Publié le 18 Nov 2015 - 19:11
RENFORCEMENT DE LA CARTE SCOLAIRE DE MATAM

A l’école de la coopération décentralisée

Le directeur technique de la coopération Pape Birama Thiam

 

La région de Matam densifie sa carte scolaire. A la base de cet envol est la bonne tenue d’une coopération décentralisée franco-sénégalaise. Le dispositif de soutien aux projets des ressortissants sénégalais dénommé Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement (Paisd) a mobilisé près de 200 milliards en dix ans, pour l’accès aux services sociaux de base.

 

La sobriété était de mise ce samedi pour la pose de la première pierre du lycée de Fanaye. Minute de silence et brassard noir du maire de cette commune de 34 mille habitants, Aliou Gaye, marquent la solidarité envers l’ambassadeur et le peuple français sur les attentats terroristes survenus la veille, vendredi 13 novembre 2015. La fête devait être belle, comme en témoigne toute la population qui a finalement été retenue derrière un cordon de sécurité de la gendarmerie. Circonstance oblige, ces habitants ont eu moins de chance que ceux de Sinthiou Bamambé qui, la veille, avaient connu le même rituel mais dans une ambiance totalement débridée. La pose de la première pierre de leur lycée, qui comprend un batiment pédagogique, un bloc d’hygiène, un administratif, une bibliothèque et une loge de gardien a été plus un grand rassemblement festif coaché par le maire d’Orkadiéré, et questeur à l’Assemblée nationale, Daouda Dia. L’optimisme était de rigueur puisque les autorités et populations sont certaines que cette première pierre ne sera pas la dernière.

Si la présence de l’ambassadeur de France Jean-Félix Paganon et des autorités locales expliquent l’euphorie, elle n’est la raison de cet espoir qui a animé la soirée dans le site de ce futur lycée. Mais au dynanisme d’une coopération décentralisée qui matérialise ses projets éducatifs. Avec huit lycées, neuf collèges et treize écoles élémentaires dans les différentes localités du Nord, ce programme est une aubaine pour l’enseignement dans cette zone, ‘‘alors qu’il y a une décennie, il n’y avait qu un seul lycée’’, selon le directeur technique de la coopération Pape Birama Thiam. Un motif de satisfaction pour la coopération décentralisée franco-sénégalaise et au Programme d’appui aux initiatives de solidarité et de développement (Paisd). Ourossogui, Thialy, Ngano, Wendou Bosséabé, Sinthiou Bamambé..., dans la région Matam, possèdent leurs édifices scolaires pour un montant qui avoisine les six milliards incluant les autres services sociaux de base comme la santé et l’hydraulique. Avec comme objectif de ‘‘construire et renforcer le capital humain pour lancer le processus de développement dans ces localités’’, dixit M.Thiam.

Insuffisances

Les promoteurs de l’éducation pour les filles vont avoir du baume au cœur avec l’une des classes-pilote du lycée de Thilogne. Dans l’une des salles du batiment pédagogique, le cours de Sciences naturelles bat son plein dans cette classe de 1ère S2A qui fait la fierté de l’administration. La parité devrait être pronée dans le sens inverse : quatorze filles contre six garçons. Un effectif réduit et une configuration exceptionnelle loin de traduire la tendance générale. Les classes surpeuplées continuent d’être la norme. La structure reçoit le double de ses effectifs de l’année dernière, 600 élèves en 2015. Le lycée d’Ourossogui, construit en 2009, constitue la fierté du programme, avec une seconde place au niveau national pour le baccalauréat en 2014. Pourtant, l’édifice le plus abouti au plan logistique accueille aussi des effectifs pléthoriques. Des 16 classes physiques pour 19 classes pédagogiques, il existe deux Secondes de 90 élèves, et quatre Terminales avec 222 élèves, sans compter l’incompétence de certains professeurs que déplorent anonynement certains élèves. Quant aux autres établissements, les problèmes liés à l’enclavement et aux manques d’équipement de certains d’entre eux en font parfois des coquilles vides.

