal, qui participait hier au séminaire de formation sur les partenariats public-privé à l’intention du Réseau africain des institutions de régulation et de contrôle des marchés publics, renseigne que le premier danger des partenariats public-privé ‘’est d’oublier ce caractère public et de ne pas muscler suffisamment le partenaire public qui risque d’être dominé par des intérêts qui ne sont pas l’intérêt général’’.

Le Dg de Expertise France, qui doit assurer cette formation de quatre jours, à Dakar, à l’intention des régulateurs venus de plusieurs pays de l’Afrique, invite les États qui font recours à ce type de partenariat à faire en sorte qu’il y ait dans les projets de type PPP un équilibre. C’est-à-dire permettre au privé de trouver son compte dans le projet, mais aussi que le partenaire public soit fort. ‘’Une entreprise privée doit gagner de l’argent, trouver la rentabilité financière et une sécurité pour ses investissements. Mais, il faut que le partenaire public soit fort et que la régulation soit forte et qu’elle mette en œuvre les principes de la commande publique, tout en respectant les intérêts privés qui, s’ils ne sont pas respectés, découragent les investisseurs’’, conseille M. Nadal.

Le diktat des investisseurs

Toutefois, le principal risque de ces types de partenariat, selon le Directeur de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) du Sénégal, est que souvent les investisseurs privés ‘’ont tendance à dicter les choix d’investissement, les modèles économiques ainsi que l’intégralité des procédés techniques utilisés dans le développement des projets’’. En effet, pour éviter d’arriver à cette situation, il est important, d’après Saër Niang, d’avoir une compétence avérée de l’équipe-projet. Cela, pour éviter les ‘’risques apparents ou invisibles souvent inhérents à cette forme de contractualisation’’. ‘’Elle permet d’éviter un surendettement excessif qui constituerait une menace réelle à la soutenabilité financière et budgétaire des Etats avec des dettes cachées ou dissimulées donnant l’impression d’avoir une liste de marge ou d’espace d’endettement. Elle conforte aussi une vision stratégique pertinente pour les politiques d’investissement et de développement des États’’, renseigne M. Niang.

‘’Une menace pour l’État’’

Dans le montage de ces projets, l’expertise de l’équipe-projet doit être de mise, invite le ministre de la Promotion des investissements, des Partenariats et du Développement des Télé services de l’Etat. D’après Khoudia Mbaye, qui a présidé hier l’ouverture de ce séminaire, il faut nécessairement, pour éviter de tomber dans ces pièges, travailler sur l’amélioration de la qualité des ressources humaines et du cadre législatif et réglementaire, ainsi que la rationalisation des organes intervenant dans les montages des partenariats publics-privés. ‘’Les PPP ne sont que des instruments. S’ils ne sont pas manipulés avec des mains d’experts formés, ils ont le don de se transformer en une véritable menace pour l’Etat. D’où l’intérêt de mettre en place les outils de mitigation des risques appropriés ainsi que des stratégies de nature à favoriser le transfert de technologies pour susciter une participation massive de nos entreprises domestiques à ces types de projets’’, dit-elle.

Quoi qu’il en soit, l’exemple du prolongement de l’autoroute à péage de Diamniadio à Mbour en est une parfaite illustration des risques de ces types de projets. L’ouvrage réalisé par Eiffage n’est pas encore ouvert au trafic. Dans une de ses éditions, le journal Le Quotidien révélait que le concessionnaire, la société Senac, a fixé les tarifs du péage à un prix jugé exorbitant, or l’Etat n’a pas la possibilité de lui faire revenir à la raison, à cause d’un ‘’contrat léonin’’ qu’il avait signé avec l’entreprise.

MARCHÉ DU TRAIN EXPRESS RÉGIONAL

Ce qui s’est réellement passé

En marge du séminaire de formation sur les partenariats public-privé (PPP) et les délégations de service public (DSP) à l’intention des membres du Réseau africain des Institutions de régulation et de contrôle des marchés, le Directeur de l’ARMP est revenu sur le marché du Train express régional qui a été provisoirement accordé au groupement Eiffage/Sénégal, Eiffage/GC, Merkez/CSE. Mais à la suite d’un recours déposé par l’entreprise chinoise China Railway Construction Corporation, l’attribution a été cassée. Interpellé sur cette affaire, Saër Niang révèle que ‘’la décision a été simplement de revoir l’attribution provisoire et de reprendre l’évaluation du projet’’. Hormis cela, dit-il, ‘’il n’y a pas un véritable problème’’.

‘’Nous avons fait droit à quelques griefs du plaignant et nous avons demandé à l’autre contractant de regarder les points qui ont été soulevés pour ne pas dire que le contractant à tord et que le plaignant à raison. Après, on dit qu’il a fait mention de tel et tel aspect dans l’évaluation et vous avez le devoir de revoir ces aspects et de les approfondir’’, explique-t-il.

ALIOU NGAMBY NDIAYE

 

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