Publié le 6 Oct 2023 - 22:57
PRÉSIDENTIELLE 2024

Un air “jeune” et technocrate

 

D’Anta Babacar Ngom à Amadou Ba, en passant par Ousmane Sonko, Karim Wade, Pape Djibril Fall, Abdourahmane Diouf, Déthié Fall, Bougane Guèye Dani et Malick Gakou, entre autres candidats à la candidature, la prochaine Présidentielle s’annonce encore plus jeune, moins politicienne, avec de nouvelles offres politiques. À côté de ces jeunes loups aux dents longues, il faudra également compter sur de vieux-jeunes comme Khalifa Ababacar Sall et Idrissa Seck. Tous, sauf l’ancien maire de Thiès qui en est à sa 4e tentative, seront candidats pour la première fois, s’ils arrivent à passer le cap des parrainages.

 

Nous sommes loin de l’époque où l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, répondait à ses détracteurs qu’il est prêt à aller à la retraite, mais avec Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Amath Dansokho et Abdoulaye Bathily. En d’autres termes, cette classe d’hommes politiques qui étaient encore là avec lui sous le règne du président-poète Léopold Sédar Senghor. Cette ambition, Wade l’avait réitérée plusieurs fois avant et après la Présidentielle de 2012.

Plus de dix ans plus tard, on peut dire, sans risque de se tromper, que son rêve est en passe de devenir réalité. Des dinosaures de l’ère senghorienne, il ne reste, parmi les candidats sérieux, que Khalifa Ababacar Sall, qui va briguer le suffrage des Sénégalais le 25 février 2024. Tous les autres ont été envoyés à la retraite non pas par Wade comme il l’avait souhaité, mais plus par Macky Sall, avec notamment sa fameuse loi fixant l’âge plafond pour être candidat à la Présidentielle.

Cette réforme, adoptée à travers le référendum de 2016, a définitivement mis un terme au rêve présidentiel de Moustapha Niasse et de tant d’autres. Pour refuser d’être ensevelis avec les rêves de leurs mentors, de jeunes ambitieux ont émergé aussi bien du Parti socialiste que de l’Alliance des forces de progrès. Parmi eux, on peut citer Khalifa Ababacar Sall pour le PS, mais aussi Alioune Sarr pour l’AFP. Tous deux ont dû réaliser des parricides pour voler de leurs propres ailes. La Présidentielle 2024 sera leur baptême du feu, s’ils réussissent au parrainage.

Interpellé, le directeur exécutif de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé, invoque des facteurs politiques, sociologiques et juridiques pour expliquer le phénomène. ‘’La classe politique se renouvelle tous les 20-25 ans. Senghor a fait 20 ans et a eu l’intelligence de quitter. Diouf a fait 20 ans et a été renversé. Chaque fois qu’ils partent, on ne fait pas attention, mais ils partent aussi avec les gens de leurs générations. Wade est presque une exception. Encore qu’il a eu la chance de remporter les élections après 20 ans d’opposition avec Diouf, environ six ans contre Senghor. Vous voyez qu’on est toujours dans le cycle 20-25 ans. Et c’est tout à fait normal, c’est corolaire au renouvellement des générations. Au-delà, c’est l’usure’’.

S’y ajoute, selon le membre du Comité de pilotage du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE), qu’il y a le profil même de l’électorat qui change presque tous les 20 ans, avec de nouveaux votants qui arrivent dans le fichier, dans la vie politique et publique. Même si tous ne votent pas, leur influence est extraordinaire, prévient le représentant de la société civile. ‘’Cette génération (la jeunesse), insiste-t-il, est très impliquée, très engagée. Et c’est eux qui occupent la rue ; c’est eux qui sont dans l’espace public. Avant, l’engagement des jeunes était plus ponctuel, le temps, par exemple, d’une élection. Aujourd’hui, cet engagement est non seulement plus important, mais s’exerce de manière permanente, notamment à travers les réseaux sociaux. Leur influence est donc plus importante’’.

‘’Aujourd’hui, on ne peut plus parler de politique sans les jeunes’’

Dès lors, il n’est pas étonnant que ceux qui sont parvenus à les convaincre réussissent à s’imposer dans l’espace politique. ‘’Les autres sont en déphasage’’, analyse Moundiaye, qui ajoute : ‘’Aujourd’hui, on ne peut plus parler de politique sans les jeunes. Et ces derniers se reconnaissent plus dans le discours des plus jeunes. C’est la force de quelqu’un comme Ousmane Sonko. J’aurais pu également citer Taxawu. Khalifa Sall est le leader, mais on a l’impression que Barth lui ravit la vedette. Les partis traditionnels doivent obligatoirement s’adapter ou disparaitre. On oublie presque des partis comme AJ – Landing comme Decroix. Le processus est inéluctable et c’est une excellente chose’’, soutient le directeur exécutif de 3D qui n’a pas manqué de revenir sur l’âge limite de 75 ans pour saluer la mesure.