Le collège de Thialy, commune de Wouro Sidy, réalisé par des immigrés du village établis en France, situé à 23 km de Matam, compte quatre classes physiques pour cinq classes pédagogiques. Dans l’euphorie de la visite de l’ambassadeur, sonne pourtant la fausse note des professeurs. ‘‘Pour être franc, il n’y a que les bâtiments ici ; pas d’électricité. En février, avec l’harmattan, l’eau du forage est indisponible puisque l’énergie solaire qui l’alimente diminue avec moins d’ensoleillement. C’est une création récente, elle n’existe que de nom’’, déclare M. Dièye un des enseignements dans le cycle élémentaire. ‘‘On loue la sollicitude de cette initiative, mais la bonne volonté seule ne suffit pas. Des fois, c’est nous-mêmes qui achetons les fournitures aux élèves alors que percevoir nos salaires à Matam est un calvaire’’, s’indigne Lamine Sambou professeur de Lettres, Histo-géo (LHG).

A ces problèmes d’infrastructures s’ajoute la survivance de pratiques traditionnelles qui ralentissent l’objectif d’une scolarisation universelle : ‘‘Les filles sont toujours victimes de mariage précoces. Chaque année nous perdons nos meilleurs éléments agés d’à peine 15 ans’’, s’insurge le professeur de Lettres, qui préconise l’équipement immédiat de l’école en fournitures scolaires. En outre, Matam reçoit ‘‘plus du tiers des actions du Paisd par rapport au reste du territoire car une frange importante de la communauté établie en France en est originaire’’, fait savoir le coordonnateur du programme Pape Birama Thiam, à l’exemple de Kanel qui compte plus de 2 000 ressortissants en Hexagone. Il explique cependant que le manque chronique de structures pour les services sociaux de base dont a longtemps souffert la localité a été le critère déterminant dans le choix de renforcer la carte scolaire de Matam.

Enseignement supérieur

Pour le Sénégal, qui concentre à lui seul 60% du total de la coopération décentralisée française, l’ambassadeur de l’Hexagone estime que ce programme vient à son heure. ‘‘Il y a un minimun de déperdition des fonds investis. Dans l’aide publique (APD) au développement, nous sommes attentifs à l’effet de levier c'est-à-dire obtenir l’impact maximum avec les sommes consacrées à cette aide. C’est un programme dans lequel cet effet est maximal. On double ou triple l’impact de chaque euro dépensé en termes d’efficacité et de présence sur le terrain. Les résultats sont spectaculaires en termes de perception et de réalisations’’, se réjouit Jean-Félix Paganon qui souligne toutefois que malgré une décennie d’assistance, le Paisd en est au tiers d’une intervention annuelle de l’Agence française de développement au Sénégal (AFD).

En tout, dans huit départements du pays essentiellement localisés au nord-nord-est, quatorze lycées, dix-sept collèges, vingt-neuf écoles élémentaires ont été construits pour un total de 7,9 millions d’euros dont 5,3 financés par le Paisd et 2,6 millions levés par la diaspora. Le coordonnateur du Paisd estime que dans la continuité, c’est le défi de l’enseignement supérieur qui s’impose au PAISD. ‘‘Avec le renforcement de la carte scolaire, le potentiel de 300 bacheliers devrait passer à 6000 qui ne trouveront pas forcément des perspectives dans les universités de Saint-Louis, Dakar, Thiès ou Ziguinchor. Cette formation concerne les spécificités de la région pour le renforcement de la cacapité en horticulture, élevage, machinisme agricole, maintenance...’’, explique-t-il.

Pape Birama Thiam, directeur technique de la coopération

‘‘On ne verse pas dans l’autosatisfaction’’

‘‘Les dix ans que nous célébrons constituent le début d’une autre vision du Paisd. On ne verse pas dans l’autosatisfaction. Le travail commence maintenant car la décennie, on la considère comme une phase-test pour voir comment s’est faite l’adhésion, comment les partenaires ont pris les choses en main, comment les choses se sont traduites sur le terrain, est-ce que la durabilité des activités a été assurée etc.

Aujourd’hui, nous avons fait le point et il s’agit de dépasser le stade du village pour aller au niveau régional en intégrant le volet territorialisation. Par exemple, l’hôpital d’Ourossogui fait office de statut régional alors qu’il est dans un état que vous ne pouvez pas imaginer. Avec les ressortissants de Matam, nous avons décidé d’en faire un hôpital d’excellence. Aujourd’hui, nous finançons les études nécessaires et chaque association issue de Matam aura apporté sa contribution et nous aussi, en apportant des partenaires en plus. Nous voulons que les 351 associations de Sénégalais qui constituent un bassin de 60 mille individus établis en France soient des actionnaires de sociétés privées de développement.’’

OUSMANE LAYE DIOP (envoyé spécial)

 

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