Kama Sandock, artiste atypique
Elle s’appelle Geneviève Penda Kama et à 32 ans. Elle vit dans sa bulle, entourée de ses poupées et de ses reproductions, pour le grand bonheur des férus d’art.
Quand vous lui demandez depuis quand elle est artiste, elle vous sert un fou rire, d’abord. Ensuite, elle consent à vous révéler d’une voix timide et trainante : ‘’Artiste, moi ? Je ne crois pas. Etre artiste veut dire beaucoup de choses. Disons que j’arrive à réaliser des choses avec mes mains. Je ne crée rien, parce que tout existe. J’essaie surtout de donner forme à tout ce qui me passe par la tête.’’ Avec beaucoup de modestie et une humeur plutôt joviale, elle ajoute dans le même sens : ‘’Il m’arrive de faire un cauchemar et de le reproduire avec des objets.
Vu sous cet angle, je dirais donc que c’est Dieu qui est artiste. Je me base sur ce qu’il me montre. Quand je regarde les arbres, la nature, tout ce qu’il a créé, on peut reproduire toutes ces choses. Mais créer ou être artiste, non. Je ne dirais pas que je suis artiste, mais je fais des choses. Quand j’ai une idée, je la transcris sur de la matière.’’
La nature, Dieu est certes sa muse, mais ne fait pas moins d’elle une artiste. Geneviève Penda Kama est talentueuse et pleine de créativité. ‘’Kama Sandock’’, comme elle aime être appelée, n’a rien à envier ceux qui se disent artistes.
Chez cette jeune dame, tout est une question de passion. Elle a commencé par des décorations d’intérieur, dont sa propre chambre. Elle dit : ‘’J’ai très vite été attirée et fascinée par ce monde de l’art. Déjà petite, je faisais des collages sur les murs de ma chambre, sur les portes de l’armoire. Des fois, j’enlevais une chose, je mettais des clous. Je faisais des tas de choses que j’accrochais. J’ai eu mes premiers grands coups de cœur à la garderie, en découvrant les dessins animés. Au collège, j’aimais aller au village artisanal de Diourbel. J’y voyais des sculpteurs, des fondeurs, des gens qui travaillaient le métal. Quand on grandit dans ce milieu, ça développe la créativité.’’
Ainsi, cette fascination de reproduire des choses, elle l’a commencée depuis la maternelle. L’école n’étant pas son dada, elle refuse de poursuivre ses études. Elle quitte ainsi les bancs en classe de 4e, à une année du Bfem. ‘’J’ai arrêté les études parce que je ne me sentais plus à l’aise à l’école. Je ne voulais plus apprendre mes leçons. Par contre, quand j’étais entourée de mes poupées, des choses que je réalisais, je me retrouvais, c’était mon univers, ma bulle’’, se rappelle-t-elle dans un fou rire. Sa bulle est une chambre pleine de poupées de tout genre. A 32 ans, cette jeune dame joue encore à ce jeu. Bizarre, mais son univers, elle s’y retrouve.
‘’Mon école était la rue…’’
Convaincue qu’étudier est important, elle reprend, à Diourbel, le chemin de l’école. C’est pour cette fois-ci faire une formation en secrétariat-bureautique. Une reprise qui n’a pas les effets escomptés. Ainsi, elle arrête d’aller en classe avant la fin de sa formation. ‘’J’ai commencé à bosser dans une structure de gardiennage comme secrétaire de direction. Et ça marchait très bien. Mon patron était très satisfait de mon travail. Seulement, ce n’était pas ce que je voulais faire. Donc, j’ai démissionné et je suis partie‘’, se rappelle-t-elle. Pour ne pas tourner en rond ou refaire les mêmes erreurs, elle réfléchit longuement à ce qu’elle voudrait faire avant d’entreprendre quoi que ce soit. Sa décision prise, elle commence à s’investir dans ses créations. ‘’J’ai commencé à faire des luminaires, des objets décoratifs, des masques, tout ce qui est élément de décoration ou qui a tendance à tirer vers l’art contemporain. Plus je m’y mets, plus je fais des recherches, mieux j’arrive à développer des idées’’, indique-t-elle.
Geneviève n’a fréquenté aucune école d’art. Autodidacte, elle révèle : ‘’Mon école était la rue, le village artisanal et le centre culturel de Diourbel. J’y allais pour me balader, je n’ai jamais travaillé là-bas. Je n’ai pas fait d’école d’art, je suis autodidacte. ‘’Même si elle n’a pas d’idole, ni de référence dans ce milieu dans lequel elle évolue depuis sa tendre enfance, elle aime se vautrer dans le sofa de l’atelier de Jeannot Bruce, de son vrai nom Jean-Marie Bruce. ‘’Je n’ai ni idole ni inspirateur dans ce milieu. Mais j’ai des amis comme Jeannot Bruce, que j’appelle ‘docteur’, parce que venir le voir est comme une thérapie pour moi. Son atelier est un havre de paix. J’aime beaucoup aussi Wagane Guèye (Ndlr : acteur culturel) qui est à Dakar’’.
Avec son allure de garçon manqué, aujourd’hui, Geneviève travaille dans son atelier à Saly, aux côtés de son mari Abdoulaye Ndiaye, lui aussi artiste-compositeur, guitariste et chanteur. Très simple, elle ne s’encombre pas de fioritures, tels que des perruques, de faux ongles ou cils, encore moins de talons aiguilles. ‘’Je m’habille selon mes humeurs. Je peux me réveiller et attraper un tee-shirt orange par-ci, un pantalon rouge, vert, par-là. C’est selon. Cela fait 15 ans que je ne me suis pas tressée’’. Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas une femme. ‘’Il arrive que je me fasse belle pour mon mari. Mais je ne verse jamais dans l’excessif’’, dit Kama Sandock.
KHADY NDOYE (MBOUR)