Publié le 8 Oct 2023 - 00:22
REFUS DE DÉLIVRANCE DES FICHES DE PARRAINAGE

La Cour suprême rejette la requête d’Ousmane Sonko

 

Dans la bataille judiciaire enclenchée par les avocats du leader de l’ex-Pastef pour décrocher une participation à la Présidentielle de février prochain, un premier revers a été enregistré hier. Toutefois, d’autres procédures restent en cours pour le maire de Ziguinchor.   

 

Après plusieurs heures de plaidoiries, c’est l’incompréhension totale au sein de la salle d’audience de la Cour suprême. Le juge vient de déclarer recevable la requête en référé liberté introduite par les avocats d’Ousmane Sonko, mais rejette le référé liberté. Entre acceptation et refus, dans la même procédure, les profanes du droit n’y comprennent rien. Seuls les professionnels, dont les avocats semblent avoir compris. Mais, pour eux aussi, une incompréhension les habite.

En réalité, le leader de l’ex-Pastef a présenté une demande d'urgence (appelée référé liberté) dénonçant une violation présumée de ses droits fondamentaux. Celle-ci a été jugée recevable, mais le juge a finalement décidé, après examen au fond des moyens et arguments présentés par ses avocats, de ne pas accorder la requête.

Pourtant, le pool d’avocats d’Ousmane Sonko a tout tenté pour avoir l’avis favorable de la Cour suprême. Lors de cette audience spéciale, Me Bamba Cissé a demandé à la cour si la Direction générale des Élections (DGE) ‘’a reçu une notification définitive de l’inéligibilité de monsieur Ousmane Sonko ?’’.

Me Bamba Cissé : ‘’Il y a voie de fait.’’

Rappelant que le mandataire de l’opposant emprisonné n’a été notifié d’aucun document par la DGE pour justifier le refus de délivrance des fiches de parrainage à son candidat, l’avocat estime que dans ce cas précis, ‘’chacun d’entre nous pourra honnêtement se dire qu’il y a voie de fait. En droit, il y a voie de fait quand il n’y a aucun acte pour motiver une décision judiciaire’’.

Maitre Bamba Cissé rappelle que les candidats à l’élection présidentielle de février 2019, Khalifa Sall et Karim Wade, avaient vu leur dossier arriver sur la table de la Cour qui a ensuite décidé du rejet de leur candidature. Pourtant, ajoute-t-il, ‘’on leur a remis des fiches de parrainage en 2019, alors qu’ils étaient inéligibles. Khalifa Sall et Karim Wade avaient-ils plus de droits qu’Ousmane Sonko aujourd’hui ? A-t-on déjà vu la  Cour suprême refuser de recevoir un dossier de candidature sous prétexte de son inéligibilité ? La Cour suprême est le seul habilité à déclarer irrecevable une candidature’’.   

Sur cette plaidoirie, il est appuyé par Me Macodou Ndour qui  explique qu’il y a voie de fait ‘’parce que nous défions la DGE et même le ministère de l’Intérieur de nous sortir un seul acte administratif ou une seule loi qui sous-tend le refus de délivrer ces fiches. Il est inconcevable que la DGE se transforme en juge pour décider de la déchéance de candidature’’. Le refus serait d’autant plus incompréhensible que l’arrêté du ministre de l’Intérieur précise que la délivrance des fiches de parrainage n’est pas la reconnaissance d’un quelconque statut au candidat à la candidature. Ce qui, aux yeux de Me Ndour, clarifie le débat.

‘’Il est inconcevable que la DGE se transforme en juge’’

Comme ses collègues, Me Amadou Diallo a invité le tribunal à ne pas suivre la requête de l’agent judiciaire de l’État (AJE) qui estime que ce refus n’est en rien une violation des droits fondamentaux d’Ousmane Sonko.

Selon lui, l’AJE devait être le premier à recadrer la DGE qui outrepasse ses prérogatives pour se substituer en juge.

Chose assez surprenante, même la procureure générale est allée dans le sens de la requête d’Ousmane Sonko en prenant le contrepied de l’AJE. ‘’Qu’est-ce que cela vous coûte de lui remettre les fiches de parrainage ?’’, lance-t-elle, en assurant que c’est un droit fondamental qu’on a refusé à un citoyen sénégalais. ‘’N’anticipons pas sur le pouvoir du juge constitutionnel. C’est une atteinte à un droit fondamental’’.

Pour expliquer le refus de délivrance des fiches de parrainage, le ministre de la Justice a défendu l’Administration en assurant que la radiation d’Ousmane Sonko justifie qu’on ne lui remette pas des fiches. Selon le Code électoral sénégalais, on ne peut pas être candidat à une élection lorsqu’on n’est pas électeur. Condamné à deux ans de prison ferme et incarcéré depuis le 31 juillet pour plusieurs chefs d’accusation, dont ‘’appel à insurrection’’, l’opposant a été exclu par le ministère de l’Intérieur des listes électorales.

La procureure générale abonde dans le sens de Sonko

Mais pour la procureure générale, cette radiation s’est faite ‘’en faisant état de la contumace à tort’’. En effet, argumente-t-elle, ‘’l’Administration ne peut pas être juge et partie. Le ministère s’est fondé sur l’article 29 qui concerne les inscriptions et non les radiations. La DGE a outrepassé ses prérogatives. Il y a violation fondamentale du droit de M. Ousmane Sonko. Monsieur le Président, il faut faire cesser cette violation’’.

Alors que la campagne de collecte des parrainages a débuté depuis le 27 septembre dernier, Ousmane Sonko devra prendre son mal en patience pour voir s’il lui sera accordé le droit de collecter des parrainages afin d’espérer voir sa candidature validée. Les opérations de parrainage doivent se terminer au plus tard 83 jours avant le scrutin. La Présidentielle étant prévue le 25 février 2024, la fin des opérations est fixée entre le 3 et le 5 décembre 2023.

Amadou Ba, Pastef : ‘’Il n’y a pas lieu de paniquer.’’

‘’Surpris’’ par le rejet de la requête de leur candidat, Amadou Ba de l’ex-Pastef rassure ses militants et estime qu’il n’y a pas lieu de paniquer. ‘’Il y a d’autres recours plus importants qui ont été introduits’’, rappelle-t-il.

En effet, la Cour suprême a également été saisie par les conseils d’Ousmane Sonko sur la dissolution du Pastef, pour ‘’manquement aux obligations des partis politiques’’ et ‘’appels fréquents à des mouvements insurrectionnels’’.  

Mais surtout, une requête aux fins d’annulation d’une mesure de radiation des listes électorales a été adressée au président du tribunal d’instance de Ziguinchor, pour contester la négation d’Ousmane Sonko de sa condition d’électeur. Sans oublier la Cour de justice de la CEDEAO où les avocats de l’opposant ont également déposé des requêtes pour, entre autres, la suspension de la dissolution du Pastef et le rétablissement des droits politiques du parti et de son candidat Ousmane Sonko en vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024.

Lamine Diouf

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