Défi de l’Economie réelle

Dans un article précédent nous évoquions entre autres raisons qui ont plombé le sursaut des pays Africains vers l’émergence, en sus du défi de la Gouvernance et de la gestion de l’ordre public (travail et discipline), la question du pilotage des Economies Africaines. IL faut avoir le courage de le dire, le Libéralisme est un manteau surdimensionné pour des pays en « voie de Développement ». L’occident a passé des siècles pour atteindre le niveau de développement qui est le sien et qui lui permet d’avoir une masse critique d’acteurs économiques, un cumul de Capital et un Marché suffisamment étoffé qui peut se permettre de s’auto réguler et de confiner l’Etat aux fonctions strictes de sécurisation et d’arbitrages du jeu économique.
Pour un pays nouvellement indépendant où la quasi-totalité des outils ou facteurs de production de richesses sont encore entre des mains étrangères qui contrôlent à la fois, le flux financier et le Marché (intérieur et extérieur), le Rôle de l’Etat dans le processus de Développement économique, souverain, reste crucial et primordial : l’Etat est le seul interpelé face à la demande sociale et non une « Main invisible », il est à la fois Responsable et Redevable. Le Désordre social ambiant dans les pays en Développement résulte tout simplement du fait que l’Ordre Néo Libéral en cours empêche aux Etats d’assumer cette Responsabilité légitime.
C’est dans ce sens que nous tentons dans ces deux articles de repositionner l’Etat, expression de la volonté populaire, à travers ses deux instruments d’intervention, stratégiques qui auraient pu changer le cours des choses en Afrique : il s’agit d’abord du Ministère des Affaires domestiques ou intérieures, relativement à une célérité dans toute l’administration, à un Ordre public et à une Sécurité, propices à la quiétude, à un environnement de travail, de productivité des forces sociales, de création de richesses et ensuite le Ministère de l’Economie dont les missions ont été jusque là mal cernées, diluées, perverties, le plus souvent confinées en une comptabilité publique ou en une grande Agence de gestion de projets et programmes d’institutions étrangères.
Au demeurant la situation économique, socio-politique de la plupart des pays Africains, corrobore la thèse de l’inopérationnalité de ces deux instruments, au cours de ces quelques décennies post indépendance d’où la nécessité de réformer. Le survol de quelques indicateurs : contribution de l’Afrique dans le Commerce Mondial, l’IDH/pays, les seuils de pauvreté, de la vulnérabilité face aux calamités naturelles et aux chocs exogènes ou l’hécatombe que le mirage de l’occident occasionne Aujourd’hui sur la jeunesse Africaine, attirée par l’Océan comme des phalènes par un feu, la nuit, le dépeuplement des campagnes et le Développement de couches sociales non productives et râleuses dans les grandes agglomérations urbaines et les conséquences comportementales, à hauts risques, attestent à souhaits que ce qui devait être fait, sur ces deux registres n’ a pas été bien fait. Alors il ne fait aucun doute, que la gestion des Economies, reste le talon d’Achille de l’Afrique.
En dehors des pesanteurs inhérentes à des réalités socio-culturelles têtues qu’il fallait combattre dés l’aube des « indépendances », d’une certaine gouvernance délictuelle pas suffisamment sanctionnée, le problème de fond, demeure celui du management de l’Economique globale qui relève tout naturellement du Département l’Economie dont la configuration, la structuration, le périmètre et la dénomination parfois élastique, fluctuante, hybride ou alambiquée (Economie, Finances, Budget, plan, Coopération, Emplois etc…), renseigne sur l’ambigüité des missions. Au constat et au grand dam de l’Economie réelle, dans beaucoup de nos pays, les Ministres commis à ces fonctions se sont employés à autre chose qu’ à l’Economie réelle de leurs pays.
L’Economie réelle est celle qui part des besoins réels des secteurs , des populations, pour leur trouver des solutions et non des budgets limités et limitant, il faut aller au delà, c’est un choix pour la recherche du bien-être avec des services de qualité, à travers des financements innovants et la création de richesses nouvelles, de valeurs ajoutées et de croissance. Hélas nos Ministres de l’Economie, ont plutôt fait de la finance, de la gestion budgétaire, surveillant les agrégats économiques, micros et macros. Tout au plus ils ont assumé les Fonctions d’intérimaires des officines internationales à leurs corps défendant mais jamais de la planification globale, nationale et stratégique pour transformer le vécu des populations, abandonnées à elles-mêmes.
