Docteur Mukwege, le Rédempteur !
Prix du Sakharov 2014, des droits de l'Homme des Nations unies en 2008, nommé docteur Honoris Causa, le Docteur Denis Mukwege est internationalement connu comme l’homme qui ‘’répare’’ ces milliers de femmes violées durant 20 ans de conflits à l’Est de la République Démocratique du Congo. Sa lutte incessante pour mettre fin à ces atrocités et dénoncer l’impunité dont jouissent les coupables est contée dans un documentaire réalisé par Thierry Michel. Le film a été projeté avant-hier à l’UCAD, dans le cadre du festival ciné droit libre.
Après la projection du film ‘’Incorruptible’’ d’Elisabeth Chai Vasarhelyi des Etats-Unis, c’était au tour du documentaire ‘’L’homme qui répare les femmes’’ réalisé par le Français Thierry Michel, d’être projeté hier au terrain de basket de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Un acte qui entre dans le cadre de la 2e édition du festival du ciné droit libre. Le film traite de différents sujets tels que le viol des femmes, de la guerre née du conflit sanglant qui opposait à l'époque le gouvernement à des groupes armés en République démocratique du Congo (RDC) plus précisément à Bukavu, au Sud-Kivu et à l'est de la RDC. La guerre n’est en réalité qu’une toile de fonds. Ce film documentaire raconte l’histoire d’un docteur qui a aidé les femmes de sa région à regagner leur intégrité et leur dignité après avoir été violé par des soldats.
Pendant 90 minutes, Thierry Michel a plongé le public dans les atrocités des actes barbares venant de l’armée congolaise. Chirurgien et gynécologue, Docteur Mukwege est présenté comme très engagé pour la cause des femmes dans ce documentaire. Ce qui lui a permis de soigner plus de 30 000 victimes à l'hôpital qu'il a lui-même fondé dans le quartier de Panzi à Bukavu, sa ville natale située dans la région du Sud-Kivu. Sa décision était alors de consacrer sa vie professionnelle à la chirurgie reconstructrice des femmes victimes de violences sexuelles.
Son soutien ne plaira pas à tous. Il est l’objet d'une tentative d’assassinat à laquelle il échappe miraculeusement. Menacé de mort, Dr Mukwege est parti en exil en Europe avec sa famille pour sa sécurité. Quelque temps après, les femmes se sont cotisées en vendant leurs récoltes pour lui payer son billet d’avion. Très touché par cet acte noble, il a décidé de revenir au bercail pour continuer à soigner les femmes victimes de viols. Ainsi, pour sa protection, ce médecin vit dorénavant cloîtré dans son hôpital de Bukavu, sous la protection des Casques bleus des Nations unies. Aujourd’hui, ce sont les femmes du Kivu qui l’accompagnent dans sa lutte contre le viol.
Ces dernières sont en effet devenues, grâce à lui, de véritables activistes de la paix, assoiffées de justice. Durant cette expérience, le docteur dit avoir été choqué par la découverte des douleurs des femmes qui, en l'absence de soins appropriés, souffraient régulièrement de graves lésions génitales après avoir accouché. D’ailleurs, c’est ce qui l’a motivé à quitter sa fonction de pédiatre pour aller étudier la gynécologie-obstétrique en France en vue d’aider ces femmes complètement désespérées. C’est cette noble cause qui lui a valu le surnom de ‘’papa’’ comme l’appellent les femmes qu’il a sauvées, dans le film.
‘’J'ai été violée, puis ils m'ont introduit une baïonnette’’
Tout a commencé en 1999, quand une femme s’est présentée à son hôpital avec l'appareil génital détruit par des tirs d'arme à feu. Le gynécologue congolais a cru d'abord à un cas isolé. Mais après environ six mois, Denis Mukwege s’est rendu compte que l'histoire se répétait chez d'autres patientes, quasiment à l'identique : ‘’J'ai été violée, puis ils m'ont introduit une baïonnette ! J'ai été violée, puis ils ont brûlé du caoutchouc sur mon appareil génital’’, disaient-elles. Ainsi, les cas se succédaient. Ces pratiques qu'il venait de découvrir allait profondément marquer le restant de sa carrière.
Le charme de ce film, c’est que même s’il parle de viol, le sujet est traité d’une manière pudique. Car le viol reste un sujet tabou dans la société congolaise de sorte que les auteurs de ces violences, dont certains vivent à proximité de leurs victimes, bénéficient souvent d'une relative impunité. Et ces victimes n’osent pas dire qu'elles ont été violées par peur d'être répudiées par leurs maris, parents et proches. Même si certaines d’entre elles arrivent tout de même à porter le combat contre l’impunité.
Dans le film documentaire, le docteur Mukwege a développé une approche originale, qu'il qualifie de ‘’holistique’’, pour traiter les victimes, prenant en compte les dimensions à la fois chirurgicale et psychologique, mais aussi les questions de réinsertion sociale et de justice. Son hôpital s'est donc doté d'une équipe de psychologues et d'assistantes sociales qui travaillent avec les patientes avant même les interventions de chirurgie reconstructrice. Cela, pour qu'une fois traitées, les patientes puissent se réinsérer dans leur communauté tout en étant autonomes.
En 2014, certains des soldats qui ont commis ces actes ignobles ont été jugés. Ils vont purger une peine maximale grâce aux groupements des femmes qui font tout pour combattre ce fléau. Rideau !
AIDA KANE (STAGIAIRE)