Publié le 13 Dec 2015 - 20:19
TAS D’IMMONDICES, HERBES A GOGO, EAUX STAGNANTES, ETC...

Quand les mortels hantent le sommeil des morts

 

Créés en 1950, les cimetières de Pikine traînent, depuis quelques mois, une très mauvaise réputation. Les histoires de profanation de tombes s’y multiplient et laissent penser qu’il s’agit de pratiques très anciennes. EnQuête y a fait hier un tour hier.

 REPORTAGE 

Des tas d’immondices par endroit, de l’herbe qui pousse, un mur de clôture qui ne paie plus de mine. Les cimetières de Pikine offrent un triste décor. Les riverains ont fini par transformer l’endroit en dépotoir d’ordures. Même les mécaniciens qui squattent les abords s’y mettent, transformant l’endroit en un fouillis indescriptible. En plus des ordures, on y trouve des pneus, de la ferraille. La proximité avec les habitations est telle que la nuit, les riverains s’assoient près du mur pour faire un brin de causette.

Situés dans la commune de Pikine-Ouest, et à quelques jets de la route nationale, les cimetières de Pikine existent depuis 65 ans, du temps des coulons. L’endroit était un champ où poussaient également des palmiers. Il s’agit, dit-on, du quatrième cimetière construit dans la région de Dakar. Ce qui fait que sa capacité d’accueil est dépassée depuis belle lurette, selon les responsables. Des personnalités religieuses et politiques y reposent. Mais, dernièrement ce lieu de repos éternel est sorti de son anonymat à cause de pratiques immorales. Des corps ont été exhumés. Les auteurs en avaient apparemment pour les linceuls.

Anarchie

Un seul mot pour caractériser les cimetières de Pikine : anarchie. Et pourtant hier vendredi, il y avait du monde. Principalement des proches de défunts venus prier sur des tombes et faire un petit nettoyage. Chapelet à la main ; qui, un seau d’eau, un balaie ou un râteau, ils ont été nombreux à s’affairer autour des tombes. Conséquence de cette affluence, il était hier difficile de se mouvoir au sein du périmètre, notamment à cause des branches d’arbres disposées en tas. Il y a eu un abatage des arbres. A l’entrée, à gauche, il y a un espace où poussent des herbes. Là, la nappe phréatique affleure. On dirait un jardin, avec toute cette verdure. Ici, de nombreux obstacles se dressent sur le seul chemin qui permet de s’enfoncer dans ce cimetière. Si ce ne sont pas des tas d’herbes, le visiteur doit éviter des bidons vides, des tas d’eau, des pneus, de la ferraille….

Depuis l’éclatement de cette affaire, des projecteurs ont été installés pour combattre les ténèbres qui faisaient le bonheur des profanateurs. Outre ces constats, ce qui frappe, c’est la hauteur ridicule du mur de clôture qui ne constitue absolument pas un rempart contre des intrus malintentionnés. Le désherbage qui a été annoncé n’a été que partiel. ‘’Chaque année, on avait l’habitude de voir les talibés de certains marabouts ou des associations et des bonnes volontés venir pour le désherbage. Cela n’a pas été le cas cette année. C’est peut-être à cause de cela qu’on voit de l’herbe en grande quantité, alors que l’hivernage a fini’’, explique un habitué des lieux.

‘’Il y a trop de bordel dans ce cimetière’’

Plus on avance, plus on constate des choses qui inquiètent. Au fond à droite, c’est le territoire des mécaniciens. Ils ont pris possession du mur en haut duquel ils déposent leurs outils de travail. ‘’Personne ne peut rien contre eux. Ils refusent de quitter les lieux. Peut-être que si les autorités policières les somment de vider les lieux, ils s’en iront. On avait prévu d’adresser une lettre au Préfet lui demandant d’ordonner leur déguerpissement, mais il y a un problème de consensus au sein du voisinage. Ils savent très bien que ce qu’ils font, ce n’est pas normal’’, tonne Abdou Lô venu prier pour le repos de sa mère qui a quitté ce bas-monde, il y a de cela une dizaine d’années. ‘’Il y a trop de bordel dans ce cimetière. Je pense qu’on doit siffler la fin de la récréation. Chacun doit savoir que nous sommes tous appelés à venir ici un jour. La mort n’épargnera personne. Donc, en tant que mortel, on doit respecter les âmes de nos morts’’.

Abdou Lô, comme d’autres visiteurs, n’a pas fini de souffrir de ce laisser-aller. Il constate impuissant que l’endroit est un dépotoir d’ordures. A ce propos la dame Aby Diallo fait une révélation alarmante. ‘’De bonnes volontés, confie-t-elle, vous ont devancé ici pour enlever pas mal de saletés, depuis l’éclatement de cette affaire de profanation. Sinon, vous n’alliez pas croire que vous êtes dans un cimetière. L’autre jour, on a failli assister à une grosse bagarre. Quelqu’un est venu prier sur la tombe de ses parents. Il a trouvé beaucoup d’herbes et autres immondices sur le tombeau. N’eut été les bonnes volontés qui se sont interposées, il allait surement se faire justice. Il était incontrôlable’’.

Et pourtant, on a rencontré un septuagénaire  qui souligne que l’endroit est bien entretenu, comparé à d’autres cimetières dont il n’a pas voulu citer les noms.

CHEIKH THIAM

 

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