Les 21 films de la sélection officielle
Pour cette 15e édition du festival international du film documentaire de Saint-Louis, 21 films constituent la sélection officielle et sont soumis aux regards du jury de la critique du festival Stlouis'Docs pour décerner le Prix de l'Association sénégalaise de la critique cinématographique 2024, mais également à celui du jury officiel dirigé par la cinéaste Rama Thiaw.
Urbanisme, évolution, patrimoine…
‘’Colobane’’ de Mbaye Diop est un film d'animation sur l’un des marchés les plus populaires et les plus anciens de Dakar. Le documentaire retrace la vie dans ce lieu d’échanges en constante évolution. L'objectif est de mettre en avant la constante évolution de ce marché emblématique du quartier où il est situé (Colobane). C’est un film d'animation réalisé à partir de 5 000 planches de dessins. Un processus graphique en noir et blanc.
‘’Mbaye Diop capture l'essence du lieu, le fourmillement des individus, l'énergie, la vivacité des échanges. Chaque trait témoigne de ce rythme effréné…’’ (Courtesy of Selebe Yoon, Dakar).
Le film ‘’Appartenez’’ de Justin Kparchaa (Togo) est un documentaire sur un lieu emblématique menacé de disparition. La menace provient à la fois du réchauffement climatique et de la mauvaise gestion du littoral. Le film est résumé ainsi : "Construite dans les années 2000, cette maison au bord de la plage de Baguida (au sud du Togo) autrefois était l'endroit à résider pour les expatriés en visite ou en vacances à Lomé. Aujourd'hui occupée par les jeunes en situation de précarité, elle leur sert de toit. Pourtant, elle est menacée par l'avancée de la mer. Une cause due au réchauffement climatique, d'une part, et, d'autre part, à cause de la mauvaise gestion du littoral".
Dans le film "KiLaWU’’, Kasongo Ngongo nous parle de Guychem Mbon, artiste plasticien bouleversé, depuis un petit moment, par les récentes apparitions d’étranges dessins et inscriptions sur un très grand nombre de murs de Kinshasa. Il explore à travers les différents quartiers de la ville à la recherche de cet artiste dont on ne semble pas avoir la connaissance.
Pour sa part, "Les fantômes de Sa'a’’ de Cynthia Etaba parle d’un legs architectural qu’il faut protéger. Fondée par les Allemands au début du XXe siècle, et ensuite occupée par les Français, la grande majorité des constructions de la ville de Sa'a sont dans un état de délabrement avancé, et pour certains en ruine. Ce qui donne à la ville cet aspect fantomatique.
"Pourquoi la population qui est héritière de ces bâtiments coloniaux ne se réapproprie-t-elle pas ce patrimoine architectural ?’’, se demande-t-on.
Dans ‘’Terra mater’’ (Rwanda, Suisse), Kantarama Gahiri nous plonge dans une quête pour trouver un espace de guérison à travers son personnage. Une quête qui soulève des interrogations sur notre mode de vie actuel où la technologie, les débris et les déchets envahissent nos sols, nos systèmes et même ‘’nos os’’.
Dans "Omi Nobu, l’homme nouveau" (Cap-Vert, Belgique), Carlos Yuri Ceunonck dresse le portrait de Quirino, un homme de 76 ans qui habite seul depuis plus de 30 ans dans un village abandonné au fond d’une profonde vallée, entre la mer et les montagnes. ‘’Commençant à se sentir vieillir, Quirino est confronté au dilemme d’avoir à quitter le seul endroit qu’il n’ait jamais connu ou d’y terminer ses jours".
Femme : lutte, rêve, craintes, union…
‘’Ala Obinrin, Rêve de femme’’ (Benin, Royaume Uni) d’Evely Agli, réalisatrice, productrice et journaliste parle des inquiétudes d'une jeune femme concernant la maternité et la pression sociale liée qu’elle endure.
"À l'âge de 32 ans, je ressens de plus en plus le désir de devenir mère, chaque jour qui passe. Malgré de nombreuses tentatives et des années de traitements médicaux infructueux, mes inquiétudes grandissent. La pression sociale qui s'exerce sur moi ne fait qu'aggraver la situation. C'est alors que je prends la décision de me tourner vers les femmes les plus influentes de ma vie : ma mère et ma grand-mère".
Au moment où cette jeune réalisatrice partage son parcours et son chemin pour être mère, ‘’Corps de femme’’ conte l’histoire de femmes ayant fait le choix d’avorter. Dans ce documentaire, la Béninoise Nelly Béhanzin aborde ainsi la question de l’avortement clandestin. ‘’Firmine est morte des suites d'un avortement clandestin. Je prends ma caméra pour porter sa voix, car son expérience, je l'ai vécue. Aujourd'hui, c'est une chance que je sois toujours en vie".
Pour sa part, le film ‘’Libre T’’ (Cameroun, France) de Steve Wilfried Kamdeu évoque l’histoire d’une jeune femme qui se bat pour faire carrière dans le slam, et élever seule ses deux enfants, à Yaoundé.
Un autre film à peu près allant dans ce sens : ‘’Bat dlo’’ (Haïti) de Estella Valsaint dresse. Il s’agit d’un portrait de Guerline, une jeune femme rurale de 24 ans, mère de deux enfants, commerçante ambulante originaire de Belle-Anse en Haïti. "Du matin au soir, au travers de la ville de Jacmel où elle vit depuis près de 15 ans, la vente de l'eau rafraîchissante est la seule activité commerciale dont elle dispose pour subvenir aux besoins de sa famille ", explique-t-on.