A l’entendre parler, on est tenté de croire que cette limitation a été comme une aubaine, une possibilité de mettre en selle tous ces jeunes qui sont dans les partis et qui parvenaient difficilement à briller devant des dirigeants éternels. ‘’Depuis la réforme, 70 ans est devenu l’âge de la dernière chance. La mesure a ainsi contribué à l’émergence de nouvelles têtes dans les partis politiques. Ceux des partis qui ne le comprennent pas encore vont vers une mort certaine’’, prédit le membre de la société civile.

Au-delà de la sphère des partis politiques, la mesure a engendré une sorte d’émulation ; la politique n’étant plus cette chasse gardée de quelques vieillards et caciques de la politique politicienne traditionnelle. Des dinosaures prenant leur retraite, ils libèrent de l’espace dans lequel de jeunes loups aux trajectoires très différentes n’hésitent pas de s’engouffrer. Ils viennent de toutes les sphères : économiques, diaspora, haute administration. Et depuis 2012, cette race de nouveaux politiciens ne cesse de se démultiplier.

Un nouveau type de discours

La Présidentielle de 2024 risque d’être une sorte d’apothéose. Le patron de 3D explique : ‘’Les gens savent que c’est possible d’arriver au pouvoir par les élections. Avant, certains n’y croyaient pas ; ils pensaient que les élections étaient un simulacre. Mais après une première alternance en 2000, puis une deuxième en 2012, pour 2024, c’est sûr qu’il y aura un nouveau président. À partir de là, les gens se disent pourquoi pas ? Tous ceux qui ont des ambitions pour leur pays et qui pensent en avoir les moyens auront le courage d’y aller. Malheureusement, cela va aussi avec les excès, c’est-à-dire ces candidatures fantoches. Mais ça peut se gérer par une jonction entre la caution citoyenne qu’est le parrainage et la caution financière de 30 millions.’’

Pour la Présidentielle de 2024, il n’y a pas que l’alternance générationnelle et celle sur les profils et parcours des aspirants au pouvoir. C’est aussi un nouveau type de discours qui émerge.

En effet, si Wade est arrivé au pouvoir avec le slogan ‘’Sopi’’ (changement en wolof), Macky Sall avec un discours essentiellement basé sur la transparence à travers le slogan ‘’Gouvernance sobre et vertueuse’’, pour 2024, il est surtout question de système avec ses implications, souveraineté avec ce que cela implique, panafricanisme, justice… mais aussi de rassemblement ou de réconciliation en tenant compte des bouleversements très profonds notés dernièrement dans le pays.

Pour Moundiaye Cissé, les idéologies sont mortes, les jeunes attendent un autre type de discours basé sur du concret, la prise en charge de leurs préoccupations réelles. ‘’L’ère des idéologies est révolue. C’est l’ère du concret, de la rupture, d’une alternative véritable. Le libéralisme, le socialisme, le marxisme… c’est le cadet des soucis de ces jeunes qui constituent la frange la plus importante de la population’’.

RAPPEL

En 2012, le refus, par Wade, de céder le témoin, avait été un prétexte pour beaucoup de ses anciens collaborateurs de prendre leurs distances, accusant leur ex-patron de vouloir céder le Parti démocratique sénégalais sur un plateau d’argent à son fils Karim Wade. A l’époque, pour se défendre, Abdoulaye Wade prétendait vouloir emporter Niasse, Tanor et Cie avec lui avant de quitter la scène.

‘’Maitre Abdoulaye Wade ne veut pas prendre sa retraite politique sans être accompagné par la vieille garde, notamment Moustapha Niass, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily et Amath Dansokho’’, peut-on encore lire dans un article posté sur le site Dakaractu le 14 mai 2012, intitulé ‘’Les confessions de Me Wade devant ses partisans : qu’ils aillent tous à la retraite’’. Le portail de citer le journal ‘’L’Office’’ qui rapportait les propos d’un responsable libéral.

‘’C’est l’unique but qui l’a poussé à se présenter à nouveau (en tant que tête de liste du PDS aux Législatives de 2012). En homme de défis, le président Wade n’est pas prêt à abdiquer. Il suivra sa logique jusqu’au bout. D’ailleurs, durant la campagne électorale, il n’a de cesse de répéter cette ambition qui lui tient à cœur’’, écrivait le journal, invoquant comme fondement de cette décision la présence de Niasse à la tête de la liste de Benno Bokk Yaakaar, Ousmane Tanor Dieng tête de liste dans le département de Mbour.  

‘’Lorsque Wade a eu connaissance des listes de Benno Bokk Yaakaar, il a convoqué séance tenante des responsables libéraux qui lui sont toujours favorables. Très révolté par les positions de Moustapha Niasse et d’Ousmane Tanor, il a dit d’une voix triste : ‘Il faut qu’ils (les responsables de Benno) aillent tous à la retraite, c’est mon seul souhait.’’’. D’autres diront que c’était juste un excellent alibi, mais toujours est-il qu’aujourd’hui, tout ce beau monde, pour ceux qui sont encore en vie, ne sont que des figurants sur la scène politique sénégalaise.

MOR AMAR

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