Publié le 12 Jun 2025 - 13:33
SHARREN HASKEL (VICE-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES D'ISRAËL)

"Si le Hamas nous rend les otages, il y aura la paix, sinon..."

 

Vice-ministre des Affaires étrangères d'Israël, Mme Sharren Haskel est claire. Pour elle, la paix entre son pays et la Palestine dépend de cette dernière, car il suffit que les otages israéliens soient libérés pour qu'il y ait la paix. D'après elle, autant la Palestine est déterminée, autant son pays l'est. Très débordée à cause d'un agenda chargé, elle a accepté de répondre à quelques questions.

 

Madame la Ministre, comment expliquer la guerre persistante entre la Palestine et Israël ?

Depuis quatre ans, nous sommes dans une très grande tension politique. J'ai participé à des manifestations dans les rues d'Israël avec beaucoup de gens, mais il est très important que vous sachiez que le 7 octobre 2024 a tout changé. Cela a modifié notre vision de la manière dont nous devons construire Israël, de l'avenir d'Israël et de son peuple, et de la question de savoir si Israël va exister. Si mes trois petites-filles vont pouvoir habiter ici, avoir un pays, avoir une nation, ce sont des questions cruciales.

C'est pour cela que nous avons uni nos forces politiques pour combattre notre très grand ennemi. Le 7 octobre a été l'un des jours les plus difficiles de l'histoire d'Israël. La violence contre les femmes a été utilisée comme une arme de guerre. Le massacre des vieux, des jeunes, des bébés, les brûlés vifs, a eu lieu lors d'un festival de musique où ils ont commencé à massacrer tout le monde. C'étaient des images qui resteront gravées dans nos mémoires toute notre vie.

Dans ce moment difficile, nous avons été attaqués, provoqués par le Hamas. Nous avons été attaqués de sept fronts différents. C'était le Hamas qui a appelé des milices venues du Hezbollah du Liban pour nous attaquer directement avec des missiles. Ils ont détruit notre village, notre ville du Nord. Nous avons dû évacuer soixante mille personnes de cet endroit.

Nous avons été attaqués par les Houthis du Yémen, par des milices de l'Irak et aussi par l'Iran. Toutes ces attaques contre un tout petit pays comme Israël. Nous n'avons pas de difficulté avec le Yémen et nous n'avons pas de frontière avec l'Iran ou l'Irak. Il n'y avait aucune raison de nous attaquer. Nous avons vu des manifestations à Paris, à New York, à Londres, le 8 octobre 2024.

Il n'y avait même pas un soldat israélien à Gaza. Nous avons donné au Hamas presque trois semaines avant de rentrer à Gaza. Nous leur avons dit : "Déposez vos armes et ramenez-nous les 250 otages que vous avez kidnappés de leur lit, de leur maison et il n'y aura plus de guerre." Même pas un soldat ne rentrera à Gaza. Ils ont répondu non. Cela nous a pris presque trois semaines.

Pendant ce temps, il y avait des manifestations. Ils n'ont pas fait des démonstrations pour arrêter la guerre. C'était un festival de célébration du massacre du 7 octobre partout dans le monde. C'est ce que cela a été. Soutenir le Hamas dans le cadre du plus horrible crime contre l'humanité qu'ils ont commis ici sur notre peuple. Cette guerre nous a été imposée.

Nous avons dit que si le Hamas dépose les armes et nous donne les otages, demain, la guerre est finie. Hier, elle aurait pu être finie. Il y avait trois propositions.

Qu’en est-il des différents médiateurs ?

Il y a trois mois, Whitkoff, l'envoyé spécial des États-Unis, a proposé de prolonger le cessez-le-feu. Nous avons dit oui, avec des conditions. Et ne pensez pas que c'est une concession pour nous. Un compromis qui consisterait à libérer des gens qui ont massacré des Juifs, des Israéliens, qui sont en prison à cause des attentats qu'ils ont commis ici en Israël, c'est un très grand compromis que nous devons faire. Mais nous le ferons s'ils nous donnent nos personnes vivantes qu’ils détiennent en otage. Nous avons dit cela à Whitkoff, il y a trois mois. Whitkoff était d'accord, mais ils ont répondu qu’ils ne voulaient pas de cela.

