‘’Il est inadmissible de laisser faire ce qui est en train de se passer’’
Combattre le tabagisme en mettant l’accent sur les jeunes qui fument à bas-âge, pour lutter contre le fléau. C’est le nouveau cheval de bataille du cancérologue, le Pr. Abdoul Aziz Kassé, qui met en garde contre l’encens (‘’thiouraye’’) qui se révèle être un cancérigène.
En prélude à la Journée mondiale de lutte sans tabac prévue ce 31 mai, les acteurs de la lutte antitabac au Sénégal, en collaboration avec la direction du collège Sacré-Cœur ont organisé, hier, une journée de sensibilisation. Lors de cette activité, le cancérologue et président de l’association Prévenir a rappelé qu’en 2015, suite au vote de la loi sur le tabac, ils se sont aperçus que sur 600 000 Sénégalais qui fumaient, la moitié allait mourir. Il fallait tout faire, selon le Pr. Abdoul Aziz Kassé, pour que ceux qui fument ne se multiplient pas.
D’après lui, 92 % de cette étude avait montré que ceux qui fumaient avaient commencé à l’âge secondaire. D’où l’intérêt, selon lui, de se concentrer à ce niveau pour arrêter l’hémorragie. ‘’C’est pourquoi nous avons commencé avec le collège Sacré-Cœur. Nous nous battions contre le tabac dans la pipe, le cigare fumé et différents produits. Aujourd’hui, différentes industries et différents investisseurs sénégalais venant de Turquie, du Liban, du Proche et du Moyen-Orient, de la Chine, de l’Inde ont introduit de nouvelles formes de tabagisme qu’on appelle la cigarette électronique et le puff chez les enfants. Il est inadmissible de laisser faire ce qui est en train de se passer. Dans la loi de 2014, ces produits n’y figuraient pas. Il est temps de réglementer l’entrée de ces nouveaux produits au Sénégal. La chicha, qui existe depuis quelque temps, a été aussi un objet de communication vers des enfants et ce qui fait qu’après la cigarette et avant toutes les formes de délivrance, c’est le tabac électronique et la chicha qui sont les premières causes d’entrée en tabagisme’’, confie le cancérologue.
Pour y arriver, il faut, selon lui, interdire l’utilisation de la chicha qui est introduite par des ‘’djihadistes’’ qui s’enrichissent du commerce de la chicha. ‘’Le Mali a pris une position courageuse qui est d’interdire la vente et l’utilisation de la chicha. La Docrtis et les autorités ont identifié des dérivés du cannabis et des drogues sous la forme de THC et Live Rising. N’attendons pas que la dernière de ces drogues qu’on appelle ‘zombi’ arrive au Sénégal. Il est temps, il est encore temps de réguler. Les enseignants qui fument dans les écoles sont en marge de la loi. La loi dit qu'il est interdit de fumer dans tous les lieux publics, y compris les établissements scolaires et universitaires. Et tout fumeur qui fume est en train de violer la loi. Il est interdit, à 200 m des écoles, de vendre du tabac ou des dérivés du tabac. On s’est aperçu qu’au lycée Jean Mermoz, des gens venaient proposer à des enfants des formes alternatives d’usage du tabagisme. C'est scandaleux ! Pour les produits émergents qui ne sont pas pris en compte par la loi, le Secrétariat général du gouvernement a convoqué une réunion avec tous les acteurs pour voir comment modifier la loi’’, renseigne-t-il.
‘’L’encens (‘thiouraye’) est un cancérigène’’
Une fois les modifications effectuées, il annonce qu’ils iront au Parlement pour demander aux députés de prendre leurs responsabilités. Et le chef de l’État sera invité à promulguer la nouvelle loi et à signer les décrets d’application et les arrêtés ministériels. ‘’Rien que le charbon sans rien dessus est un cancérigène. Il produit de la fumée dans laquelle il y a une phase gazeuse et une phase particulière. Si en plus, on y met de l’encens qui est un mélange d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. En y ajoutant du parfum gras et des fleurs odorantes, ces produits de combustion favorisent la fabrication de goudron et il y a une soixantaine de produits qui donnent du cancer. Et comment ça se passe ? Dès l’enfance, on dit que la chambre des enfants sent le pipi. L’enfant est donc exposé à l’encens très jeune. A l'adolescence, les demoiselles, pour agrémenter leur espace, mettent de l’encens pendant le froid, ça rapporte la chaleur et le parfum. Mon propre père est mort d’un cancer, parce que beaucoup pensent que c’est recommandé d’effectuer le ‘wird’ avec de l’encens autour. Il n’a jamais bu d’alcool, mais l’encens était en permanence dans son secteur’’, raconte-t-il.
Avant d’ajouter : ‘’J’ai fait une étude avec deux de mes anciens collaborateurs qui ont prouvé que l’encens (‘thiouraye’) est un cancérigène. Je n’ai pas été le seul à le dire, c’était repris par le Centre international de recherche sur le cancer montrant que toutes les fumées domestiques étaient des cancérigènes.’’
Le théâtre pour une meilleure sensibilisation
Les élèves ont, eux, émis une idée de lutte contre le tabac. Awa Diagne, en première L, propose le théâtre pour une meilleure sensibilisation sur l'effet du tabac et de ses dérivés. Ainsi, ils pourraient aider les gens à comprendre combien c'est dangereux, au lieu de perdre du temps dans des futilités comme les Novelas et autres films qui ne les enseignent rien. ‘’Pourquoi ne pas être ambassadeur auprès des nôtres ? C'est-à-dire commencer à sensibiliser autour de nous'’, propose-t-elle.
Le Pr. Kassé de terminer : ‘’Pour le message à la jeunesse, j'invite à éviter le suivisme. Ce n'est pas parce que beaucoup de gens s'adonnent à la chicha, en font une mode, que c'est bien. Il faut partir avec l'esprit et non suivre l'engouement. Il faut penser aux conséquences plus tard. C'est votre avenir que vous ruinez et ce ne seront pas les gens que vous cherchiez à épater qui vont souffrir à votre place. J'invite aussi les gouvernements à faire plus d'efforts en accompagnant les campagnes de sensibilisation sur l'application des textes, surtout du côté des jeunes qui représentent l'avenir.’’
CHEIKH THIAM