Coly piégé
C’est un propos d’hier, imbibé dans l’élixir de jouvence, qui parle les yeux dans les yeux au temps présent. Félix Guattari dit quelque part que la force du capitalisme, le règne de l’équivalence absolue, c’est de pouvoir transformer tout en merde. Il aurait ajouté aujourd’hui : ou en Coly piégé.
Il y avait quelque chose de pathétique à regarder, juché sur le mirador de L’Observateur, Ferdy-le taiseux s’épancher dans une touchante traversée du désert. Son émouvant porter-presse contre son ancien partenaire en affaires, Saliou Samb (Président du Conseil départemental de Mbour), est un tacle désespéré qui s’étale pitoyablement aux yeux de l’opinion affligée comme un but contre son camp. L’aveu public que le mirage de l’immeuble sis à Liberté 6 Extension, au faîte duquel flottait l’étendard de la réussite bétonnée de sa reconversion post-footballeur, s’est écroulé comme un château de cartes (1).
La parole déverrouillée en ‘’Je vais foutre le bordel’’ de Ferdinand Coly avait la puissance de l’impuissance, comme un écho d’une chose morte… qui se sait morte. Ce râle, désespéré et sulfureux, ne porte pas l’Adn de cet ancien rasta-cool, gentleman au verbe classe, mais il colporte la rumeur sourde d’une pulsion vitale, instinctive et irraisonnée d’un vieux Lion transi de frousse, posé au bord du précipice où s’est engloutie la quasi-totalité de ses épargnes d’ancien footballeur professionnel surpayé. Le nouvel apeuré du lendemain sait que ‘’l’affaire’’ est cuite, mais il laisse survivre une illusion du possible, comme un condamné dans le couloir de la mort…sociale.
Coly-le footeux a toujours promené sous sa tignasse une sorte de politesse surannée qui a toujours semblé occulter une sorte d’inconfort psychologique. Chacun de ses pas, chacune de ses courses, chacun de ses gestes trahissaient son histoire personnelle : son exil forcé de la Casamance, son enfance compliquée en France, son adolescence acharnée d’apprenti-footballeur et sa peur du vide, de ce vide dans lequel il a lambiné, môme, et que le destin malheureux de ses affaires semble lui promettre. Une fin redoutée et redoutable qui justifie les moyens médiatiques usés par ce Sisyphe de la vie pour tenter de nier l’inéluctable, d’inverser le sort promis à ses investissements qui devaient lui garantir un confortable après-football.
Au soir de sa carrière, Coly avait, comme beaucoup d’anciens sportifs de haut niveau, sur préparé son compte en banque, mais était impréparé au monde réel, aux réalités du business, à la vie tout court.
Le footballeur professionnel est un citoyen hors-sol, enfant gâté, un peu dans sa bulle, grand gosse finalement qui prospère en une sorte de pensionnat. Un peu trop connu, un peu trop riche, mais trop peu libre, sinon de la gestion de son argent. Tout son quotidien est plus ou moins règlementé : l'heure du coucher, la sieste, l'heure des repas, port de tenue règlementaire, langage rudimentaire et calibré. Et, au matin de la retraite, on savoure sans doute la liberté de choisir la couleur de son tee-shirt, on laisse derrière soi vingt ans de vie réglée, minutée, et tendue vers le seul football. Mais on bute violemment sur la fin de la “chouchouterie”, on assiste à l’émiettement de la coquille qui protégeait des férocités de la société, des esprits malfaisants, des “vautours” et des vendeurs de rêve.
Un réveil brutal, qui se révèle souvent fatal, pour des trentenaires sommairement éduqués (au plan scolaire s’entend) qui ont passé leur jeunesse triomphante à roupiller sur leur confortable matelas financier. Sans savoir quoi en faire, sans savoir de quoi demain sera fait. Reste à savoir si la faute n’est pas à imputer à un “système” qui met des fortunes entre les mains “innocentes” de garçons à qui on n’a rien appris sinon à taper de la meilleure des façons dans un ballon. Et qui restent à la merci du premier pique-assiette qui passe, du premier “vautour’’ qui rôde…
Par l’aspect caricatural des affaires qui lestent sa vie de businessman, Coly s’offre en ‘’proie facile’’, en ‘’pigeon’’ que l’on déplume à tour de bras sans qu’il n’y ait personne pour lui porter secours. Après la première affaire de ses vergers, c’est la deuxième fois qu’il toque à la porte du tribunal pour tenter de sauver ce qui reste de ses millions. Ou de ses illusions. Par la faute de ‘’mauvaises rencontres’’ sans doute. Par sa faute, aussi. Car son tort est de s’inventer un talent qui lui est étranger. Pas celui de footballeur, mais celui plutôt de financier, rompu aux arcanes du monde des affaires et de ses artifices.
La plupart des anciens grands sportifs qui ont magnifiquement réussi leur après-carrière brillent par leur génie dans l’art de savoir bien s’entourer, de savoir choisir le (s) conseiller (s) financier (s), le (s) gestionnaire (s) de patrimoine et/ou l’avocat d’affaires hautement outillés pour faire prospérer les deniers qu’ils ont passé à ramasser sur tous les terrains du monde.
Et voilà ce que coûte au ‘’pôvre’’ Ferdy de faire le besogneux sur tous les terrains…
ABDALLAH DIAL NDIAYE
1. L’ancien footballeur international sénégalais accuse son ancien partenaire au sein de la société Blue Trade (spécialisée en vente de produits de mer), Serigne Saliou Samb, d’escroquerie et d’abus de biens sociaux, entre autres griefs. Il a porté plainte devant les tribunaux contre M. Samb et lui réclame 1 milliard de F CFA. L’ancien buteur des Lions, Mamadou Niang, était aussi actionnaire au sein de la société en faillite.