« Priorité aux membres du Pastef », martèle Ibrahima Sy
Le ministre de la Santé a révélé qu’il accordait la priorité aux militants du Pastef dans les recrutements au sein de son département. En visite de travail dans la région de Matam, Ibrahima Sy s'est permis une parenthèse politique pour rencontrer les patriotes de Kanel et leur recommander d'user de « tous les moyens pour gagner le département » en perspective des législatives, avant d’avouer que ses nominations sont en priorité pour les militants du Pastef.
Le parti Pastef est encore loin d’être majoritaire dans la région de Matam. Une situation que les responsables cherchent, en toute urgence, à corriger avec la très probable dissolution de l’Assemblée nationale. Le ministre de la Santé et responsable politique dans le département de Podor, Ibrahima Sy, a profité de son séjour dans la région de Matam pour dynamiser les troupes du parti dirigé par Ousmane Sonko.
« Je suis venu vous apporter un soutien politique », lança-t-il aux responsables et militants du Pastef de Kanel. « Il faut séduire les gens, en politique, il faut savoir séduire. Il y a une manière d’aborder même votre ennemi ou votre adversaire politique. Il faut parler aux gens, les amener à vous suivre pour massifier le parti afin qu’ils votent pour vous lors des élections. N'est-ce pas l'objectif de remporter les élections et de récupérer le département ? Alors, il faut travailler pour ça. »
La démarche adoptée par certains responsables semble être jugée rigide par le ministre. Il souhaiterait observer plus d'ouverture de la part de ses camarades de parti, qui ont du mal à se départir de leur casquette d'opposants. « On se comporte encore comme si nous étions toujours dans l’opposition. L’animosité n’apporte pas grand-chose, il faut que tous les responsables et militants fassent preuve d'ouverture, car la dilatation des poitrines est indispensable pour la survie du parti », fait-il savoir.
Le directeur de Dalal Jamm, sur chaise éjectable ?
Poursuivant ses recommandations, Ibrahima Sy demandera aussi aux militants de faire preuve de plus de respect envers les responsables politiques. « Nous devons avoir du respect l'un pour l'autre. Ce n'est pas parce que nous avons des relations d’amitié avec un responsable de l'ancien régime que nous devons être comparés à lui », précise-t-il. En effet, pour beaucoup de militants du Pastef de Kanel, le directeur de l’hôpital Dalal Jamm, Moussa Sam Daff, par ailleurs responsable politique de l'APR, devrait être démis de ses fonctions, ce que le ministre de la Santé ne réfute pas totalement. Il demande néanmoins qu'on le laisse agir selon sa stratégie et sa façon. « J'ai un objectif et une vision très claire. J'ai une démarche cohérente qui m'est propre qu’il faudra comprendre, et si tout le monde la comprend, il n’y aura pas de problème », dit-il.
Des frustrations commencent, en effet, à être notées auprès de certains responsables politiques locaux, qui se plaignent de l'absence de leurs camarades dans le gouvernement de Ousmane Sonko. Pour ces patriotes, la région de Matam devrait avoir un responsable nommé à la tête d'un ministère, à défaut d'une direction stratégique, d’où les plaintes de plus en plus nombreuses. Mais Ibrahima Sy veut jouer les pompiers. « Si j’ai quitté mon département (NDLR Podor) pour venir ici dans la région de Matam, c’est parce que j’ai senti que vous avez besoin d’aide politique pour mieux mobiliser, mais il faudra aussi me laisser agir selon ma stratégie, puisque l’objectif est de récupérer le département. Ceux qui étaient là disaient que tous les moyens étaient bons pour gagner, nous aussi, nous userons de tous les moyens pour gagner et récupérer nos départements et nos mairies. »
« Pour les postes au ministère de la Santé, la priorité est aux militants du Pastef »
En cinq mois, le régime en place a pris ses marques, et les hommes du « projet » ont été installés à des postes de haute responsabilité. Mais l’idée serait d’avoir des patriotes à toutes les échelles. Au ministère de la Santé, cette volonté est déjà matérialisée, puisque le ministre a avoué à ses camarades que les recrutements dans son département devaient prioritairement revenir aux militants du Pastef. « Mon staff m'est témoin, je fais la part belle aux militants du parti. Quand je reçois un CV, je regarde d’abord si le demandeur d'emploi est un membre ou pas du Pastef, car ma priorité est pour ceux qui sont du Pastef », révèle-t-il.
Des propos qui commencent déjà à susciter des vagues d’indignation chez certaines populations. Pour l’enseignant Mamoudou Sy, les propos du ministre sont scandaleux : « J’ai vu la vidéo et c’est vraiment scandaleux. Ce n'est pas digne d'un ministre du gouvernement qui prône la rupture. Si c’est comme ça qu’ils veulent gérer le pays, en plaçant uniquement leurs militants et en laissant de côté les autres, même s’ils ont les compétences, le pays ne va pas se développer. J’espère que le président Bassirou Diomaye va le limoger, parce que ce qu’il a dit est très grave », soutient le natif de la commune de Nabadji Civol.
Cependant, pour Abdou Diop, commerçant à Ourossogui, les propos du ministre de la Santé le laissent dans la plus totale indifférence. « Je ne suis pas scandalisé par ces propos. Pourquoi devrais-je l’être ? J’ai toujours compris qu'un politicien restera toujours un politicien. Le Pastef a beau avoir une volonté de changer les choses, ses hommes feront de la politique pour rester au pouvoir. Finalement, ils sont tous pareils, même si j’ai une présomption positive que Ousmane Sonko va changer des choses », déclare l’homme originaire de Touba.
PRÉCISION D’IBRAHIMA SY
‘’À compétence égale, je ne pense pas que cela soit un délit de promouvoir un cadre de Pastef’’
Sa sortie ayant causé une vague d’indignation, le ministre de la Santé a ressenti le besoin de repréciser sa pensée. Il a posté des mots sur sa page Facebook.
« Lors d’une tournée politique, j’ai eu des discussions avec nos militants à Kanel dans un cadre purement politique. Une portion de cette vidéo a été savamment extraite et partagée avec une volonté de nuire et de dévoyer le fond de ma pensée. Je suis un universitaire, un cadre sénégalais avec des valeurs et principes qui transcendent les considérations politiques. Si je suis aujourd’hui ministre de la République, c’est grâce à mon engagement politique. Toutefois, dans mon cabinet au ministère, il n’y a aucun profil politique. Je privilégie toujours les compétences, l’expérience et le savoir-faire, parce qu’en définitive, les résultats priment sur toutes les autres considérations. Et c’est dans ce cadre-là que j’estime et je suis convaincu que le Sénégal, comme notre formation politique, regorge de compétences de haut rang.
À mon avis, si des gens de notre parti disposent des qualités humaines et professionnelles requises pour certains postes, ils doivent pouvoir les occuper comme tout bon Sénégalais. À compétence égale, je ne pense pas que cela soit un délit de promouvoir un cadre de Pastef qui est aussi un Sénégalais bien méritant. Dans toutes les nominations au MSAS, la compétence a toujours été privilégiée, et cela a d'ailleurs largement bénéficié à des cadres non-Pastef que des compétences de notre parti. Notre objectif commun, c’est l’intérêt supérieur de notre pays et la réalisation des changements attendus. »