Ensuite, nous avons essayé de mettre en place un accord avec moins d'otages. Nous avons dit oui et le Hamas a dit non, encore une fois.

Pourquoi disent-ils non, selon vous ? Qu’est-ce qui l’explique ?

Je pense que la plus grande raison est la pression de la communauté internationale sur Israël en lieu et place du Hamas. Quand il y a une pression sur le Hamas, il dit oui. Quand la pression est sur Israël, le Hamas dit non.

Lorsque vous avez rompu le cessez-le-feu, c'était pour quel objectif ?

C’était d'abord le Hamas qui a violé les conditions. Les endroits que nous avions négociés pour le cessez-le-feu, ils ont changé de veste. Ce qui a été pour nous la chose la plus grave, c'était la famille Bivas qui a dû rentrer en Israël vivante. Ils ont été massacrés dans l'un des meurtres les plus horribles que l'on puisse imaginer. Une femme et deux bébés.

Une de nos craintes a également été de voir nos autres otages massacrés de cette manière. Le deal était qu'ils reviennent vivants. Nous ne voulons pas d'otages morts. Les preuves qu'ils étaient vraiment vivants, nous avions toujours l'espoir que c'était juste un exercice du Hamas. C’était une ruse. Nous avons pensé que c'était juste un exercice pour voir si "Israël continuait à (leur) donner des gens pour des gens morts". Cela posait aussi un grand risque pour les autres otages. Mais même sans cela, ils ont continué à violer les conditions. Et nous avons compris que la raison pour laquelle ils avaient accepté cette première trêve était juste à cause de la pression militaire. Rien d'autre. Quand il y a de la pression sur le Hamas, ils sont pour une pause. Quand il n'y en a pas, ils continuent.

Depuis ce moment-là, nous avons poursuivi la guerre. Et le Hamas, chaque fois qu'il a demandé une trêve, a demandé à Israël de finir la guerre sans déposer ses armes. Et cela, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter.

Pourquoi ?

Parce que c'est comme si vous commenciez une guerre contre Boko Haram au Nigeria et qu'on vous dise : "OK, je te donne les personnes, mais nous continuons notre combat." Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous allez avoir d’autres 250 petites filles d’une école, enlevées, un mois, deux mois, voire trois mois plus tard. Si vous êtes en guerre contre Boko Haram, vous devez la finir pour la sécurité de vos enfants.

Hamas et Boko Haram, c'est la même idée, c'est la même idéologie, c'est la même personne qui leur fournit les armes et qui les entraine en Iran. C'est la même chose et la même idée. Et nous, nous sommes ici. C'est ça le Hamas. Mais c'est Boko Haram comme gouvernement, qui contrôle aussi la population locale là-bas. C'est un peu plus compliqué. Alors, nous ne pouvons pas accepter cela. Nous voulons, en réalité, un changement. Nous devons avoir un avenir pour nos enfants, qu’ils ne soient pas chaque jour en danger à cause de cette organisation terroriste.

Mais justement, pourquoi ne préservez-vous pas les civils, poussant même certaines autorités à parler de génocide ?

Une guerre est la forme la plus violente et horrible que l'on puisse imaginer pour résoudre un conflit. Si nous pouvions, par des voies diplomatiques, établir un dialogue, dire : "OK, vous avez l'indépendance, l'autonomie de Gaza. Nous avons notre autonomie, une conversation diplomatique parfaite." C'est notre choix préféré. Malheureusement, en 2005, Israël n'a pas pu établir un chemin diplomatique avec Gaza.

