Publié le 29 Feb 2024 - 15:30
THÉÂTRE – ‘’GUEWEL’’ DE LAMINE SONKO

Exploration de la sagesse ancienne préservée dans les rituels culturels

 

‘’Guewel’’, une œuvre théâtrale de Lamine Sonko, explore les domaines interconnectés de l'humain, du naturel et du spirituel à travers des rituels culturels sacrés. Elle a été jouée en grande première à Sorano. La première mondiale est attendue en Australie en 2025.

 

La pièce ‘’Guewel’’, une œuvre du réalisateur et compositeur Lamine Sonko, s’ouvre dans un espace spirituel, mystique, symbolique et mythique. Et à travers la projection d'images en 3D, le metteur en scène installe, dès le début, les spectateurs dans un voyage céleste et terrestre, en compagnie d’une musique qui facilite la connexion avec la nature. Des battements de tam-tams annoncent l’entrée en scène des personnages portant un masque, ayant parfois une corne au milieu du crâne.  Il s’agit des esprits (du soleil, par exemple).

Par la suite, deux griots, fins connaisseurs des savoirs traditionnels, chantant en chœur, dévoilent, un par un, les éléments du tam-tam dissimulés sur la scène. C’est le début d'une immersion dans les différents terroirs du Sénégal où l’on découvre le grand apport des griots aux différentes cérémonies : baptême, rituel culturel sacré, cérémonie funéraire, etc. Cette création multiartistique entrelace habilement des éléments traditionnels et contemporains.

La pièce a été présentée en grande première au théâtre Sorano. ‘’Cet ouvrage théâtral explore les domaines interconnectés de l’humain. Elle associe l'audiovisuel, les masques, la danse et les chants. Elle montre les dimensions de la connaissance de la cosmogonie dans les rythmes et les chants. L'objectif est de partager pour montrer que l'Afrique, berceau de l'humanité, a beaucoup à donner’’, a souligné M. Sonko. ‘’Guewel’’ se termine sur une scène de la résurrection. Celle-ci, d'après le metteur en scène, représente la cosmovision africaine qui croit à la connexion de l'homme avec la nature, les esprits et le cosmos. C'est aussi une manière de faire ressusciter ce qu'il y a en nous’’, indique Lamine Sonko.

La pièce a été jouée par six acteurs qui ne sont pas des comédiens professionnels, mais des artistes exerçant dans d’autres secteurs comme la danse ou la musique (joueur de kora), etc. Le travail a été fait en un mois, d'après nos informations. C'est une pièce sans dialogue, sans discours, "pour refléter le parcours de l’émigré qui peine à faire entendre sa culture", explique l’auteur.

Critique d'art, le Pr. Maguèye Kassé a été impressionné par cette pièce de théâtre. ‘’Ce sont des parties de notre histoire qui nous renseignent sur l'importance de la culture du terroir. Nous avons été promenés à travers le spectacle ‘Gueweul’ dans une forme de narration sans verbe. Tout est dans le jeu des acteurs qui nous amène dans un passé qu'on a tendance à oublier", apprécie-t-il.

"La pièce nous montre l'importance de l'esprit dans nos civilisations. La cosmogonie signifie la relation qui existe entre trois sages qui créent la lune, le soleil et les étoiles. Dans les contrées lointaines sous la pleine lune, on célébrait la voûte céleste. Elle guide les navigateurs et renseigne sur l'unicité du monde dans lequel l'homme occupe une place spéciale. C'est à lui de déchiffrer le message contenu dans l'univers", poursuit M. Kassé.

Le directeur du théâtre Daniel Sorano, Ousmane Barro Dionne, de renchérir que ce théâtre montre l’identité des Africains. "Ce qu'on a présenté, c'est notre tradition, notre histoire, la culture africaine. ´Guewel’ peut signifier l'arbre à palabres qui nous permet de replonger dans notre identité. Il y a de bonnes volontés, des gens qui sont conscients de la force de notre culture, véhicule de transmission de valeurs".

Appréciant la polyvalence des acteurs, il déclare :  "Instrumentistes et musiciens sont sur la scène à la place des comédiens. Les gens doivent se surpasser pour être des artistes polyvalents. Sortir de sa zone de confort permet d'exprimer son vrai potentiel.’’

D'autres artistes australiens vont intégrer la pièce qui sera également jouée en Australie. La première mondiale tant attendue en Australie est prévue en 2025.

En effet, développé à la fois au Sénégal et en Australie, le projet a fait l'objet d'une recherche approfondie basée sur la pratique, en collaboration étroite avec d’anciens culturels et des artistes du théâtre national Sorano.  

Au-delà de sa dimension d'artiste, Lamine Sonko est un musicien qui représente le Sénégal en Australie. Il s’est lancé dans ce projet, il y a six ans, entreprenant une recherche approfondie aux côtés d’anciens 'guewel’ (griots) à Dakar, au Sénégal, explorant la sagesse ancienne préservée dans les rituels culturels.

Les entreprises artistiques de Sonko tirent une profonde inspiration du riche savoir traditionnel africain, donnant vie à des expériences multiartistiques qui trouvent leurs racines dans ses origines culturelles en tant que "guewel" du clan Sing et Korings de Kaabu, tout en étant membre des communautés culturelles sérère, wolof et mandingue du Sénégal, d'après le producteur Olive Moynihan.

C’est en 2018 que Sonko a fondé 13.12, un projet international qui rassemble des artistes, d’anciens culturels, des communautés et des universitaires pour explorer comment les expériences artistiques multi-sensorielles alignées sur le savoir traditionnel sacré peuvent enchanter, activer et inspirer à travers diverses formes d'art.  

Olive Moynihan précise : "D'après les conceptions anciennes de la relation entre les cycles du soleil et de la lune, 13.12 reflète l'intégration profonde de la cosmologie et des mathématiques dans la musique et la danse traditionnelles au Sénégal. En parlant de ’Guewel’, Lamine Sonko le décrit comme une cérémonie rituelle pour ouvrir les portails vers les sphères de raabyi (divinités spirituelles) transmettant un savoir incarné comme des voies vers des paysages de l'esprit.’’

BABACAR SY SEYE

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