Le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, forcé à démissionner par les militaires
Nommé le 17 avril, moins d’un mois après le putsch contre Amadou Toumani Touré, le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a été arrêté par des militaires, lundi 10 décembre au soir. Quelques heures plus tard, mardi matin, il présentait sa démission et celle de son gouvernement à la télévision nationale.
Le petit capitaine a encore frappé. Après avoir renversé l’ancien président Amadou Toumani Touré en mars, Amadou Haya Sanogo a fait arrêter, lundi 10 décembre vers 23 heures, à son domicile, le Premier ministre pourtant issu du putsch - il avait été nommé le 17 avril -, Cheick Modibo Diarra. Quelques heures après, celui-ci présentait sa démission lors d’une brève allocution télévisée, diffusée à partir de 4 heures du matin. Retour sur des événements qui fragilisent un peu plus la transition démocratique malienne.
Lundi soir, Cheick Modibo Diarra devait prendre l’avion pour Paris afin d'y passer un contrôle médical, selon un proche. Mais alors qu’il s'apprêtait à se rendre à l'aéroport, il a appris que ses bagages venaient d’être débarqués de l'avion. Il a donc attendu à son domicile des explications qui n’ont pas tardé à venir.
« Le Premier ministre a été arrêté par une vingtaine de militaires venus de Kati », la ville garnison proche de Bamako et base des ex-militaires putschistes, a déclaré un membre de l'entourage du Premier ministre. « Ils lui ont dit que c'est le capitaine Sanogo qui leur a demandé de l'arrêter », a-t-il ajouté. Avec leur délicatesse habituelle, les militaires « ont carrément défoncé la porte de la résidence du Premier ministre et l'ont emmené un peu brutalement », a ajouté le témoin de l'arrestation.
Sans explication
On ne reverra le Premier ministre que quelques heures plus tard, tôt mardi matin, quand il présentera sa démission sur les ondes de l'Office de radio-télévision du Mali (ORTM). « Moi Cheick Modibo Diarra, je démissionne avec mon gouvernement », a-t-il déclaré, l’air grave et les traits tendus, sans donner plus d’explication. Il a simplement remercié ses collaborateurs et souhaité que « la nouvelle équipe » qui lui succédera réussisse sa mission : reconquérir le Nord-Mali, actuellement occupé par des islamistes liés à Al Qaïda, et organiser une élection présidentielle démocratique.
L’enlisement de la perspective d’une intervention rapide d’une force africaine au Nord lui a peut-être coûté son poste. Les putschistes entendaient que Cheick Modibo Diarra usent des ses relations internationales pour accélérer la reconquête. Mais c’est finalement la prudence qui l’a emporté chez les partenaires du Mali. L'envoyé spécial de l'ONU au Sahel, Romano Prodi, estime ainsi qu’« une action militaire dans le nord du Mali ne sera possible qu'en septembre 2013 ».
Et le secrétaire général de l’organisation, Ban Ki-moon, a mis en garde dans un récent rapport contre un usage précipité de la force qui pourrait « ruiner toute chance d’une solution politique négociée à cette crise, qui reste le meilleur espoir d’assurer la stabilité à long terme au Mali ».
Revanche
Alors que les militaires qui trépignent d’impatience espéraient partir à la reconquête du Nord au début de 2013 – l’Union européenne déploie sa mission de formation militaire à partir de janvier – il faut désormais négocier sérieusement avec les rebelles touaregs et les islamistes. Un non-sens pour des militaires humiliés qui n’aspirent qu’à prendre leur revanche. De fait, Amadou Haya Sanogo aime à se comparer au général Charles de Gaulle entré en résistance contre l'occupant pendant la seconde guerre mondiale (1939-1945).
Sanogo a été nommé par le président malien par intérim, Dioncouda Traoré, à la tête d'une structure chargée de réformer l'armée malienne, sous-équipée et démoralisée. La démission forcée du Premier ministre survient après le report de « concertations nationales » convoquées par le gouvernement de transition qui devaient se tenir pendant trois jours à partir de mardi. La concertation avait pour but de tenter d'établir une « feuille de route » pour les mois à venir entre tous les acteurs - politiques, militaires, sociaux, organisations de la société civile - face à la crise sans précédent que traverse le pays.
Mais les partis politiques comme les associations citoyennes sont divisées sur la marche à tenir. Cheick Modibo Diarra paie aussi, sans doute, le fait qu’il n’a pas su créé de dynamique et de consensus autour de sa personne.
JeuneAfrique