Entre récriminations et satisfecit des acteurs culturels
Les acteurs culturels de Guédiawaye et de Pikine ont reçu, hier, le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop. Au moment où Pikine décerne un satisfecit à la tutelle, Guédiawaye soulève mille et un problèmes.
Les rapports de ses différents directeurs de service ne suffisent plus au ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop. Il est maintenant sur le terrain pour échanger avec les artistes et voir ce qui a été fait jusque-là, dans le secteur de la culture notamment. C’est ainsi qu’après sa tournée dans le sud et le centre du Sénégal, il était hier à Pikine et à Guédiawaye. C’est le siège de l’association Guédiawaye hip-hop qui a reçu le face-à-face entre M. Diop et les acteurs culturels de ce département.
‘’A Guédiawaye, le mot qui convient le mieux pour définir la situation des acteurs de la culture est crise’’, a déclaré d’emblée le représentant des acteurs culturels, Abdourahmane Touré. ‘’Guédiawaye est dépourvu d’infrastructures adaptées à la pratique culturelle : aucune salle, aucun centre culturel, pas de galerie, ni de salle de cinéma, aucun lieu officiellement dédié à la culture’’, a indiqué M. Touré.
Loin de terminer de peindre le tableau noir de la culture, il a ajouté que ‘’Guédiawaye se sent isolé de la gestion étatique de la culture’’. Il dit regretter que le centre culturel régional Blaise Senghor, qui devait servir de relais entre le ministère de la Culture et les artistes, soit inscrit ‘’aux abonnés absents’’.
A cet effet, ses camarades et lui réclament la mise sur pied d’un service départemental de la culture.
Seulement, le ministre leur a rappelé que Guédiawaye n’est pas la seule localité du Sénégal. Un pays, c’est un tout, a-t-il soutenu. Donc, sa gestion nécessite une réflexion globale et non pas partielle ou par zone. Pour dire que toutes les régions du Sénégal se valent.
En outre, la gestion de la Mutuelle de santé des acteurs culturels est également au cœur des préoccupations des artistes de Guédiawaye. Ils disent ne pas comprendre que cette dernière ne puisse, depuis sa création et les nombreuses subventions dont elle a bénéficié, être fonctionnelle. Les artistes malades se prennent toujours eux-mêmes en charge, à les en croire.
Sur ce point, le ministre de la Culture leur a rappelé que c’est à eux de fournir les explications de ce blocage. En effet, la mutuelle de santé est une structure privée gérée par les artistes. L’Etat vient juste en appoint. Par conséquent, si les artistes se posent des questions, ils devraient interpeller les membres du conseil d’administration qu’eux-mêmes avaient choisis au cours d’une assemblée générale tenue au Grand Théâtre et non le ministère de la Culture.
‘’Nous avons un problème d’accueil, d’écoute et de réceptivité à nos attentes’’
Un autre écueil soulevé est la gestion de la Direction des arts. ‘’Nous avons toujours pensé que la Direction des arts est la maison des artistes. Malheureusement, ces dernières années, nous autres acteurs culturels de Guédiawaye, nous nous heurtons à un mur qui ne dit pas son nom. Nous avons un problème d’accueil, d’écoute et de réceptivité à nos attentes. Nous exigeons des changements dans cette grande direction qui régente et gère l’essentiel des fonds’’, a dit Abdourahmane Touré. Seulement, vu la liste des subventions accordées en 2018 par le ministère de la Culture à travers la Direction des arts, c’est à se demander de quels problèmes de gestion ils parlent.
En effet, les acteurs culturels de Guédiawaye ont reçu, en tout, plus de 32 millions de F Cfa. L’association Guédiawaye hip-hop a perçu, par exemple, 4 millions, Yoro Ndiaye du festival Abris des enfants a eu un million, Pape Meissa Guèye, pour une création chorégraphique, a encaissé 2 millions de F Cfa. ‘’Ce n’est peut-être pas assez pour vous, mais pensez à ceux qui n’ont rien reçu, parce qu’ils n’ont pas été formés pour écrire des projets et concourir afin de bénéficier de subventions’’, leur a rétorqué le ministre de la Culture.
Ce dernier les a appelés à l’union. Et il y a de quoi, au vu des discours contradictoires soutenus de part et d’autre.
En effet, au moment où Abdourahmane Touré et Cie soutenaient que le ministère de la Culture et de la Communication, les mairies de Guédiawaye ne les soutenaient pas du tout, Malal Talla alias ‘’Fou Malade’’ déclarait le contraire. Il a remercié les communes qui les appuient régulièrement ainsi que le ministère de la Culture, à travers le Fonds de développement des cultures urbaines. Les deux structures ont permis à Guédiawaye hip-hop de voir, en partie, le jour. Fou Malade n’a donc rien inventé.
Il n’empêche qu’Abdoulaye Diop appelle tous les acteurs de la culture à s’unir, comme c’est le cas à Pikine. C’est la première localité visitée par le ministre, hier, après un saut au studio Sankara où il a échangé avec Didier Awadi. Un accueil des plus chaleureux lui a été réservé par l’Association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (Arcots) de Pikine et Africulturban. Ils ont décerné un satisfecit à leur tutelle.
Président de l’Arcots, Leyti Fall assure que jamais il ne jettera de pierre dans le jardin des autorités de la culture, tant qu’elles ont une oreille attentive à leur prêter. Ainsi, ce qu’ils veulent dire, ils le leur diront dans leurs bureaux, puisqu’ils sont des collaborateurs et n’ont pas dans les médias. ‘’Notre mission est de voir comment faire pour aider les jeunes qui sont derrière nous. Nous sommes forts de 500 membres dont un bureau de 36 personnes. Vous imaginez ce que cela fait, mais nous ne tendons jamais la main pour demander quoi que ce soit. Que personne ne compte sur moi pour vilipender le ministre. Je ne le ferai pas’’, a-t-il fait savoir sous les applaudissements des autres membres de l’Arcots.
Même son de cloche chez le manageur général de l’association. Pour Mamadou Fall, ce n’est parce qu’ils n’ont pas besoin de soutien qu’ils ne viennent pas auprès du ministre Abdoulaye Diop. C’est parce que leur structure encadre et soutient leurs membres de concert avec les services du ministère.
‘’Vous n’avez pas toujours reçu, Monsieur le Ministre, de courrier d’Arcots-Pikine pour un quelconque soutien et depuis votre nomination. Tout ce que nous attendons de vous, c’est votre soutien. Soyez notre interlocuteur auprès du chef de l’Etat et de vos collègues ministres. Dites-leur que nous sommes là pour participer à leur stratégie de développement. Ils devraient pouvoir prendre en compte les artistes du théâtre dans leur budget de communication’’, a souhaité M. Fall.
Il n’est certes pas sollicité, mais Abdoulaye Diop sait ce qu’il doit faire. Il s’est engagé à aider les artistes qui sont des éléments fédérateurs d’une nation. C’est dans ce sens, selon lui, que le gouvernement a revu à la hausse tous les budgets de fonds d’aide de son ministère. ‘’Vous nous avez valu beaucoup de satisfaction au niveau international. Nous avons d’énormes potentialités dans ce secteur. Je vous invite à vous approprier l’histoire du Sénégal. Si notre pays est connu aujourd’hui, ce n’est ni grâce à son pétrole ni à son gaz, mais à sa culture et sa diplomatie. La question de l’identité est fondamentale et l’appropriation de l’histoire du Sénégal pourrait nous aider à faire connaître nos références nationales’’, a défendu M. Diop.
CHEIKH THIAM