''Mon mari n'avait pas à faire cela''
Pouvez-vous, madame, vous présenter à nos lecteurs ?
Je m'appelle Woré Diaw. Je suis membre du Bureau politique de l'Alliance des forces de progrès (AFP), porte-parole du Mouvement national des femmes du parti. Je milite activement à l'Afp depuis la création du parti.
Chérif Aïdara est votre mari, il vient de quitter l'Afp pour soutenir le candidat Wade dans le cadre du second tour de l'élection présidentielle. Quelle appréciation faites-vous de ce départ qui intervient entre les deux tours ?
En tout cas, je ne partage pas son choix. Il ne m'a pas consultée. Il l'a fait de son propre gré. Et il dit qu'il l'a fait en tant que chef religieux. Mon appréciation dans cette affaire est qu'il n'avait pas à faire ça. Il entre dans une embarcation qui va chavirer d'ici quinze jours. Lui, Chérif, ne devait pas participer à un suicide collectif. Ce, d'autant plus que c'est quelqu'un qui chantait tout le temps les louanges de Moustapha Niasse. Il disait que c'était son grand-frère qui a beaucoup fait pour lui. Aujourd'hui, même si on lui donnait ciel et terre, il ne devait pas quitter ce parti. Il a toujours clamé être membre fondateur de l'Afp, il devait rester quoi qu'il advienne. Et je sais que nous ne serons pas loin de la victoire d'ici quelques semaines.
Vous avez dit : ''Même si on lui donnait ciel et terre''. Il semble justement qu'on lui a donné beaucoup de choses. C'est sans doute cela qui explique ce retournement, non ?
Je ne peux pas le dire. Je ne peux le confirmer, encore moins l'infirmer. Parce que, non seulement il ne m'a pas parlé de son départ du parti pour aller au Pds - j'ai appris la nouvelle comme tout le monde, à travers la presse -, mais, encore une fois, il ne m'a pas parlé de moyens. Mais je dis : même si on lui donnait tous les moyens, Chérif devait rester. Parce que j'ai appris une chose de mon leader Moustapha Niasse, qui disait lors d'un meeting : «Tout ce qui a un prix s'achète. Même si un objet se vend à 1 milliard, il y a quelqu'un qui peut l'acheter à ce prix.» Moi, comme je n'ai pas de prix, je resterai Afp.
Chérif Aïdara vous a sans doute consultée en tant qu'épouse et camarade de parti, avant de prendre sa décision, non ?
Non, jamais. Lui connaît parfaitement ma position. Il sait que je suis une militante engagée et disciplinée. Je suis la discipline de parti.
Vous êtes son épouse et vous avez partagé le même parti ; là vous parlez en tant qu'épouse ou en tant que militante de l'Afp ? Vers où votre cœur balance ?
Je parle en tant que militante de parti. Je l'ai été et je reste militante de parti. Et je conseille à mes sœurs et à mes camarades de parti qui ne sont pas encore partis de rester avec nous, parce qu'on n'est pas loin de la victoire et c'est sûr que le Wade que je vois est un homme qui finit son mandat dans quelques jours.
Vous semblez bien optimiste ?
Mais bien sûr ! Nous nous sommes battus pour cela, pour le respect de la Constitution. Nous avons été dans tous les combats, dans tous les rendez-vous pour que Wade ne soit pas candidat. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas légitimer cette candidature et encore moins voter pour lui au second tour.
Aujourd'hui, votre mari est en face de vous, dans l'autre camp. Allez-vous le combattre comme adversaire politique ?
Disons que lui a sa manière de voir les choses, moi j'ai la mienne. Aujourd'hui, pour rien au monde, je ne quitterais l'Afp pour aller au Pds ou pour voter Abdoulaye Wade. Je reste fidèle, engagée aux côtés du président Moustapha Niasse. Nous avons déjà commencé à travailler avec Benno Bokk Yaakaar au niveau de ma commune. Nous allons continuer le travail. J'ai toujours eu de très bons scores dans mon secteur, celui qui va de Sipres, à HLM Grand-Yoff, depuis le premier congrès de l'Afp jusqu'en 2012. Je continue de rester leader là-bas. J'ai eu le meilleur score. Nous avons été premiers dans tous ces centres de vote.
Et si Chérif Aïdara vous ordonne, en tant que votre époux, de le rejoindre dans le camp qu'il soutient, que feriez-vous donc ?
Lui sait qu'il ne me demandera pas cela, parce que ce sera me demander l'impossible. Il connaît ma position ; il n'ose même pas me le demander.
On a presque envie de vous demander si cette situation n'ira pas jusqu'à ébranler votre vie de couple ?
Je ne veux pas parler de ma vie de couple, parce que cela relève du privé. Mais aujourd'hui, ma position m'amène à dire que j'ai pris toutes mes responsabilités, lui aussi les siennes. Il est libre de son choix. Mais moi aussi je suis libre de mon choix et je reste militante disciplinée de l'Afp. Le mot d'ordre est d'aller avec Macky. Nous allons le soutenir, nous allons travailler pour sa victoire éclatante dans la commune de Grand-Yoff.
GASTON COLY