L’attaque armée d’un bâtiment de l’industrie de la défense fait cinq morts et vingt-deux blessés près d’Ankara
Deux des assaillants ont été « neutralisés » par les forces de l’ordre après une explosion suivie de tirs devant le siège de Turkish Aerospace Industries. Le ministère de l’intérieur a jugé que l’attaque est « très probablement liée au PKK », organisation politique kurde ciblée par des frappes de l’armée turque dans la soirée en Irak et en Syrie.
Une attaque a fait cinq morts et vingt-deux blessés, mercredi 23 octobre, devant le siège de Turkish Aerospace Industries (TUSAS), à proximité d’Ankara, selon les bilans partagés par les autorités. Selon l’agence de presse turque Anadolu, le ministre de l’intérieur, Ali Yerlikaya, a désigné le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan, en lutte armée contre le gouvernement, comme responsable « très probable » de l’attaque, qui n’a pas été revendiquée.
« Le processus d’identification et la recherche d’empreintes digitales se poursuivent et nous dirons quelle organisation terroriste est à l’origine de l’attentat (…). La manière dont cette action a été menée est très probablement liée au PKK », a déclaré le ministre, qui a relevé le bilan à cinq morts et vingt-deux blessés. Selon lui, les assaillants étaient deux et ils ont été tués.
De son côté, le ministre de la défense, Yasar Güler, a également évoqué la possible responsabilité du PKK : « Comme ils le font toujours, ils ont tenté de troubler la paix de notre nation en menant une attaque ignoble et déshonorante. » « Nous infligeons toujours à ces scélérats du PKK le châtiment qu’ils méritent, mais ils ne reviennent jamais à la raison. Nous ne renoncerons pas à les poursuivre jusqu’à ce que le dernier terroriste soit éliminé, et nous les ferons souffrir pour ce qu’ils ont fait », a-t-il assuré.
Dans la soirée, son ministère a annoncé avoir frappé des cibles du PKK et de ses alliés dans le nord de l’Irak et en Syrie. « Conformément à nos droits d’autodéfense découlant de l’article 51 de la Charte des Nations unies, une opération aérienne a été menée contre des cibles terroristes dans le nord de l’Irak et de la Syrie le 23 octobre 2024, et un total de trente-deux cibles appartenant aux terroristes ont été détruites avec succès », a indiqué le ministère dans un communiqué, précisant que ces « opérations aériennes se poursuivent ».
Le vice-président turc, Cevdet Yilmaz, qui a rendu visite aux blessés de l’attentant dans la soirée, avec plusieurs membres du gouvernement, a déclaré qu’une des personnes mortes, outre quatre employés du site, est un chauffeur de taxi dont le commando a braqué la voiture avant l’attentat. Et que sept des blessés sont des policiers.
Une enquête ouverte
« Deux terroristes ont été neutralisés », avait dit M. Yerlikaya, sur X, sans préciser s’ils avaient été arrêtés ou tués, ni s’il y avait d’autres assaillants. « Une attaque terroriste a été perpétrée contre les installations de TUSAS à Ankara. Malheureusement, nous avons eu des martyrs et des blessés dans cette attaque », avait déclaré, plus tôt, le ministre sur X. Le terme « martyr » est généralement usité pour annoncer la mort de soldats. De son côté, le ministre de la justice, Yilmaz Tunç, a annoncé, sur X, qu’une enquête avait été ouverte par le parquet général d’Ankara.
De nombreuses condamnations ont afflué de la part des soutiens d’Ankara, dont celle de Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, dont la Turquie est membre, qui a affirmé « se tenir au côté de notre allié, la Turquie ». De même la délégation européenne dans le pays s’est dite « très choquée et attristée », ainsi que les ministères des affaires étrangères allemand et français et les ambassades de France et des Etats-Unis en Turquie.
« Bien que nous ne connaissions pas encore le motif ou l’auteur exact de cet acte, nous condamnons fermement cet acte de violence », a déclaré, de son côté, John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche, faisant part des condoléances américaines aux victimes.
« Aujourd’hui, le siège d’une société d’aviation turque a été attaqué par des terroristes, et il y a des morts et des blessés », a déclaré, sur X, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. « Nous condamnons vivement le terrorisme sous toutes ses formes », a-t-il poursuivi, assurant la Turquie de la « solidarité » de l’Union européenne.
Selon la chaîne de télévision privée postée à l’entrée du site, à une quarantaine de kilomètres d’Ankara, les tirs qui continuaient de résonner après l’explosion, survenue autour de 16 heures (heure locale, 15 heures à Paris), ont cessé peu après 17 h 30 (16 h 30 à Paris).
Il y a eu une explosion, suivie de coups de feu, ont rapporté les médias locaux. Selon les premières images diffusées par la chaîne de télévision privée NTV, l’explosion qui s’est produite vers 16 heures a dégagé une importante fumée blanche devant l’entrée du site, située à une quarantaine de kilomètres de la capitale.
Un important salon des industries de défense et aérospatiales se tient cette semaine à Istanbul, qui a vu notamment la visite du ministre des affaires étrangères ukrainien. Le secteur de la défense turc, qui comprend les fameux drones Bayraktar, a représenté près de 80 % des revenus à l’exportation du pays et 10,2 milliards de dollars pour l’année 2023.
Recherche d’une solution au conflit entre la Turquie et les Kurdes
Cette attaque survient aussi alors que la classe politique semble vouloir trouver une solution politique et négociée au conflit sanglant avec les combattants kurdes. Le principal parti pro-kurde, le DEM (ex-HDP), troisième force au parlement, a ainsi jugé « significatif » qu’elle se produise « alors que la société turque discute de solutions pour faire émerger la possibilité d’un dialogue ». Mardi, le président du MHP (nationaliste) Devlet Bahçeli, principal allié du parti AKP de M. Erdogan, avait invité le chef du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, 75 ans, en prison depuis 1999, à s’exprimer devant le Parlement pour annoncer la dissolution de son parti, considéré comme un mouvement « terroriste » par Ankara et ses alliés.
Depuis sa cellule à Edirne, et avant l’annonce des frappes turques contre le PKK mercredi soir en Irak et en Syrie, l’ex-co-président du DEM et toujours charismatique Selahattin Demirtas, condamné à quarante-deux ans de prison en mai dernier, a dénoncé l’attaque à Ankara et une « mentalité qui tente de briser dans le sang la recherche de solutions par le dialogue ». « Si Öcalan prend une initiative et veut ouvrir la voie à une [solution] politique, nous le soutiendrons de toutes nos forces », a-t-il prévenu. « Nous ne permettrons jamais que la voix des [partisans] de la paix soit étouffée, d’où qu’elle vienne. »
Le chef de l’opposition au parlement, Özgür Özel, président du CHP, qui avait rendu visite à M. Demirtas mardi dans sa prison, a également dénoncé « l’attaque terroriste », précisant « condamner le terrorisme, peu importe de qui et d’où il vient ».
Le PKK en lutte armée contre le gouvernement, avait perpétré une attaque à Ankara devant un commissariat de police en octobre 2023, qui avait fait deux morts (les assaillants) et blessé deux policiers.
Le Monde avec AFP