Les explications de la diplomatie libyenne
Les services de l’ambassade de Libye à Dakar affirment que le pays n’est pas prêt ‘‘à être l’agneau du sacrifice’’ dans la situation des responsabilités, suite aux condamnations sur la traite de migrants subsahariens.
L’exercice était, par moments, difficile pour le chargé d’Affaires de l’ambassade de Libye au Sénégal, Frgani Ali Abdel Jalil, manifestement peu habitué à répondre aux questions de la presse. Le diplomate, qui intervenait jeudi dernier sur la vente de migrants dénoncée par le reportage de la chaîne de télé Cable News Network (Cnn) a dégagé toute responsabilité des autorités du gouvernement de réconciliation nationale de son pays. ‘‘Ce qu’a diffusé la chaine américaine et qui ressemble à une opération de vente aux enchères d’êtres humains, est en fait une opération criminelle menée par des bandes locales et internationales, et nous la condamnons avec la dernière énergie’’, a-t-il déclaré avant d’annoncer que les pouvoirs publics de son pays comptent tirer cette affaire au clair. ‘‘Le gouvernement de réconciliation nationale a chargé les autorités compétentes libyennes de mener une enquête circonstanciée sur la question, afin de découvrir la vérité, informer l’opinion nationale et internationale de ses dimensions et traduire les personnes impliquées devant la justice’’, a-t-il annoncé.
Le diplomate s’est ensuite agrippé à la bouée Donald Trump, dont l’aversion pour cette télévision est de notoriété publique, pour relativiser la portée de ce documentaire. Après la diffusion du reportage de la journaliste de Cnn, Nima Elbagir, sur le trafic et la vente de migrants africains subsahariens, un concert d’indignations a visé la Libye. D'ailleurs, l’ambassadeur au Sénégal a été convoqué par la chancellerie pour une séance d’explications, quelques jours après l'éclatement de cette affaire. Le chargé d’affaires a réitéré l’attachement de son pays à l’Afrique et à la cause africaine, et a fait appel à l’histoire de la coopération multilatérale de son pays avec ‘‘d’immenses investissements de plus de 10 milliards de dollars’’.
Des solutions sont en train d’être mises en œuvre, puisque 9 700 personnes ont déjà été redirigées dans leurs pays d’origine, selon le diplomate. ‘‘L’organisme chargé de lutter contre l’immigration illégale a annoncé, à la date du 28 novembre 2017, l’organisation de quatre vols aériens par semaine pour les convoyer vers leurs pays, en collaboration avec l’Organisation internationale des migrations, dans le cadre d’un programme de retour volontaire’’, a-t-il annoncé.
‘‘Que la Libye ne soit pas l’agneau du sacrifice’’
Depuis la chute du guide libyen autoproclamé Mouammar Kadhafi à Syrte, en octobre 2011, le pays est en proie à une instabilité qui n’est pas étrangère au développement de ce phénomène. Avec la véhémence des critiques, le chargé d’affaires estime que cet état de fait n’est pas la responsabilité exclusive de son pays et dénonce une ‘‘campagne médiatique dévastatrice’’. ‘‘Cela nous a poussé à nous étonner profondément des objectifs réels visés, à travers cette campagne venant de pays qui refusent d’accueillir des immigrés sur leur sol et s’abstiennent de contribuer à la prise en charge des frais mobilisés en vue de mettre fin à ce phénomène dont la Libye est la plus grande victime’’, déplore Abdel Jalil. Les autorités de son pays dénoncent la passivité de la communauté internationale et ‘‘plus particulièrement les Etats européens’’ de la laisser seule faire face aux charges de ce phénomène, alors qu’ils cherchent à fixer les migrants dans des centres de détention en Libye.
‘‘Nous insistons sur la nécessité de ne pas exploiter la souffrance des immigrés à des fins politiques. Nous insistons pour que la Libye ne soit pas présentée comme l’agneau du sacrifice’’, a-t-il ajouté, se réjouissant également du fait que les autorités nigériennes aient démenti toute traque et emprisonnement de Nigériens en Libye.
OUSMANE LAYE DIOP