Le gardien sauvé de la perpétuité en appel
La Cour d’assises d’appel de Dakar a condamné, à 20 ans de travaux forcés, le gardien Abdou Traoré condamné en première instance aux travaux forcés à perpétuité pour viol suivi de meurtre.
Lorsque la Cour d’assises de Saint-Louis l’a condamné en 2009 aux travaux forcés à perpétuité, Abdou Traoré a vu le monde s’écrouler autour de lui. Toutefois, il avait fait appel dans l’espoir d’être blanchi, d'autant qu’il a toujours contesté les faits de viol suivi de meurtre qui l’avaient envoyé en prison. Tout au moins dans le but de retrouver les siens un jour. Chose désormais possible mais seulement en l’an 2029. La Cour d’assises d’appel de Dakar a réformé la peine infligée en première instance à l’accusé perdu par les rondeurs de la victime Rouguiya Mamadou Sy.
L’accusé perdu par un désir obsessionnel
Divorcée et mère de trois enfants, la défunte avait fait perdre le nord à Abdou Traoré lorsqu’elle a été recrutée, courant 2006, comme domestique par Alassane Sène. Avec ses rondeurs et son teint clair, Rouguiya Mamadou Sy ne laissait pas indifférent Abdou Traoré, l’un des gardiens du domicile d'Alassane Sène, niché au quartier Moderne à Ourossogui (région de Matam). Tombé littéralement sous le charme de sa collègue, le gardien ne cessait de harceler la dame. Il est allé même jusqu’à la menacer d'attenter à sa vie si Rougui se refusait à lui. Traumatisée par cette cour obsessionnelle, Rougui s’en est plaint auprès du nommé Sény Kane, ami de leur patron. Informé des agissements de son employé à son retour de Dakar, Alassane Sène sert une demande d’explication à son gardien ponctuée d'une mise à pied de trois jours. Dans la même veine, le patron, devant s’absenter pour un long moment, congédie Rougui. C’était le jeudi 1er juin 2006.
Mais le lendemain, Abdou Traoré se rendit chez la domestique pour lui demander d'aller faire le ménage parce que leur patron allait revenir. Le samedi 3, Rougui retourne à son lieu de travail où elle a trouvé la mort à la suite d’un viol. Abdou Traoré avait-il enfin assouvi son désir obsessionnel ?
Le gardien persiste dans ses dénégations faites le long de la procédure jusqu’à la Cour d’assises de Saint-Louis. Devant la cour d’assises d’appel, il a réitéré ses accusations faites à l’encontre du charlatan Mamadou Ndiaye blanchi depuis l’instruction. A en croire Abdou Traoré, l’auteur du crime n’est personne d’autre que le charlatan à qui la victime aurait rendu visite le jour du crime. ''A un moment, j’ai entendu des cris mais je ne m’en suis pas soucié. Mais vers 14 heures, j’ai entendu un bruit sourd et j’ai vu Mamadou Ndiaye jeter le cadavre de Rouguiyatou dans la cour à travers le mur mitoyen'', a déclaré l’accusé. Il est ensuite parti informer les parents de la victime et même la gendarmerie.
Mais alors qu’il indexe Mamadou Ndiaye, les constatations des gendarmes l’enfoncent. Car Abdou Traoré avait des blessures au majeur droit et à l’avant-bras ainsi qu’une trace de morsure au flanc droit. Il s'y ajoute que ses habits étaient trempés dans un seau rempli d’eau contenant du détergent et ses sandales étaient tachés de sang. ''Il y avait de la peinture sur mes chaussures et non du sang. La blessure au doigt, je me suis blessé en coupant des herbes avec une machette. Je n’avais pas de morsure mais une vieille cicatrice. Les habits, c’était ma tenue de travail'', s’est défendu Abdou Traoré. Et d’accuser les gendarmes de l’avoir chargé avec le soutien de la population locale qu’il traite de xénophobe. ''Les gens me prenaient pour un Malien, c’est pourquoi tout le monde était contre moi et mes collègues me haïssaient car ils m’enviaient du fait qu’ils voulaient être gardiens de jour'', a-t-il allégué. L’accusé a également soutenu n’avoir jamais désiré la victime : ''Elle ne m’a jamais plu'', a-t-il avancé tout en niant avoir fait l’objet d’une sanction pour harcèlement.
Son ex-patron l'enfonce
Faux, a rétorqué son ex-patron. Alassane Sène a contredit l'accusé, justifiant son acte par une complainte de la victime et de sa mère. Le témoin a enfoncé le clou : ''Lorsqu’on m’a dit que c’était Mamadou Ndiaye qui avait jeté le corps à travers le mur, j’ai eu des doutes car les dégâts ne pouvaient être causés que par un effet dynamique'', a déclaré M. Sène. Et de poursuivre : ''En plus, Mamadou Ndiaye est trop chétif, contrairement à Abdou qui était trop costaud en ce moment-là.'' Pis, a ajouté Alassane Sène : ''Après les faits, les gens sont venus me dire que Abdou harcelait les filles et faisaient des actes de zoophilie.''
Pour Me Amadou Aly Kane, cela ne suffit pas pour étayer la culpabilité de son client. ''Il y a eu un crime abominable et monstrueux qui doit être puni ; mais qui en est l’auteur ?’’, s’est interrogé Me Kane, estimant que si son client était coupable, il aurait caché le corps ou fui vers la Mauritanie. L'avocat de la défense a plaidé l’acquittement, alors que l’avocat général, François Diouf, a estimé que la perpétuité doit être confirmée. Mais, le ministère public n’a pas été suivi par ses collègues de Dakar comme ce fut avec ceux de Saint-Louis. Car Abdou Traoré a finalement bénéficié d’une réduction de peine, mais les dommages et intérêts ont été maintenus à la somme de deux millions de francs Cfa.