Une activiste insoumise au service de Gaza

Elle incarne une nouvelle génération d’élus européens, portés par les luttes transnationales et les mémoires d’exil. Rima Hassan, juriste, militante franco-palestinienne et désormais eurodéputée insoumise, s’est hissée au cœur de la scène géopolitique en défendant avec force la cause palestinienne. De son enfance dans un camp de réfugiés en Syrie à son arrestation par l’armée israélienne en juin 2025, son parcours dessine la trajectoire d’une voix libre, clivante et profondément engagée. Portrait d’une femme qui fait de son mandat une tribune pour Gaza — et un défi pour les équilibres diplomatiques.
Elle n’a pas foulé le sol de Gaza, mais son nom résonne désormais comme un cri de défi contre le blocus israélien. Le 12 juin 2025, Rima Hassan, eurodéputée franco-palestinienne élue sur la liste de La France insoumise, atterrit à Roissy dans un climat de tension politique et de ferveur militante. Elle ne passe pas par les arrivées publiques, laissant à distance les cris émouvants de militants répétant inlassablement ‘’Free Palestine !’’ et ‘’Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide !’’. Surnommée ‘’Lady Gaza’’ par ‘’le Journal du Dimanche’’, Rima Hassan est désormais bien plus qu’une figure de la gauche radicale : elle est devenue l’emblème politique d’une cause universelle, celle du peuple palestinien.
Son arrestation par l’armée israélienne, au large de la bande de Gaza, alors qu’elle tentait de briser le blocus à bord du voilier ‘’Madleen’’, n’est pas passée inaperçue. En grève de la faim, placée à l’isolement pour avoir inscrit ‘’Free Palestine’’ sur le mur de sa cellule, elle a suscité une vague de solidarité internationale, entre communiqués de presse indignés, mobilisations sur les réseaux sociaux et pressions diplomatiques françaises. Même Jean-Luc Mélenchon, son chef de file politique, n’a pas mâché ses mots : ‘’On la croira libérée quand on la verra à Paris. D'ici là, on se mobilise et on méprise ses geôliers et leurs complices ici.’’
Mais cette opération symbolique n’est pas une première pour Rima Hassan. Déjà en 2010, elle tente de rejoindre la Palestine avec l’association Euro-Palestine. Le voyage s’arrête à Roissy où les autorités israéliennes la privent d’embarquement pour Tel-Aviv. Son engagement ne date donc pas d’hier. Il est profondément ancré dans une histoire personnelle douloureuse et un parcours militant cohérent.
Née en 1992 dans le camp de réfugiés de Neirab, près d’Alep, Rima Hassan est la benjamine d’une fratrie de sept enfants. Dix années durant, elle grandit dans la promiscuité, l’instabilité et la mémoire vive de l’exil palestinien. Après le divorce de ses parents, elle débarque en France, à Niort, avec sa mère, ancienne institutrice reconvertie dans les ménages. Loin de la chaleur du camp, c’est un autre exil qui commence, fait de logements Emmaüs, de frères traumatisés, de voisins qui appellent la police, et de photos de la première intifada accrochées au mur.
Son père, ancien mécanicien dans l’armée de l’air syrienne, est resté dans la région. Cette enfance heurtée forge une personnalité combative, indocile, attachée à la justice. Rima Hassan s’engage très tôt dans les associations, les collectifs et le militantisme universitaire. Son mémoire de fin d’études – un travail comparatif sur l’Afrique du Sud de l’apartheid et l’État d’Israël – est déjà le signe d’une démarche politique assumée.
Ce passé n’a jamais cessé d’alimenter ses prises de position. Défendant la Palestine dans l’hémicycle européen, à la tribune ou sur les réseaux sociaux, elle concentre les critiques et attire les soutiens. Elle gère sa communication comme une stratégie de contre-pouvoir et n’hésite pas à accuser publiquement l’Europe de duplicité ou la France d’hypocrisie diplomatique.
Ce même 12 juin, alors que Rima Hassan atterrit en France, un autre convoi pour Gaza fait route vers la bande côtière. Parti de Tunisie, le cortège de militants fait étape à Tripoli. L’opération, très médiatisée, bénéficie indirectement de la visibilité suscitée par Rima Hassan. Car même empêchée d’accoster à Gaza, l’eurodéputée aura réussi l’essentiel : porter la question palestinienne au sommet de l’agenda médiatique européen, rappeler que l’injustice s’entretient aussi dans le silence et forcer chacun à prendre position.
Courageuse pour les uns, imprudente pour les autres, elle incarne une gauche de combat, radicale, universaliste, parfois clivante. Rima Hassan n’est pas une diplomate, elle est une militante élue. Une femme pour qui le mandat européen n’est pas un strapontin, mais une tribune et pour qui la Palestine ne se plaide pas seulement en discours, mais en actes, même risqués.