Une trentaine de danseurs traditionnels formés
Permettre à de jeunes amoureux de la danse d’être plus performants, est le vœu de trois chorégraphes professionnels : Omar Sène, Gacirah Diagne et André Dramé. Ils ont encadré trente jeunes dans cette optique.
Du 3 au 5 janvier, le centre culturel régional Blaise Senghor de Dakar a accueilli un stage de formation de danse professionnelle. Une trentaine de jeunes en ont profité. Selon la présidente de l’association Kay Fecc, Gacirah Diagne, l’une des initiateurs de cet atelier, on ne peut penser devenir un danseur professionnel et/ou un artiste sans passer par la formation. Elle assure que le besoin est là et dans toutes les disciplines. ‘’On a beaucoup de jeunes qui aspirent à devenir danseurs ou qui se disent danseurs, mais il faudra qu’ils puissent être initiés à différentes techniques. C’est la base. Les jeunes doivent s’ouvrir, faire un brassage qui leur permettra de se spécialiser et d’aller vers l’innovation.
Les ressources sont là pour créer de nouvelles conditions. Donc, ils doivent s’ouvrir et s’inspirer des autres’’, a dit Mme Diagne. Elle a défini la danse africaine moderne comme étant une mémoire qui émane d’un contexte particulier et qui a plusieurs fonctions, allant de la thérapie, de la spiritualité, du quotidien et qui évolue avec le temps. ‘’Trois jours de formation, c’est peu, très peu, mais on a quand même pu toucher une trentaine de jeunes. Nous voulons établir des choses sur le long terme. On pourrait organiser des formations, avec même un diplôme à la fin. Ceci prouvera que c’est officiel. Nous attendons d’eux qu’ils continuent à faire des recherches, qu’ils se projettent dans leur carrière. Il faut qu’ils restent ouverts et curieux’’, poursuit-elle.
Un des formateurs, danseur et chorégraphe de son état, Oumar Sène, lui, veut organiser des formations en danse africaine, car il dit avoir constaté qu’il y a un nivellement vers le bas. ‘’Il n’y a plus les formations qu’il faut en ballet comme en danse traditionnelle. Les jeunes ont besoin d’être encadrés et qu’on crée des lieux où ils puissent vivre leur passion. La construction de résidences de formation s’impose. On veut les pousser à être au niveau des danseurs internationaux. Ainsi, ils pourront montrer leur création et mieux promouvoir ce qu’ils font’’, a expliqué le danseur. Oumar Sène affirme que l’art ne nourrit plus son homme, dans la mesure où il n’y a pas de supports qui permettent aux danseurs de rester au Sénégal. ‘’Vous avez constaté qu’ils sont dans l’obligation de sortir du pays. N’eussent été les stages, on ne parlerait plus de danse professionnelle depuis bien longtemps. Les animateurs culturels doivent créer des espaces pour faire vivre la danse.
Nous avons besoin de cela. La création et l’animation ne permettent pas d’avoir de l’argent. On forme certes, mais cela ne suffit pas. Le public aussi ne suit pas. Le paradoxe, dans ce pays, est que dans les rares festivals qui existent, les organisateurs préfèrent des danseurs étrangers et nous laissent de côté, alors que nous pouvons faire ce que font ces derniers’’, dit-il l’air désolé. ‘’Nous n’avons pas assez de salles pour répéter. On ne respecte pas les gens qui sont dans le secteur, contrairement en Europe où on sait c’est quoi la culture.
C’est dommage. Un danseur professionnel doit répéter 8 heures par jour, mais ici c’est 2 heures. Il n’aura pas le temps d’échauffer son corps, d’être précis dans les chorégraphies’’, s’est, à son tour, attristé son collègue André Dramé. Ils souhaitent que l’Etat les soutienne davantage à travers des résidences de création, des plateformes où les danseurs pourront se produire. Il faudra donner à la danse la place qu’elle mérite, surtout qu’au Sénégal existe une cinquantaine de compagnies et de ballets.
‘’Beaucoup de danseurs n’ont pas le courage d’aller apprendre’’
Mais à quoi servira ce soutien, si beaucoup parmi ces artistes refusent d’aller se faire former ? Etabli en Suisse depuis quelques années, le danseur et chorégraphe sénégalais André Dramé regrette cet état de fait. ‘’Eu égard à mon expérience, je sais que beaucoup de danseurs n’ont pas le courage d’aller apprendre. Ils se limitent au strict minimum. Il faut qu’ils sortent pour aller apprendre autre chose. Le secteur évolue ; il faut savoir se mettre à niveau. ‘’Il faut avoir la modestie d’apprendre. Se limiter à ce qu’on a appris dans la rue ne peut pas nous apporter grand-chose’’, a-t-il déclaré. Cela n’impliquerait pas forcément de quitter le pays.
‘’Il y a beaucoup d’ethnies au Sénégal et chacune a sa danse. Il n’y a pas que le ‘sabar’ qui est là’’, a-t-il expliqué, invitant ainsi ses collègues à tenter autre chose. Ce repli sur soi est une tare à laquelle s’ajoute une autre de taille : la totale méconnaissance de son corps. ‘’Connaître son corps est une chose importante dans ce milieu, car c’est un outil de travail. On ne peut être un danseur si on ne sait pas commander son corps. Cela est un problème qui existe’’, a dit M. Dramé. Pour qui il est au Sénégal pour apprendre aux danseurs la technique de la danse africaine, puisque les directeurs artistiques n’ont pas le temps de former les jeunes. ‘’Il faut leur enseigner la précision dans les figures, comment la danse passe par le corps. Il faut que les danseurs sachent comment maitriser leur corps’’, a conclu le chorégraphe.
CHEIKH THIAM