La présence de l’avocat dès les premières heures de l’arrestation comme palliatif
Bientôt les personnes arrêtées auraient la possibilité de se faire assister par leurs avocats dès les premières heures de l’arrestation.
Dans le système judiciaire sénégalais, l’avocat n’a la permission de consulter son client, en garde-à-vue, que lorsqu’il y a prolongation. Avec le projet de réforme du Code de procédure pénal, les avocats auront la possibilité d’assister leurs clients, dès les premières heures de l’arrestation. Une initiative du législateur sénégalais saluée samedi dernier par la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH).
C’était lors d’un séminaire sur ‘’La prévention contre la torture et les abus dans les lieux de détention primaire’’. La rencontre a réuni policiers, gendarmes, gardes pénitentiaires, Ong, étudiants, journalistes, diplomates... Pour le secrétaire général de la LSDH, Me Yaré Fall, ‘’la présence de l’avocat dès les premières heures de la garde-à-vue permet d’éradiquer les cas de torture et autres traitements inhumains notés dans les lieux de détention primaire’’. Et d’ajouter : ‘’Elle permet aussi d’éviter les aveux extorqués sous l’effet de la torture, car les dépositions du mis en cause sont consignées dans le procès-verbal signé en présence de son conseil’’. Me Fall, qui est par ailleurs président de la section sénégalaise d’Avocats sans frontières, est revenu sur les conséquences des tortures et abus, lors des garde-à-vue. ‘’90% des procès-verbaux sont contestés. Cela pose problème’’, fustige-t-il avant de se demander : ‘’Pourquoi torturer pour un document qui ne sert qu’à titre de renseignement ?’’
Privilégier ''le système de preuves au système d’aveux''
Face aux réticences exprimées par les enquêteurs, l’avocat a indiqué que ''cette présence est une chose incontournable''. ''Cela, dira-t-il, protège les Officiers de police judiciaire (OPJ)’’. Pour Me Yaré Fall, ‘’c’est malheureux de voir des OPJ traînés, alors qu’ils ne faisaient que leur travail’’. C’est pourquoi, Me Assane Dioma Ndiaye dira qu’une telle loi est à l’avantage des enquêteurs également puisqu’elle leur permettra d’assurer les ‘’conditions optimales d’exercice de leur fonction’’.
Le président du tribunal départemental de Louga, Julien Ndour, a estimé pour sa part que la loi doit avoir des mesures d’accompagnement. ‘’Le Barreau doit réfléchir dans le sens de se rendre disponible déjà que les avocats sont absents lors de l’instruction’’, a exhorté le magistrat. Il pense également que la réforme doit prendre en compte les frais médicaux des personnes gardées à vue, la question des interprètes également. D’ici le vote de la loi, le juge Bassoum invite les OPJ à privilégier ‘’le système de preuves qui est préférable au système d’aveux’’.
''Les magistrats ne doivent plus faire la sourde oreille face aux tortures''
Lors de ce séminaire sur la prévention des tortures, le magistrat Julien Ndour a déploré la méconnaissance des voies de recours en cas de torture. ''Des voies de recours sont disponibles pour faire sanctionner les OPJ auteurs d’abus lors des garde-à-vue'', a renseigné le magistrat. Selon ses explications, la victime peut saisir le procureur de la République qui, à son tour, saisit le Parquet général. Le Parquet général transmet, à son tour, à la Chambre d’accusation qui peut prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de l’OPJ auteur de tortures. Dans ce cas, l’OPJ peut être rétrogradé. A défaut d’une sanction disciplinaire, la Chambre d’accusation peut retourner le dossier au Parquet général qui peut initier une procédure pénale. A côté de ces voies de recours nationales, la personne peut se tourner vers la Cour de justice de la Cedeao. ''La convention sur les tortures fait obligation aux États de mener enquête, d’inculper et même extrader afin d’arriver à une réparation de la torture que rien ne justifie'', renseigne le magistrat. Embouchant la même trompette, son collègue Bassoum en service à l’Inspection générale de l’administration de la justice (IGAJ) a estimé que ''les magistrats doivent être beaucoup plus responsables et ne pas faire la sourde oreille face aux preuves de torture exhibée à la barre par les prévenus et accusés''.
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ME ASSANE DIOMA NDIAYE SUR L’HOMOSEXUALITÉ
«Notre société n’est pas préparée à cela, nous ne pouvons pas soutenir ce débat»
Le débat sur l’homosexualité au Sénégal s’est invité au séminaire sur la prévention des tortures et abus dans les lieux de détention primaire. Le ton a été donné par l’ambassadeur des Pays-Bas au Sénégal, même si le diplomate s’est mis à tourner autour du pot. Comme s’il ne voulait pas prononcer le mot homosexuel, son Excellence reconnaît que le sujet reste un tabou au Sénégal, malgré l’avancée de la démocratie. Prenant la parole, Me Assane Dioma Ndiaye n’a pas mis de gant pour donner sa position. ''Notre société n’est pas préparée à cela. Nous ne pouvons pas soutenir ce débat'', a soutenu le président de la LSDH. Le ''droit de l’hommiste’’ d’ajouter : ''L’exercice des libertés individuelles doit se faire dans le cadre de la morale publique. La société sénégalaise n’est pas encore prête''.
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FATOU SY
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