Alors Israël a décidé de le faire de son côté. Nous avons déplacé toute la population juive qui habitait à Gaza dans d'autres endroits, éliminant la communauté juive. Nous avons même exhumé les morts qui avaient été enterrés à Gaza et les avons enterrés en Israël. Gaza faisait partie d'Israël. Nous leur avons donné une autonomie pour aménager un territoire. Nous avions beaucoup de rêves, des fantaisies. Peut-être que cela allait être comme Hong Kong ou Singapour. Ils allaient construire une économie, nous allions les aider. La Clinton Foundation a donné 100 millions de dollars à des agriculteurs israéliens pour laisser tout leur équipement agricole high-tech, afin qu'ils puissent commencer quelque chose par eux-mêmes, un business ou quelque chose de bien, des serres pour qu'ils puissent prospérer. Vous savez ce qui s'est passé quelques jours après ? Ils ont mis en feu à tout.

Quand il y a eu les élections, ils ont élu le Hamas comme gouvernement. Qu'est-ce que le Hamas a dit ? Si vous traduisez de l'arabe en français leur plateforme de parti, il est écrit que l'objectif est d'éliminer Israël, de tuer tous les Juifs en Israël et en dehors d'Israël. C'était un État très différent de ce que nous avions imaginé.

Depuis ce moment-là, des milliers de missiles sont lancés chaque jour, chaque semaine sur Tel-Aviv, sur Jérusalem. Ce n'est pas ce que nous avions voulu.

Maintenant, nous avons fait une erreur. C'était une grave erreur. Mais c'est une autre discussion. Nous parlons d'une attente, d'un essai de faire quelque chose de diplomatique.

Ils ne veulent pas, nous le faisons nous-mêmes et même cela ne fonctionne pas. Maintenant, nous n'avons pas le choix. Nous n'avons pas choisi la guerre. Une guerre est la forme la plus violente de résoudre un conflit. Maintenant, le conflit porte sur notre vie, l'élimination totale d'Israël et le massacre de tous les Juifs en Israël et en dehors d'Israël.

Nous avons été entrainés de force dans une guerre. Vous devez aussi comprendre que le standard que l'armée israélienne a atteint en essayant de ne pas exposer les citoyens à la guerre. Il n'y a aucune armée qui a atteint ce standard. Pas les Anglais, pas les Français, pas les Américains, aucun pays.

Dites-moi dans quelle guerre vous connaissez une armée qui, contre vous, envoie des messages, des papiers, par avion, pour dire aux citoyens de ne pas aller dans cet endroit. Encore trois heures et nous éliminons cet endroit. Parce qu'il y a un endroit de terreur en dessous où ils se cachent. Nous vous donnons trois heures. Le Hamas reçoit aussi ces messages. Plusieurs fois, ils sont partis, les grands chefs que nous avons dû éliminer dans cette guerre. Mais il y avait trop de citoyens, trop d'enfants, nous avons annulé certaines opérations. Nous envoyons des messages par téléphone, par texto. Nous envoyons des messages sur Internet et après nous commençons.

Nous avons pris deux semaines pour dire aux populations de Gaza du Nord, au début de la guerre, d'évacuer vers le Sud. Nous avons dit que nous allions rentrer par le Nord, ‘’partez au Sud’’. Vous savez ce que le Hamas leur a dit ? "Si vous allez au Sud, nous vous tuons". Nous avons des vidéos, je peux vous les envoyer, montrant que le Hamas tue les gens qui prennent la route vers le sud avec le drapeau blanc. Vous avez vu que ce sont les soldats israéliens qui ont éliminé les snipers du Hamas pour créer une route de sécurité pour les Palestiniens. Je ne connais pas d'armées qui font cela.

Qu’est-ce qui explique le fait que vous bloquiez l’aide alimentaire destinée à la population de Gaza ?

Nous avons des vidéos qui montrent que le Hamas exploite la population avec les aides humanitaires. Il vend les denrées à la population trois fois plus cher, alors qu'il les reçoit gratuitement. Voulez-vous que nous enrichissions nos adversaires ?

CHEIKH THIAM (ENVOYÉ SPÉCIAL EN ISRAËL)

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