Les rails de tous les dangers
Il est 9 heures passées au marché de Thiaroye. Nous sommes au cœur du ''maket'', un marché informel. La voie ferrée est envahie de part en part et sur une bonne longueur par plusieurs centaines de vendeurs. Toutes sortes de produits sont étalés sur des tables de fortune et des morceaux de toile avachie. Des denrées pour l'essentiel allant des poissons et de la viande aux légumes et autres produits du crû. Tout ce qu'il y a comme ingrédients devant entrer dans la composition de l'alimentation de base du Sénégalais moyen.
Un peu plus loin, une foule bigarrée constituée de nombreux marchands ambulants debout et à la mine patibulaire. Tenant entre leurs mains ou harnachant autour de leurs cous toute une panoplie d'objets divers. Des tissus, des bibelots et autres pacotilles aux téléphones portables usagés et de seconde main. Ça bouge dans tous les sens. Ça vocifère. Ça négocie sous la manche. Un long sifflement retentit de loin. C’est le signal de l’arrivée d’un train. Les occupants de la voie reculent pour laisser la locomotive passer.
Et reviennent après, au même endroit. A quelques mètres de ce grand rassemblement aux allures de foire, raisonne un bruit de marteaux. Ce sont les travailleurs de TRANSRAIL (société qui s’occupe des chemins de fer) qui s’activent à la réfection des rails débutés il y a quelques semaines. Des travaux de pose de nouveaux rails.
Vétusté et ordures
Mais si sur une petite partie de ce tronçon la voie a été récemment renouvelée, tel n’est pas encore le cas à quelques mètres de là, où les rails sont presque invisibles. Le sable ayant fini depuis longtemps de happer cette partie de la voie. A preuve, à chaque passage de train, c'est une nuée de poussière qui pollue tout l'environnement. Obligeant les gens se trouvant aux abords des rails à se boucher les narines.
De la gare de Cyrnos à Rufisque, le Petit Train de Banlieue, comme tous les autres, circule sur des rails qui datent de la période coloniale. Ils sont en effet dans un état défectueux. L'aspect rouillé des rails en certains endroits le prouve. ''La voie entre Dakar et Rufisque n’est pas bien entretenue. Et cela peut entraîner plusieurs dangers comme le déraillement'', s’indigne Momar Sall, Secrétaire général du syndicat des travailleurs du Petit train de Banlieue. Même constat fait par Eric Peiffer, Directeur général de TRANSRAIL. Il avance que ''Ce sont des rails qui datent de la période coloniale. Le métal a atteint sa date limite normale de résistance et de vie. Ils doivent être remplacés''. Il n’est pas rare de voir la circulation de train annulée à cause d’une cassure des rails.
Et ceci au grand dam des milliers de clients qui voyagent quotidiennement à bord du PTB ou des trains transportant des marchandises. Autres actes d'agression des rails, les ordures qui jonchent la voie ferrée. A hauteur de la SOGAS par exemple, ce sont des excréments et des carcasses de bêtes qui rendent même la voie invisible. De cette monticule d'ordures s'exhale une odeur fétide, insupportable. A cela viennent s'ajouter les eaux de pluie qui, elles aussi, en période d'hivernage, font partie intégrante de la dégradation du chemin de fer au Sénégal.
D'ailleurs en 2006, la circulation des trains, surtout ceux du PTB, avait connu des retards et des annulations qui avaient été causés par les inondations. Ces nuisances sur les rails ralentissent la fréquence de la circulation des trains. ''L’état des rails pose problème depuis quelques années, ce qui cause souvent des déraillements'', nous confie Seyni Sy, chef d’exploitation au Petit Train de Banlieue (PTB).
Les solutions
Et pourtant des solutions existent. Le Programme d’Aménagement pour la mobilité urbaine (PAMU) a été mis en place pour régler toutes les difficultés liées à la dégradation des rails. ''Ce programme financé à hauteur de 12 milliards de francs avait été prévu pour la construction d’un mur dans le but de sécuriser les riverains, de rendre saine la circulation mais aussi et surtout d’arrêter le déversement des ordures sur la voie'', ajoute M. Sy.
Malheureusement, ce programme est finalement tombé à l’eau. Les murs ont été troués, à certains endroits, pour faire évacuer des eaux usées et pluviales. A partir de ce programme également, devait être entamée la pose d’une troisième voie qui devait aller de Hann à Fass Mbao. Mais celle-ci n’a même pas atteint Thiaroye. Parce que se heurtant à la délocalisation des habitants à Wakhinane.
Amadou Thiam