Un Khalifa isolé
Isolé par Yewwi Askan Wi, éloigné de son principal allié Serigne Moustapha Sy, rejeté par le Parti socialiste et les principales forces de gauche, sans appareil fort, Khalifa Ababacar Sall voit ses chances de succès à la Présidentielle de 2024 s’amenuiser. À moins que les éventuels recalés du parrainage lui donnent un second souffle.
Deux béliers ne s’abreuvent pas dans une même source, enseigne un proverbe wolof. La bagarre qui peut en résulter peut laisser des séquelles néfastes. À la source de Yewwi Askan Wi, deux gros béliers, Pastef et Taxawu, ont longtemps essayé de s’abreuver, dans le respect mutuel. Cela s’est terminé par une bataille épique. Un affrontement qui semble avoir tourné à l’avantage de l’ex-parti.
La plupart des membres de la coalition, en effet, se sont positionnés derrière Ousmane Sonko contre Khalifa Ababacar Sall. À Taxawu, les responsables prennent acte, même s’ils ne veulent pas, pour le moment, être désobligeants, pour ne pas s’aliéner définitivement des soutiens qui sont loin d’être perdus à jamais. ‘’Pour le moment, comme vous pouvez le constater, rien n’est définitif. Certains semblent effectivement jouer le jeu de Pastef, mais c’est par pur opportunisme. Il faudra attendre la liste des candidatures pour avoir une lisibilité, pour déterminer qui est avec qui et qui n’est pas avec qui’’, prévient ce proche de Khalifa.
Selon lui, dans cette coalition de l’opposition, il n’y a, en réalité, que deux personnes qui croient réellement en leurs chances de gagner à la Présidentielle de 2024. C’est Khalifa Ababacar Sall et Ousmane Sonko. Tous les autres, insiste-t-il, veulent juste être dans le camp victorieux. Et ils pensent que c’est Sonko qui est le plus proche de la victoire, le mieux placé dans l’opposition. ‘’Parce qu’il faut aussi être honnête et reconnaitre les forces de l’autre. Durant toute la campagne pour les Législatives et même après, partout, les foules scandaient le nom de Sonko. Il faut aussi reconnaitre qu’à un moment, Khalifa, et c’est sa nature, peut-être son défaut, même s’il était le président de la coalition, a accepté de s’effacer, par humilité et par modestie, pour laisser Ousmane Sonko jouer les premiers rôles’’, analyse notre interlocuteur, qui ajoute : ‘’Il ne faut pas non plus oublier que c’est Yewwi Askan Wi, initiée par Khalifa Sall, qui a fait de Sonko ce qu’il est aujourd’hui. Avant Yewwi, Sonko ne représentait pas ce qu’il représente actuellement.’’
Dans tous les cas, au niveau de la coalition dont il se réclame le géniteur, Khalifa semble seul contre tous. À Taxawu, on tente de réfuter et peste qu’il faut plutôt dire ‘’mouvement de soutien à Sonko’’. ‘’D’ailleurs, tous les communiqués qui sont publiés depuis un certain temps sortent directement des officines de Pastef. Les autres ne disent rien, simplement pour les raisons que j’ai avancées plus haut ; de l’opportunisme et on les comprend’’, rouspète notre interlocuteur.
Au-delà de la coalition Yewwi Askan Wi, il faut dire que l’ancien maire de Dakar ne fait pas du tout rêver. À quatre mois de la Présidentielle, il n’y a aucune ruée vers sa candidature, malgré la tournée entamée depuis quelques mois, malgré les appels incessants en direction des partis et mouvements de gauche.
Mais chez ses partisans, l’on reste très optimiste et promet des nouvelles qui ne manqueront pas de surprendre beaucoup d’observateurs. ‘’De très grandes personnalités politiques, toutes obédiences confondues, ont manifesté leur volonté de soutenir la candidature de Khalifa. Mais nous ne voulons pas communiquer pour le moment sur cette question ; c’est par pure stratégie. Je vous le jure, vous serez tous surpris de la grande alliance autour de notre candidat’’, lâche le proche de Khalifa Sall qui jure de ne pouvoir en dire plus, parce que l’organisation en a décidé ainsi.
Vers une foire aux enchères à Yewwi Askan Wi
Dans sa quête d’une victoire au soir du 25 février 2025, Khalifa Sall avait pendant longtemps misé sur ses ex-camarades du Parti socialiste. Il n’a eu de cesse de lancer des appels à l’endroit de ces derniers, pour les inviter à le rejoindre dans la course à la succession du président Sall. Mais jusque-là, il ne semble pas y avoir de ruée. La candidature de Khalifa ne semble pas si attractive pour entrainer une adhésion massive des militantes et militants de gauche. Même si les ‘’khalifistes’’ tentent de convaincre du contraire, en affirmant qu’il n’y a pas mal de responsables à la base qui ont décidé de se battre aux côtés de leur leader et que d’autres vont suivre.
Jusque-là, les principaux responsables socialistes et de gauche restent mobilisés autour du candidat de Benno Bokk Yaakaar, avec les figures que sont Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès et ancien président de l’Assemblée nationale ; Aminata Mbengue Ndiaye, SG du Parti socialiste et présidente du Haut conseil des collectivités territoriales, Samba Sy ; SG du Parti de l’indépendance et du travail ; Nicolas Ndiaye, SG de la LD, pour ne citer que les leaders des plus grandes formations.
En sus de l’absence de soutien de taille, Khalifa et Taxawu risquent également de souffrir d’un défaut d’appareil fort, contrairement à leurs principaux adversaires que sont Amadou Ba et le redoutable BBY, Ousmane Sonko et Pastef, Karim Wade et le Parti démocratique sénégalais.
Il serait toutefois très prématuré de faire des pronostics, si l’on sait qu’avec le parrainage, beaucoup de candidats à la candidature pourraient quitter la piste. Et Khalifa Sall a de grandes chances de capter parmi ces éventuels recalés du parrainage qui ont des contentieux profonds avec l’ex-Pastef.
De plus, même au sein de Yewwi, tout dépendra des profils qualifiés pour participer à la prochaine Présidentielle. Si Ousmane Sonko passe, il y a de fortes chances qu’il bénéficie d’un soutien massif. Mais au cas où sa candidature est rejetée, il n’y a aucun profil dans Pastef qui pourrait faire l’unanimité.