Les Ajustements structurels des années 80 dans la suite logique du sommet de Monterry sur le Développement puis de la conférence de Washington, sont venus menotter pieds et mains liés, les dirigeants Africains, leur privant de toute liberté et de toute souveraineté sur les orientations stratégiques et les choix politiques ; à même de déboucher sur une économie réelle susceptible de procurer le bien être social, finalité de toute Economie .
Alors les anciens Maîtres dans leur « cheval de Troie » à Trois pattes BM, FMI, OMC sont revenus passer au crible toutes les Economies, pour cibler les secteurs potentiellement rentables pour leurs économies respectives ou pour le Service de la Dette, mettre à l’éteignoir tous les secteurs favorables à la promotion de l’IDH (Education , santé, protection sociale) et élaborer des critères de convergences, des conventions et Règles internationales iniques et coercitives. Ainsi les Ministres de l’Economie ont été confinés au Rôle de Ministres de Finances ( peu importe l’appellation du Département), payés par leurs Etats mais suivent à la lettre les instructions des Institutions internationales qui évaluent et notent leurs performances comptables à travers des missions d’Evaluation périodique, ou conférences Annuelles
Ainsi de 1980 à 2010 ces Départements des Finances et non de l’Economie sous le parapluie de la BM et du FMI ont usurpé le statut de chef de Gouvernement ou conseiller spécial, privilégié des chefs d’Etat Africains pour devenir les grands manitous de la République qui bénissent ou non les programmes ou projets.
Pire encore le plus souvent le Ministre de l’Economie et des Finances ignore royalement ce qui se fait dans la plupart des secteurs, son seul lien avec les secteurs c’est au moment des conférences et des arbitrages budgétaires où la répartition et la taille des Enveloppes Financières prend le dessus sur la pertinence de lignes et les Résultats attendus. Après cet arbitrage, aucun suivi, aucune évaluation de livrables et les Années se suivent et se ressemblent. En outre, la cohérence des politiques sectorielles , leur intégration qui devait être une préoccupation de ce Ministère est aujourd’hui agressée par la multitude et la diversité d’interventions de partenaires aux intérêts inconciliables qui ont fini par imposer aux Etats, à la place de Lois d’orientations avec des programmes bien ficelés, viables et durables, des lettres de politiques sectorielles fluctuantes et conjoncturelles, pour être plus à l’aise avec les désidérata des uns et des autres.
Dans les principes le Ministère de l’Economie devait être l’épine dorsale de toutes les politiques publiques, la cheville ouvrière de toutes les planifications sectorielles. IL devait être le Maître d’ouvrage à côté de ses autres collègues du Gouvernement, maîtres d’œuvres dans la transformation structurelle, stratégique, de notre Economie, notamment dans les secteurs vitaux tels l’Agriculture, l’industrie, l’Education , la Santé, l’Emploi, le Transport Etc.. .
Il nous faut retourner aux sources de l’Economie quand celle-ci n’avait pas encore le statut de discipline scientifique se contentant d’explications théoriques les interactions entre sources et facteurs de production, les mécanismes du Marché avec les précurseurs Adam Smith, David Riccardo et plus tard K. Marx, pour saisir le sens de l’Economie Réelle et mieux positionner les pays en développement sur orbite. L’Economie prend sa source du grec ESKOÏS (maison) et NOMOS (ordre) donc Economie au sens étymologique, veut dire Administration de la « Maison ». Par conséquent le Travail de nos Ministres de l’Economie devrait consister en un corps à corps permanent avec les besoins des secteurs et des populations en services de qualité, pour assurer le bien être, produire de la valeur ajoutée et contribuer à la croissance.
Fort heureusement au Sénégal non seulement le PSE( PUDC, PRACAS, INFRASTRUCTURES, PAMU, EUIPEMENTS, PRODAC, ZES Etc…) est venu combler une carence de planification qui était là depuis les indépendances mais mieux la situation malheureuse créée par le Covid 19 qui a mis à terre certains pans de l’Economie, dicte la nécessité d’une relance économique et donc de la créativité et de l’audace. Il faut se féliciter surtout de l’actuelle Architecture du Gouvernement avec le détachement des Finances de l’Economie pour libérer celle-ci des griffes du FMI et de la BM, l’ on commence à voir clair sur l’importance du Rôle d’un Ministre de l’Economie. Il est un peu partout avec les Agriculteurs, industriels, les commerçants, les Hôteliers, les Artisans Etc…Bonne continuation mais surtout avec la Recherche de Ressources innovantes, pas de charité et éviter de dépouiller l’Etat!
WALMAAKH NDIAYE,
Observateur politique