Des mécanismes de fraude dans le processus électoral
Les élections constituent ‘’l’hypothèque la plus sérieuse qui pèse sur les fragiles démocraties africaines dont le Sénégal est’’, a déclaré vendredi l’administrateur civil de classe exceptionnelle Mamadou Ibrahima Lo, lors du dîner-débat organisé par l’Amicale des administrateurs civils du Sénégal (ACA). Le gouverneur de Diourbel reprenait ainsi une assertion du professeur de droit Alioune Sall, pour dire que le Sénégal est à la croisée des chemins et a rendez-vous avec l’histoire, le 26 février 2012.
Cette présidentielle ne faisant pas exception, il a noté ‘’cette récurrence de la tension et de la controverse quasi consubstantielles à chaque échéance électorale’’. Invité à communiquer sur ‘’Les rôles, responsabilités et comportements des acteurs’’, le gouverneur de la région de Diourbel a été formel : ‘‘ce sont les préfets et les sous-préfets qui sont au commande en matière électorale’’.
Il n’a pas manqué de dénoncer la sortie de Khoureychi Thiam sur les ‘’gouverneurs wadistes‘’. ‘’Beaucoup de contre-vérités, d’amalgames, de certitudes erronées, de mauvaise foi, dira-t-il, entourent le pilotage du processus électoral au point de contribuer à entretenir un climat délétère porteur de germes de graves troubles sociaux ou de jeter l’opprobre sur certains acteurs du jeu électoral’'.
Un autre sujet participe à installer une situation délétère : la justice constitutionnelle. Le professeur Abdoulaye Dièye a indiqué que ‘’le Sénégal est le seul pays au monde où tous les membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République’’. Cette incongruité, explique le professeur de Droit public, donne ‘’l’impression d’une justice aux ordres’’, d’où ‘’le sentiment de malaise et les critiques à l’égard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel’’. Selon Dièye, le juge constitutionnel ne peut susciter confiance que s’il jouit d’une réelle indépendance.
‘’Toute une panoplie de stratégies de confiscation du pouvoir’’
Si le gouverneur Lo est convaincu que ‘’la pérennité du label démocratique Sénégal sera conditionnée par le comportement responsable de tous les acteurs engagés dans le processus électoral’’, Abdoulaye Dièye a montré que ‘’toute une panoplie de mécanismes préélectoraux, tactiques et stratégies de confiscation du pouvoir politique est mise en œuvre’’. Ainsi, la tentative de modification constitutionnelle visant à abaisser la majorité requise pour passer au premier tour entre dans cette ''logique frauduleuse''.
Les omissions et erreurs volontaires dans les fichiers, les radiations abusives, ou encore le retard intentionnel dans la mise en place du matériel électoral dans les zones favorables, l’ouverture tardive des bureaux de vote et la rétention de bulletins de vote de certains candidats, constituent autant de mécanismes de fraude en cours en Afrique. D’où le rôle prépondérant de l’administration territoriale dans la régularité du scrutin, rappelé par le gouverneur de Diourbel.
A l’intention de ses congénères, Ibrahima Guèye, président de l’ACA, a demandé de rester ‘’à équidistance des chapelles politiques’’ et de ‘’veiller à la crédibilité des institutions’’, même s’il considère que l’obligation de réserve assujettie aux administrateurs civils est ‘’abusive’’.
Gaston COLY