“Écrire nous mène vers ce qui nous dépasse…''
Pathé Dièye est poète-slameur, romancier et blogueur. Il se fait distinguer dans toutes les disciplines grâce à son talent hors pair. Portrait de l'auteur du livre ‘’J’ai écrit un roman, je ne sais pas de quoi ça parle’' !
Dès que vous le voyez, vous saurez qu'il a quelque chose en commun avec le brillant capitaine Mamadou Dièye, l'ex-officier viré des forces armées sénégalaises. Lui, c'est Pathé Dièye. Les deux frères se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Au-delà des traits physiques, il y a le côté intellectuel.
En effet, Pathé Dièye est poète-slameur, romancier et blogueur. L'aptitude d’un enfant à s’émerveiller face à son grand frère a poussé l’auteur du livre ‘’J’ai écrit un roman, je ne sais pas de quoi ça parle’’ à prendre la plume. ‘’Je voulais juste lui ressembler. Point final. Lorsque je faisais mes premiers textes, je ne savais même pas ce qu’est la poésie. Je lui remettais toujours mes ratures pour correction et j’ai écrit de la classe de CM1 à la classe de seconde pour avoir mon premier ‘C’est bien, ce texte est bien écrit’’’, relate le jeune homme qui est connu pour sa belle plume, son éloquence et son élégance.
Ainsi, à côté de ce frère-maître, aîné-lanterne, Pathé Dièye a appris à manier une langue, mais aussi à être patient. ‘’J’écris encore pour garder l’enfant en moi, continuer à m’émerveiller face aux choses invisibles de la vie et face à l’amour fraternel’’, dit celui qui signe sous le pseudonyme de Patherson.
Par rapport à ce pseudonyme, il souligne que ce n’est ni une sophistication ni le besoin de suivre une tendance consistant à avoir un nom qui sonne américain. C’est le fruit d’une longue histoire d’amitié et d’affection avec une personne qui faisait dix fois son âge, lorsqu’il la rencontrait. ‘’Je dis affectueusement que c’est le grand-père que la rue m’a donné. Pa Mbengue, il s’appelait. Sur le chemin de l’école coranique, nous le croisions toujours en face de sa maison, sur sa chaise, en train de lire le journal ou de jouer aux mots fléchés. Au début, on passait en le saluant. Avec le temps, une familiarité se construisait entre des enfants de 8 ans et un octogénaire passionné de partage. Donc, nous restions souvent quelques minutes à ses côtés pour jouer aux mots fléchés avec lui et parfois, c’était une occasion pour lui de nous raconter des anecdotes de sa jeunesse’’, relate Pathé Dièye.
‘’Du football aux arts martiaux qu’il pratiquait, il m’a transmis de ce cocktail l’amour des mots. Un jour, il me demanda l’origine de mon prénom Pathé. Je suis l’homonyme de mon grand-père paternel, rétorquai-je. Il rebondit en ces termes, sur un ton taquin : ‘Donc, tu es Pathé the son’, signifiant Pathé le fils. C’est ce jeu de mots qui a donné ‘Patherson’ que je porte sur scène par affection et en hommage à ce grand-père ramassé dans la rue’’, poursuit-il.
Produit du Prytanée militaire de Saint-Louis
Pathé Dièye était élève au Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis qui a été une belle fabrique de sa plume. ‘’Nous avons dans ce moule un journal trimestriel appelé la ‘Voix de l’Enfant de Troupe’ communément appelé la VET. J’ai eu la chance de saisir cette belle tribune pour partager avec un large public mes premiers poèmes et textes de réflexion sur divers sujets. La ‘VET’ m’a donné la conscience qu’écrire nous mène vers ce qui nous dépasse, ce qu’on ne contrôle pas’’, explique-t-il.
À côté, il faisait du théâtre à l’école. Cela lui a permis de faire ses premiers pas sur scène et de découvrir ses atouts d’acteur. Quid du slam ? ‘’Naturellement, en allant vers le slam, j’arrivais en étant un habitué des scènes grâce au théâtre et au ‘Débattons’’’, soutient Patherson qui faisait partie de l’équipe de ‘’Débattons’’ du Prytanée aussi.
Donc, souligne-t-il, ''mon passage dans ce lycée militaire d’excellence m’a appris à être toujours dans la pluridisciplinarité et la transversalité dans tout ce que je fais. Je ne me laisse pas définir par une discipline, je navigue entre elles pour aller vers les surprises de l’inattendu'', indique Patherson.
''J'avais besoin d’une plume de plus, j’ai trouvé la voix…''
Son talent a été surtout révélé au public grâce à ''Silence des rimes'', son blog créé après l'obtention du Bac au Prytanée. Le blogueur publiait et partageait ses premiers textes sur les réseaux sociaux. ''Durant mes premiers pas dans le blogging, j’avais senti le besoin de toucher un autre public, celui qui ne lit pas ou qui lit autrement. J’ai commencé à lire mes textes à haute voix. Ensuite, ma rencontre avec le ‘Vendredi Slam’ m’a permis de mieux connaître cet art et de découvrir des techniques pour améliorer mon style'', explique le slameur au verbe facile qui aborde des thèmes que lui offre la nature. Pour lui, le slam et la poésie sont deux strophes d’un même poème.
Il y a, relève Patherson, un grand débat sur les différences, et c’est légitime, car la poésie est un genre littéraire, d’abord. ''Mais dans mon processus d’écriture et mon rapport avec cet art, j’écris d’abord un poème ou un texte poétique et c’est ce produit que je déclame. Mon slam, c’est mon poème déclamé. À la place des frontières, je vis des voies de continuation'', indique-t-il. Interpellé sur l'utilisation des instruments de musique dans le slam, il dit : ''Il y a un slam qui se veut puriste ou de compétition qui est chronométré et qui ne fait intervenir que la voix. Cela a ses charmes, mais tout art, pour survivre et aller conquérir d’autres publics, a besoin de réinventer ses sonorités.’’
''L’introduction des instruments de musique, s’ils sont bien choisis, ajoute de la couleur à cet art et peut élargir les horizons. L’essentiel, c’est que l’instrumental ne noie pas le message et la poéticité du texte déclamé. Quand c’est bien fait, encore une fois, je l’appelle tout simplement une heureuse innovation. Un souffle de plus'', soutient le jeune Dièye, capitaine dans le domaine des lettres.
BABACAR SY SEYE