En ce qui concerne le film "Gracia, la Messi de Bangui’’ (République centrafricaine, France, RDC) de Leila Thiam, il aborde le rêve d’une fille de 18 ans, Gracia, de devenir footballeuse. Or, en République centrafricaine, ce sport est, dans la conscience populaire, réservé aux hommes. De plus, sa mère préférerait qu’elle se consacre à ses études. ‘’Mais Gracia porte un deuxième prénom, Messie, et elle y voit un signe du destin : comme son idole Lionel Messi, elle compte bien faire du football sa voie de réussite".
‘’Machtat" (Tunisie, Liban, France) de Sonia Ben Slama est l’histoire de Fatma, une Tunisienne. Dans la ville de Mahdia, en Tunisie, ses filles, Najeh et Waffeh, travaillent comme "machtat’’, musiciennes traditionnelles de mariage. ́’’Tandis que l'ainée, divorcée, tente de se remarier pour échapper à l'autorité de ses frères, la plus jeune cherche un moyen de se séparer de son mari violent".
Il y a aussi ‘’Dox dadje marcher, se croiser’’ (Sénégal, France). C’est un film d’Éléonore Coyette et d’Aïssatou Ciss. Il relate l’histoire d’une photographe et d’une réalisatrice qui se croisent et marchent ensemble.
Dualité, effets de la colonisation…
‘’Al Djanat, paradis originel’’ (Burkina Faso, France, Bénin, Allemagne) est un film de Chloé Aïcha Boro sur la dualité entre droit coutumier et le droit officiel. ‘’A la mort de son oncle, influent dignitaire de l’islam mandingue, la réalisatrice filme sa cour familiale. Un procès en héritage éclate entre les tenants du droit coutumier et les défenseurs du droit officiel, hérité de la colonisation occidentale. La cour devient le théâtre où se joue l’avenir d'une famille emblématique’’.
‘’Lèv la tèt dann fènwar’’ (Réunion, France) de Erîa Etangsalé est le récit de Jean-René, un ancien ouvrier aujourd’hui à la retraite. Il vit en France métropolitaine, à Mâcon, depuis son émigration de l’île de La Réunion à l’âge de 17 ans. Pour la première fois, il brise le silence et raconte à sa fille son histoire.
Ce film nous dévoile des rêves et des douleurs mystérieuses qui trouvent leurs racines dans les blessures de l’histoire coloniale française.
Le film ‘’Métis, les enfants cachés de la colonisation’’ (Rwanda, Burundi, Belgique) de Dominique évoque un autre aspect de ce passé colonial. L’on souligne que durant la colonisation belge, au Congo, Rwanda et Burundi, plusieurs milliers d’enfants métis furent victimes d’une ségrégation ciblée : enlevés à leur famille et placés dans des institutions spécialisées, ils furent ensuite exilés vers la Belgique, à la veille de l’indépendance. "Ce film raconte le parcours de plusieurs d'entre eux : 60 ans après les faits, ils reviennent sur leur passé, poursuivant la quête de leur identité, et cherchant toujours à refermer les blessures d'enfance".
Résilience, espoir, conflits…
‘’Bangui, République centrafricaine’’
Rodrigue et Reine forment un couple uni très investi dans les activités de leur église. Mais ils vivent avec un terrible secret : atteints du VIH, ils portent la maladie qu’ils considèrent comme une punition divine". Tel est le résumé du film "Fardeau’’ (R. centrafricaine, RDC, France, Allemagne) d’Elcis Sabin Ndaïbino.
Quant au film "Coconut head génération" (Nigeria, France) d’Alain Kassanda, il se focalise sur une revendication de la liberté de penser d’une nouvelle génération. "Tous les jeudis, un groupe d'étudiants de l'université d'Ibadan, la plus ancienne du Nigeria, organise un ciné-club, transformant un petit amphithéâtre en une agora politique où s'affine le regard et s'élabore une parole critique. "Coconut Head Generation", expression méprisante pour désigner une jeunesse bornée et sans cervelle, prend un tout autre sens lorsque les étudiants retournent ce stigmate pour revendiquer leur liberté de pensée".
Réalisé par Eli Maene Kumka (RD Congo), ‘’Lobi eko Simpa’’ raconte ‘’l'histoire de la résilience et de la résistance des habitants de Goma, une ville de l'est de la République démocratique du Congo coupée du monde par la guerre depuis plusieurs décennies’’.
Autre film: ‘’Tongo Saa’’ (RDC, Belgique, Allemagne, Burkina Faso) de Nelson Makengo. ‘’Kinshasa et ses habitants sont plongés dans l'obscurité. Ils attendent et luttent pour avoir accès à la lumière. Entre espoir, déception et foi religieuse, ‘Tongo Saa’ dresse un portrait subtil et fragmenté d'une population qui, malgré les défis, est sublimée par la beauté des nuits de Kinshasa’’.
‘’Zinet, Aler, le bonheur’’ (Algérie, France) de Mohammed Latreche rend hommage au réalisateur du ‘’Tahya Ya Didou’’ et des Algérois. ‘’Qui se souvient de Mohamed Zinet ? Aux yeux des spectateurs qui reconnaissent son visage et sa frêle silhouette, il est simplement ‘l'acteur arabe’ des films français des années 1970, d'Yves Boisset à Claude Lelouch. En Algérie, c'est un tout autre personnage… Enfant de la Casbah, il est l'auteur génial d'un film tourné dans les rues d'Alger en 1970, ‘Tahya Ya Didou’. Par cette œuvre unique, Zinet invente un nouveau cinéma, raconte une autre histoire, montre les Algérois comme jamais auparavant. Dans les pas de son ainé, dans les ruelles de la Casbah ou sur le port d'Alger, Mohammed Latrèche retracera l'histoire de ‘Tahya Ya Didou’ et de son réalisateur, inventif et talentueux’´.
BABACAR SY SEYE