Publié le 25 Aug 2016 - 00:27
XOULLI-WANAHOU (ARTISTE PLASTICIEN ET COMPOSITEUR)

La passion du regard  

 

Mamadou Ndao est un artiste sénégalais résident en Allemagne où il s’est imposé par son travail. Ayant taquiné l’art depuis son jeune âge, il enrichit ses œuvres au gré de ses voyages. Cet artiste touche-à-tout est passionné par tout ce qui touche à la culture.   

 

Mamadou Ndao ! Ce nom ne dit certainement pas grand-chose aux acteurs du milieu culturel. Et pourtant, il est un des leurs. L’artiste vit en Allemagne depuis quatorze ans. D’origine sénégalaise, Mamadou Ndao se considère comme un citoyen du monde. Globe-trotter, Xoulli est né à Nioro du Rip. Il a grandi à Campement-Nguekhokh, et s’est installé en Allemagne. Artiste, il a crée et développé son propre langage d’où son nom d’artiste : ‘’Xoulli Wanahou’’ (Ouvrir les yeux).  ‘’Avec mon art, ma palette, j’essaie d’ouvrir les yeux de l’amour, du partage, de la paix...’’, explique-t-il. 

Il faut ‘’ouvrir les yeux’’ pour mieux contempler et s’approprier la toile de Xoulli. Car pour cet artiste, tout est dans le regard. D’où l’omniprésence des yeux dans ses travaux. Comme son regard sur le monde, son œuvre est sans frontière, il aborde autant la nature morte, les paysages que les portraits. Pour lui, une œuvre, c’est d’abord liberté d'expression, mélange des techniques, partage.  Puîné d’une famille de onze enfants, Xoulli est attiré par le dessin depuis son enfance.

‘‘La révélation…’’

Très vite, il est influencé par de grands maîtres de la peinture tels que Zoula Mbaye, Salvador Dali (sculpteur espagnol).  ‘’Je suis né artiste. L’art ne s’apprend pas dans une école. C’est dès le bas-âge que j’ai commencé à m’essayer à la peinture et au dessin. Je ne l’ai appris nulle part. J’ai toujours eu les mains habiles’’, se vante-t-il. ‘’C’est très jeune que ma fascination s’est portée sur les images, celles diffusées par le petit cinéma en plein air projetant des films indiens, celles que je reproduisais sur mon cahier d’écolier, et des bandes dessinées que je dévorais à longueur de journée’’, se souvient-il. Il y a eu cependant un tournant. ‘’Un jour, un hibou est venu se poser sur le bout de mon crayon’’, se rappelle l’artiste. Une révélation ?

Toujours est-il que le jeune adolescent abandonne alors ses études en classe de 4ème et se consacre à sa passion. Sa rencontre avec le cinéaste Moussa Sène Absa va bouleverser le cours de sa vie. Le déclic : une peinture qu’il qualifie de ‘’petite’’, réalisée sur un tee-shirt. De cette ‘’petite’’ peinture, les portes du réalisateur Moussa Sène Absa lui sont grandement ouvertes. Le cinéaste a détecté toute la dimension artistique qui habitait le jeune artiste. C’est ainsi qu’il débute dans le monde du 7ème Art, comme accessoiriste et décorateur dans la série ‘’Goorgoorlu’’ et le film ‘’Madame Brouette.

Ce fut le début d’une grande aventure, celle d’un passionné de la peinture. Mais dans le monde du cinéma, l’enfant de Nioro ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il ambitionne de produire son propre film. Un long métrage d’une heure trente. ‘’C’est un projet de film qui va durer 1 heure 30 minutes. Tous les acteurs du film vont jouer un rôle de sourd-muet. De quoi le film va parler ?  Je garde la primeur. En tout cas, ça promet.’’, tente-t-il d’aiguillonner sur un ton taquin.

 Peinture, sculpture, photo, vidéo rien à ce jour n’est inaccessible aux yeux de Xoulli. Mo Ndao,  comme l’appellent ses proches, peint comme il le sent. Il ne réfléchit pas sur les choix à faire ni sur les couleurs à choisir. Dans ses créations, il ne se soucie point du qu'en dira-t-on. Il sort juste ce qu’il a, en lui, spontanément, instinctivement. N’empêche, il peaufine, rectifie un trait par-ci, recadre une courbe par-là. Il revoit le tout. Son art ne pratique pas l’imitation, il ne recopie pas la vie telle quelle. Comme pour s’amuser, il crée des yeux avec de multiples dimensions et dans n’importe quel sens : courbé, incliné, en biais…

Son inspiration, Xoulli affirme le tirer de l’être humain. ‘’Le monde est un tableau d’art et l’homme est au centre de cette œuvre’’, soutient-il.

 Elève de Nicholas Himhof

Silhouette d’athlète, dreadlocks dans le vent, Xoulli déborde de joie de vivre. En 2001, il expose à l’Université Cheikh Anta Diop pour appuyer l’Amicale des étudiants de Campement/Nguekhokh.  En 2003, il immigre en Allemagne et y suit une formation dans le domaine de l’audiovisuel. Il a eu comme professeur l’artiste d’art graphique et designer industriel et effets spéciaux, Nicholas Himhof. L’élève sera digne du maître.

Berne, Lausanne, Montreux, Saint-Imier, Freiburg, Paris, Chine, Japon, Maroc et Sénégal, ses œuvres sont partout exposées.

 Son regard rêveur s’illumine lorsqu’il tient entre ses mains un pinceau ou un couteau, ses deux instruments de travail. Il utilise le couteau pour donner et créer de l’épaisseur au motif. Il travaille avec l’acrylique non dilué à l’eau en superposant les couleurs afin de donner dynamisme et tonicité, lumière et vivacité à ses peintures. Ses recherches l’ont mené à l’utilisation du marc de café, à la récupérationà l’huile, l’argile, au pigment de sable, tissus et parfois aux épices. Sa passion de la peinture, il l’exprime d’abord sur sa personne.

C’est ainsi qu’il peint ses propres tenues, pour leur donner une touche artistique.   Sa peinture n’a pas besoin d’être expliquée, affirme-t-il. ‘’Je me refuse de donner un nom à un tableau. Pour moi, c’est prétentieux. Comme il est aussi utopique d’expliquer une œuvre d’art. Demandez à un artiste d’expliquer son œuvre, il se bornera tout simplement à le décrire’’. De son point de vue, la lecture d’un tableau dépend de tout un chacun. ‘’Je n’explique jamais mon œuvre, elle a une vie. Et cette vie se résume au rapport qu’elle entretient avec le regard de son observateur’’, Xoulli dixit ! 

KHADY NDOYE (MBOUR) 

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